Paludisme : un protocole prometteur pour réduire les risques de transmission lors des transfusions
Élaboré il y a plusieurs années, un protocole de traitement du sang destiné a inactiver l’agent infectieux du paludisme durant une transfusion a, pour la première fois, été expérimenté en conditions réelles au Ghana. Les résultats, publiés ce 22 avril dans The Lancet, montre que la méthode réduit significativement le risque d’infection.
La méthode expérimentée dans cet essai consiste à irradier le sang transfusé à l’aide de rayons UV, et d’y adjoindre une certaine quantité de vitamine B2 (riboflavine). Des travaux antérieurs, réalisés en laboratoire, laissaient à penser que ce protocole était efficace pour inactiver le Plasmodium, l'agent du paludisme.
L’étude a impliquée 65 receveurs de transfusion au Ghana, non porteurs du parasite avant la transfusion.
Parmi eux, 28 ont reçu du sang traité avec les UV et la vitamine B2, les 37 autres avec du sang non traité. Seul 1 membre du premier groupe a ultérieurement été testé positif au paludisme, contre 8 dans le second groupe. Un résultat statistiquement significatif, qui suggère que ce procédé peut réduire le risque de contamination lors d’une transfusion. D’autres études, menées sur de plus grands nombres de patients, en particulier avec des populations à risque (jeunes enfants, femmes enceintes...) sont nécessaires pour valider le potentiel de la méthode.
Quand bien même son efficacité serait confirmée, ce protocole requiert un équipement coûteux rendant peu probable son introduction à court terme sur le terrain.
"Dans de nombreux pays d'Afrique subsaharienne où le paludisme est endémique, une forte proportion de la population est porteuse du parasite, sans manifester de symptômes cliniques", relève le Pr Jean-Pierre Allain de l'Université de Cambridge, auteur principal de l'étude. "C'est particulièrement problématique pour les transfusions sanguines car cela expose les bénéficiaires à un haut risque d'infection si aucune procédure de traitement du sang n'est fournie", souligne-t-il.
Au Ghana, environ la moitié des donneurs de sang sont porteurs du parasite, et près de 30% des transfusés, testés négatif pour Plasmodium avant la transfusion, sont positifs après. Or, la détection de parasites comme celui du paludisme coûte cher et il n'existe pas aujourd’hui de moyens de traiter le sang total (c’est-à-dire dont les composants ne sont pas séparés), forme la plus couramment utilisée pour la transfusion en Afrique sub-saharienne.
Dans The Lancet, Sheila O'Brien, de la Société canadienne du sang, estime que si cette technologie confirmait son efficacité, elle pourrait "révolutionner la sécurité transfusionnelle en Afrique, où c'est le plus nécessaire". Elle juge par ailleurs qu’un tel protocole pourrait permettre de diminuer encore le risque – déjà faible – de transmission d'infections (hépatites...) dans les pays riches.
Étude de référence : Effect of Plasmodium inactivation in whole blood on the incidence of blood transfusion-transmitted malaria in endemic regions: the African Investigation of the Mirasol System (AIMS) randomised controlled trial. J-P. Allain et al. The Lancet, 22 avril 2016. doi:10.1016/S0140-6736(16)00581-X
Selon l'Organisation mondiale de la Santé, il y avait 214 millions de cas de paludisme l'an dernier, et 438.000 décès, dont 90% en Afrique subsaharienne. Le paludisme est généralement transmis par les moustiques, mais l'on ignore combien le contractent par transfusion.
En Europe, les dons de sang sont soumis à un grand nombre de mesures de sécurité, qu'il s'agisse de sang total ou de certains de ses composants (plasma, plaquettes...).