Maigreur constitutionnelle : grossir, j'en rêve !
La plupart d'entre nous se plaignent de leurs kilos en trop. Mais pour ceux qui ne prennent jamais un gramme malgré des quantités normales de nourriture, la situation n'est pas toujours facile à vivre. On parle alors de maigreur constitutionnelle
Les personnes qui souffrent de maigreur constitutionnelle peuvent pas grossir même si elles mangent des quantités normales de nourriture. Elles agacent et sont souvent soupçonnées d'anorexie. Ces personnes sont-elles en bonne santé malgré leur maigreur ? Les maigres peuvent-ils grossir avec un régime adapté ?
Qu'est-ce que la maigreur constitutionnelle ?
Lorsque l'on parle de poids, on parle généralement de surpoids plutôt que de sous-poids. Et pourtant des personnes rêvent de grossir. Une fois éliminés les problèmes de maigreur ou plutôt d'amaigrissement liés à une maladie ou à un problème psychiatrique, il reste la maigreur constitutionnelle.
Les personnes atteintes de maigreur constitutionnelle restent invariablement à un poids inférieur de 10% à leur poids théorique. Ce sous-poids ne mettant pas en danger leur vie, ces personnes ont souvent du mal à trouver une oreille attentive à un problème parfois très mal vécu.
Maigreur constitutionnelle ou anorexie mentale ?
Les personnes que l'on qualifie de maigres sont souvent déroutées par leur non prise de poids. Pour les aider à comprendre et à mettre un mot sur leur particularité, un service du CHU de Saint-Etienne s'est spécialisé dans l'étude de la maigreur constitutionnelle.
Le premier objectif des tests médicaux proposés par le CHU de Saint-Etienne est d'effacer les soupçons d'anorexie. Les tests ont aussi pour but d'éliminer d'autres causes de sous-poids comme des maladies digestives, des troubles de croissance ou un dérèglement de la thyroïde.
Première étape : le calcul de l'indice de masse corporelle (IMC) grâce au poids et à la taille. Pour savoir si une personne est maigre ou en surpoids, on calcule l'indice de masse corporelle (IMC) en divisant le poids par la taille au carré. Exemple : pour une personne qui pèse 62 kg pour 172 cm, le calcul de l'IMC est le suivant : 62/ (1.72×1.72) = 20.95.
Deuxième étape : les médecins étudient la composition du corps du patient. Un micro scanner reconstitue les os de l'avant bras du patient. Le patient passe ensuite une densitométrie osseuse. La densitométrie osseuse permet d'évaluer la qualité des os du patient et de déterminer le pourcentage de masse grasse de son corps.
Les médecins établissent ensuite la balance énergétique du patient, c'est-à-dire comparer ses apports alimentaires et sa dépense énergétique quotidienne. Un dernier examen permet lui de mesurer la quantité d'oxygène respiré et de CO2 rejeté. Grâce à ces données, les médecins calculent la dépense énergétique au repos.
Tous les résultats obtenus par le service serviront aussi aux recherches de l'équipe sur les mécanismes de cette résistance à la prise de poids.
Très maigres malgré eux
Manger des chips, du chocolat, des viennoiseries tous les jours sans prendre un seul gramme… Un rêve pour beaucoup de personnes, un cauchemar pour d'autres qui souffrent de maigreur constitutionnelle. Soupçonnées d'anorexie, les personnes qui n'arrivent pas à grossir sont souvent mal dans leur peau, tout autant que celles en surpoids.
Pour les maigres constitutionnels, prendre du poids est une lutte de tous les jours. Jérémy, 20 ans, aimerait avoir quelques kilos en plus. Sa stratégie pour prendre du poids : sport et alimentation saine.
Percer le mystère de la maigreur constitutionnelle
À Saint-Etienne, une équipe de chercheurs tente depuis plusieurs années de percer le mystère de la maigreur constitutionnelle. Ils ont terminé une partie de l'étude et les résultats sont assez surprenants.
"L'objectif de l'étude dans un premier temps est de voir si la dépense énergétique des personnes en maigreur constitutionnelle peut être comparée à des populations témoins. L'intérêt étant de savoir si le fait que ces personnes n'arrivent pas à grossir est lié au fait qu'elles dépensent plus d'énergie", explique Christophe Montaurier, ingénieur au laboratoire de nutrition humaine à l'Inra.
Soixante volontaires ont participé à l'étude, des témoins de poids normal et des maigres constitutionnels. Et les résultats sont très surprenants comme le confirme Christophe Montaurier : "Les femmes témoins dépensent plus d'énergie sur l'ensemble de la journée que les femmes maigres constitutionnelles. Tout cela pour un même programme d'activités sur 24 heures. Ce résultat demande à être approfondi pour connaître la raison exacte du fait qu'en mangeant correctement, ces personnes ne prennent pas de poids".
C'est au CHU de Saint-Etienne que l'enquête se poursuit. Parmi les hypothèses possibles, une en particulier est l'objet de toutes les attentions : la graisse brune. "Nous avons deux types de graisses : la graisse blanche qui a pour rôle de stocker et qui favorise la prise de poids, et la graisse brune découverte assez récemment qui était connue chez les animaux, qui était présente chez les enfants à la naissance mais qui était moins connue chez l'adulte. La graisse brune a pour rôle de gaspiller de l'énergie en dépensant de la chaleur. Et l'une des hypothèses est que cette graisse brune soit plus présente chez les maigres constitutionnels", détaille le Pr Bruno Estour, endocrinologue.
Pour valider cette hypothèse, le dos des volontaires a été filmé avec une caméra thermique capable de mesurer l'émission de chaleur de leur corps. Les observations montrent qu'il y a une émission de chaleur plus importante provenant des zones de la graisse brune chez les maigres constitutionnels. Pour le Pr Bogdan Galusca, endocrinologue nutritionniste, il s'agit d'une "piste à explorer pour expliquer la résistance à la prise de poids". L'enquête avance mais il faut encore du temps avant que l'énigme de la maigreur constitutionnelle soit entièrement résolue.