Ebola : trois formes du virus circulent en Guinée
Suite à plusieurs mutations du virus, trois formes du virus Ebola circulaient en Guinée en fin d’année 2014, selon des analyses réalisées par une équipe internationale rattachée à l’Institut Pasteur et au CNRS. Ces travaux ont été publiés ce 25 juin dans la revue Nature.
La multiplication des virus dans l’organisme s’accompagne fréquemment de mutations de leur génome - mutations qui peuvent les fragiliser ou les renforcer[1]. Dans le cas de l’épidémie d’Ebola qui sévit en Afrique de l’Ouest depuis mars 2014, une attention particulière est portée à ce risque, dans l’espoir de concevoir des traitements efficaces et des outils de diagnostic toujours pertinents[2]. En août dernier, les chercheurs estimaient que le virus mutait "lentement".
Des scientifiques de l’Institut Pasteur de Dakar et de Paris, du CNRS et de l’Université de Sydney viennent de publier l’analyse de prélèvements réalisés en Guinée entre juillet et novembre 2014. Leurs travaux ont été réalisés en collaboration avec des chercheurs nord-américains mobilisés en Sierra Léone.
"L’analyse de ces séquences révèle l’existence de trois variants (NDLR : formes génétiquement distinctes du virus, mais apparentées) qui ont circulé en même temps en Guinée, une dynamique très différente de ce qui avait été décrit pour la Sierra Leone et le Libéria", expliquent les chercheurs dans un communiqué. Les mutations qui les distinguent impliquent des différences de structures susceptibles d'impliquer des propriétés infectieuses différentes ; toutefois, aucune différence en terme de contagiosité ou de mortalité n'a, jusqu'à présent, été révélée par les études épidémiologiques.
Le premier variant apparait très proche de celui identifié dans les prélèvements réalisés au tout début de l’épidémie, en mars 2014, peu après l’apparition des premiers cas en Guinée. Le CNRS souligne que ce variant "se retrouve uniquement en Guinée, à la fois dans les régions urbaines (Conakry) et les régions forestières". (Sur la carte ci-dessous, il s'agit du variant GUI-1, représenté en rouge)
Un deuxième variant a été détecté à Conakry et diverses villes voisines. Le virus est très similaire avec les variants de virus également en circulation en Sierra Leone. Pour le CNRS, ce constat "s’ajoute aux données épidémiologiques pour mettre en lumière de multiples réintroductions du virus Ebola depuis la Sierra Leone vers la capitale Guinéenne". (Sur la carte ci-dessous, il s'agit du variant SLE-GUI-3, représenté en orange)
Le troisième variant identifié présente lui aussi "un lien de parenté avec des virus circulant en Sierra Leone", poursuit le CNRS. Toutefois, les chercheurs ignorent encore s’il s’agit d’un virus importé de Sierra Leone, ou d'un virus ayant évolué de façon similaire en Guinée. Ces variants de virus sont du type impliqué dans les cas d’Ebola au Mali en octobre et novembre 2014. (Sur la carte ci-dessous, il s'agit du variant GUI-2, représenté en bleu)
Les 5 variants du virus Ebola circulant en Guinée, Sierra Leone et Mali. (cc Nature)
Les chercheurs jugent que "la vitesse d’acquisition des mutations est tout à fait dans les marges déjà décrites pour ce genre de virus".
Outre les équipes impliquées dans le développement des traitements et des outils de dépistages, ces études intéressent également les épidémiologistes. La localisation des différents variants permet de retracer les chaînes de transmission des maladies, et ainsi de mieux comprendre comment une épidémie est susceptible de se propager sur le territoire étudié.
Source : Distinct lineages of Ebola virus in Guinea during the 2014 West African epidemic. E. Simon-Loriere et al. Nature, 24 juin 2015. doi: 10.1038/nature14612
[1] Chez les virus dont le code génétique est porté par des brins d’ARN, les mutations sont fréquentes. La réplication de l’ARN est en effet un processus qui engendre beaucoup d’erreurs.
[2] Du fait de ces mutations, certains traitements ayant démontré il y a 15 ans une efficacité relative contre Ebola (à partir de souches du virus de 1976 et 1995) se sont avérés sans effet sur les souches actuelles.
"Chaque variant [identifié] est défini par une combinaison de mutations affectant différentes protéines du virus", détaille le CNRS dans un communiqué accompagnant la publication. Parmi ces protéines, les auteurs évoquent notamment : la protéine VP35, qui semble contribuer à la virulence de l’agent infectieux, la glycoprotéine d’enveloppe du virus, ce qui pourrait moduler la perception du virus par le système immunitaire, ou encore la polymérase (enzyme qui participent à la synthèse de l’ARN porteur du code génétique, NDLR), "qui est pourtant une région généralement plus conservée chez les virus."