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Première mondiale à Genève : greffe de foie entre deux porteurs du VIH

Les Hôpitaux universitaires de Genève ont réalisé, en première mondiale, une greffe hépatique entre deux porteurs du virus VIH en octobre 2015. Six mois après, la greffe n’a pas provoqué de perte du contrôle virologique chez le receveur. Cette première ouvre de nouvelles perspectives pour les personnes vivant avec le VIH.

La rédaction d'Allo Docteurs
Rédigé le , mis à jour le
Entretien avec le Pr Olivier Bastien, directeur du prélèvement et de la greffe organe-tissus à l'Agence de la biomédecine

Il y a 6 mois a eu lieu aux Hôpitaux universitaires de Genève une greffe de foie. Rien d’inhabituel pour ce centre de référence de la transplantation hépatique. Mais fait particulier, et première mondiale, le donneur comme le receveur étaient séropositifs. Cette intervention fait d'ailleurs l’objet d’une publication dans l’American Journal of Transplantation du 25 avril 2016.

Le donneur, séropositif depuis 1989, était décédé d’une hémorragie cérébrale. Le receveur, lui, est porteur du virus depuis 1987. Tous deux étaient traités depuis de nombreuses années par antirétroviraux. Grâce à ces traitements, le virus VIH n’était plus détectable, ni chez l’un ni chez l’autre. Seuls subsistaient dans leurs organismes des anticorps attestant de l’infection. Depuis 2007, la Suisse autorise les transplantations entre personnes séropositives. « Mais il a fallu attendre 8 ans pour qu’une équipe médicale ose en réaliser une », admet le Pr Alexandra Calmy, responsable de l’unité VIH-sida des Hôpitaux universitaires de Genève.

Défi médical majeur mais risque limité

Les deux patients avaient beau être tous les deux séropositifs, chacun portaient une souche différente du VIH. « Dans un organisme, le virus du sida mute. Il a, comme nous, une histoire de vie. Il s’adapte aux traitements que la personne prend pour se soigner. » Le patient greffé a donc reçu un organe contaminé par une autre souche virale que celle avec laquelle il vivait. Impossible a priori pour les médecins de savoir si son traitement allait couvrir le virus " importé ".  C’est donc après l’intervention qu’ils se sont penchés sur cette épineuse question. « Comme dans tous les cas de transplantation, le temps presse. Ce n’est pas le moment où l'on tergiverse. Nous avons ensuite fait un véritable travail  d’investigation sur le cas. Il a fallu « éplucher » les antécédents du donneur, étudier ses changements de traitement et les variations de sa charge virale. Cela nous a permis, dans les 48 heures qui ont suivi la greffe, de conclure que le traitement  du receveur n’allait pas être suffisant pour affronter le virus du donneur décédé », explique le Pr Calmy. « Néanmoins,  nous disposons de traitement antirétroviraux performants et le risque était limité. »

Afin de réduire le risque que le foie transplanté ne transmette une souche virale du donneur non contrôlée, le traitement antirétroviral du receveur a été modifié et adapté aux caractéristiques du virus du donneur après la greffe. « Nous avons ajouté au traitement des molécules auxquelles le patient n’avait pas été exposé », ajoute le médecin. Cette stratégie s’est avérée efficace puisque 6 mois plus tard, le charge virale du patient n’a pas augmenté.

Nouvelles perspectives pour les patients séropositifs

« Cette transplantation a un impact symbolique majeur », estime le Pr Alexandra Calmy. Elle lève une discrimination : les patients séropositifs peuvent désormais avoir leur carte de donneurs d’organes. « Nous revenons de loin, quand on pense qu’une relation sexuelle non protégée pour une personne séropositive était passible d’une sanction pénale en cas de plainte en Suisse il y a encore quelques années. Ce n’est plus le cas maintenant car le risque de contagion d’une personne séropositive pour le VIH avec une virémie indétectable est considéré comme négligeable. »

Cette première mondiale ouvre aussi des perspectives pour les personnes en attente de greffe. Cela permettra d’augmenter l’accès à la greffe des personnes séropositives en liste d’attente pour une transplantation d’organe. Dans le contexte bien connu de la pénurie globale de dons d’organes, les patients séronégatifs en liste d’attente bénéficieront donc également indirectement de cette percée, puisque toute greffe entre patients séropositifs va automatiquement diminuer le nombre total de patients en attente d’organe.  « Même si cela ne va pas vraiment pas changer la donne en terme de nombre de greffes et donc de santé publique », nuance la spécialiste du VIH-sida. La possibilité de transplantation entre patients séropositifs est une spécificité suisse (une greffe similaire a été réalisé aux USA en mars , mais dans le cadre d'un protolole de recherche). La France, elle, ne l'autorise pas.

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