Transport de virus : l'Institut Pasteur au coeur d'une enquête judiciaire
Des échantillons biologiques contenant des virus ont été transportés par avion de ligne entre deux Instituts Pasteur, en octobre 2015. Une enquête est en cours afin de déterminer les circonstances précises de ces faits, qui se sont produits à l’insu des autorités sanitaires.
L'Institut Pasteur fait l’objet d’une enquête judiciaire sur les conditions dans lesquelles des échantillons potentiellement à risque, en provenance de Corée du Sud, sont arrivés en octobre 2015 dans ses locaux, révèle Le Parisien dans son édition du 8 mars.
Ces échantillons avaient été acheminés de façon non réglementaire par un scientifique de l’Institut Pasteur de Corée, par simple transport aérien et sans déclaration préalable aux services sanitaires. Suite à un article publié le 5 octobre 2016 dans la presse coréenne, soit presque un an après les faits, l'Institut Pasteur de Paris avait confirmé dans un communiqué qu’"un dépôt d’échantillons biologiques, sans information préalable à ce dépôt, [avait] bien eu lieu dans une unité de recherche le vendredi 16 octobre 2015".
Le Parisien rapporte que "le virus, soigneusement rangé dans une petite boîte bleue de produit cosmétique, est resté ensuite sur l’étagère du bureau d’un chercheur de l’Institut sans aucune précaution sanitaire, du 16 au 23 octobre. Tout ceci en dépit des règles nationales strictes du Code de la santé publique ou internationales."
Cet incident avait "conduit le parquet de Paris à ouvrir une enquête préliminaire le 19 décembre 2016", rappelle le quotidien.
Des échantillons a priori sans risque
Dans un communiqué du 12 octobre 2016, l’Institut Pasteur avait récusé les accusations selon lesquelles ce transport d’échantillons avait fait courir des risques aux passagers du vol Séoul-Paris.
Contacté par Le Parisien, Christian Bréchot, directeur général de l’Institut Pasteur de Paris, conteste tout risque sanitaire. "Les échantillons qui sont arrivés avaient subi un traitement d'inactivation et ne présentaient donc pas de risque de contamination. L'erreur est de ne pas avoir effectué de déclaration auprès de l'ANSM [l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé]".
Pas d'évaluation possible du danger
La destruction des échantillons viraux avait été réalisée le 27 octobre 2015 par l’Institut Pasteur, sans analyse préalable de leur nature au niveau moléculaire.
D’après Le Parisien, l’ANSM indique dans son rapport d’investigation transmis à la justice que "l’absence de déclaration n’a pas permis la mise en œuvre de mesures de police sanitaires immédiates permettant d’évaluer avec certitude le danger de la situation, ni le déploiement éventuel de mesures de protection des populations".
Les échantillons incriminés sont des lignées cellulaires dérivées de rein de singe et appelées "cellules Vero". Elle sont utilisées dans les laboratoires de recherche comme cellules hôtes pour la culture de virus.
Celles transportées jusqu’à l’Institut Pasteur sont suspectées d’avoir été en contact avec le coronavirus MERS-CoV, un virus de la même famille que celui du rhume et du SRAS, le syndrome respiratoire aigu sévère.
Le MERS-CoV, découvert en 2012, est responsable du syndrome respiratoire du Moyen-Orient, une "infection sévère à l’origine d’une forte mortalité" et transmissible d’homme à homme, d’après les informations fournies par l’Organisation mondiale de la santé.