Dispositifs médicaux à usage unique : les risques de la stérilisation à l'oxyde d'éthylène
Dans les hôpitaux et notamment dans les services de néonatologie, les soignants ont de plus en plus recours à des dispositifs médicaux à usage unique stérile. L'objectif est de lutter contre les maladies nosocomiales. Mais comme ces dispositifs sont en plastique, il est impossible de les stériliser à la vapeur d'eau. Alors les industriels utilisent de l'oxyde d'éthylène, un gaz très efficace, mais aussi très dangereux. L'Agence du médicament a donc établi des normes dont le principal objectif est que les dispositifs médicaux utilisés ne contiennent plus de résidu de ce gaz. L'objectif est qu'il ne contamine pas les malades lors de leur utilisation. Reportage.
Service de néonatologie de l'hôpital Necker-Enfants malades à Paris (AP-HP). Dans une seringue, il y a le lait que la maman de Raphael a soigneusement tiré pour lui. Ce bébé est né avec huit semaines d'avance. Il n'est pas encore capable de prendre le sein ou même un biberon.
La crainte de l'infection nosocomiale
Si Raphaël continue à se développer, c'est grâce aux personnels soignants et aux nombreux tuyaux qui lui apportent tout ce dont il a besoin.
"Il a une sonde gastrique, une petite paille qui part de sa bouche jusqu'à son estomac, reliée par une tubulure à la seringue d’alimentation. Comme il est encore petit, il a aussi des lunettes à oxygène qui l’aident à respirer ", explique Héloïse Tsirony, infirmière en néonatologie.
Ces dispositifs médicaux doivent être changés très régulièrement. Deux fois par semaine, tous les jours et même parfois toutes les trois heures, pour les seringues d'alimentation. En néonatologie, l'infection nosocomiale est donc ce que chacun redoute.
Contre les bactéries et les microbes, ces dispositifs médicaux à usage unique présentent le meilleur rempart car ils sont stériles. "Les grands prématurés peuvent être exposés jusqu’à une vingtaine de dispositifs par jour. Tous ces dispositifs doivent être parfaitement stérilisés. Et ils le sont à l’oxyde d’éthylène qui est aujourd’hui le seul moyen de respecter les normes en matière de sécurité bactériologique", explique le Dr Virginie Rigourd, pédiatre à l’hôpital Necker.
L'oxyde d'éthylène : dangereux aussi pour l'homme
Si ce gaz est une substance dangereuse pour les bactéries, il l'est aussi pour l'homme.
"Le risque est présent dès la première molécule d’oxyde d’éthylène car c’est une molécule qui est toxique de manière directe. Il suffit d’une seule molécule pour modifier une cellule et ensuite déclencher une lésion cancéreuse. C’est une question de loterie et cette loterie a été évaluée par les agences sanitaires : il existe un taux le plus bas possible pour un risque le plus faible possible", explique Fabrizio Pariselli, directeur de l’unité de prévention du risque chimique au Centre national de la recherche scientifique (CNRS).
Des résidus d'oxyde d'éthylène supérieurs aux normes
Pour limiter la contamination, la réglementation fixe à 60 microgrammes la teneur résiduelle maximale d'oxyde d’éthylène. Mais fin 2015, l’Agence nationale de santé qui a analysé 24 sondes révélait que 60% n’étaient pas aux normes. Elle a donc rappelé à l'ordre les fabricants.
Comment les dispositifs médicaux sont-ils stérilisés ? "La stérilisation va se faire à travers l’ensemble des emballages. Le gaz va d’abord chauffer et humidifier les éléments d’emballages. L'oxyde d'éthylène va pénétrer à travers le carton, à travers la boîte et le blister pour venir en contact avec le produit. Après le chauffage, il y a la phase de désorption. Puis on va « laver » ce produit dans le sens où on va injecter de l’air et retirer de l’air, puis faire le vide et injecter de l’air etc., et ce pendant une dizaine d’heures pour retirer tout résidu d'oxyde d’éthylène", explique Stéphane Regnault, président du Syndicat national de l’industrie des technologies médicales.
Dorénavant les fabricants devront calculer et afficher explicitement la teneur résiduelle en oxyde d'éthylène afin de permettre aux personnels soignants de mieux évaluer l'éventuelle exposition des bébés.