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Tout est une question de goût !

Le goût semble à première vue plus accessoire que la vue et l'audition et pourtant c'est un sens essentiel. En cas d'atteinte importante, l'appétit peut disparaître et mener à la dénutrition. Comment bien se nourrir lorsque les aliments n'ont plus de saveurs ?

La rédaction d'Allo Docteurs
Rédigé le , mis à jour le

Qu'est-ce que le goût ?

Marina Carrère d'Encausse et Michel Cymes expliquent le goût

Il peut être amer ou acide, salé ou sucré... Le goût est une aventure sensorielle complexe. Il suffit de mettre en bouche un aliment pour activer en quelques millisecondes, toute une cascade de réactions depuis la langue jusqu'au cortex cérébral.

Tout commence dans la bouche, et plus précisément sur la langue. Sa surface est tapissée de milliers de capteurs. Ce sont les papilles. Il en existe deux types : les caliciformes, disposées en V, et les fongiformes qui ressemblent à des petits champignons. Certaines sont sensibles au chaud et au froid, d'autres aux pressions ou à la texture des aliments par exemple.

Chaque papille est constituée de bourgeons. Ils ont la faculté de reconnaître le salé, le sucré, l'acide ou l'amer. Quand on mange un aliment, il se mélange à la salive et pénètre alors dans ces bourgeons, qui transmettent l'information au cerveau via des fibres nerveuses. Le cerveau, après analyse, reconnaît si le goût est sucré, salé ou amer.

En revanche, il ne peut pas savoir s'il s'agit de courgette ou de chocolat. Pour le savoir, il doit travailler en équipe et fait appel à d'autres sens, notamment l'odorat et la vision. C'est ainsi que coloré en rouge, un vin blanc peut tromper le plus fin des œnologues. Quant au nez, il permet de percevoir des arômes avant de l'avoir en bouche.

L'apprentissage du goût

La sensation du goût est présente chez le fœtus, dès le quatrième mois. Un bébé de quelques heures seulement a donc déjà des réactions face aux saveurs. Et il a ses préférences ! Le sucré déclenche une succion, il n'aime pas l'amer et le salé l'indiffère. Au début, ce sont des réactions "réflexes", puis le plaisir ou l'aversion s'affirme rapidement.

Le fœtus reçoit les aliments contenus dans le sang de sa mère, via le cordon ombilical. C'est le premier contact qu'il a avec le goût des aliments. Il se développe dans l'utérus, où il est entouré d'une poche de liquide : le liquide amniotique, régulièrement avalé par le fœtus, qui l'élimine ensuite par l'urine.

Le goût de ce liquide est aussi influencé par l'alimentation de la maman. Les aliments passent sous forme digérée dans ce liquide, sans que l'on sache très bien pourquoi. Ils traverseraient la membrane du placenta et celle de la poche amniotique. C'est donc une deuxième possibilité pour le fœtus de se familiariser au goût des aliments.

L'apprentissage du goût doit ensuite commencer dès la jeune enfance, avec la diversification des aliments, qui se fait à partir de 5 mois. Puis en grandissant, on goûte, on sent, on expérimente les saveurs... Cela est essentiel pour développer notre mémoire olfactive, car toutes ces saveurs s'impriment dans notre tête sous la forme d'images sensorielles. Les expériences gustatives sont essentielles pour développer notre goût.

La perte du goût

Le goût est une histoire d'éducation. Mais il évolue avec l'âge. Plus on vieillit, plus notre goût s'altère. Nous avons même tendance à trouver certains aliments plus fades qu'avant. Il peut aussi arriver que les perceptions que l'on a du goût soient faussées ou quasiment inexistantes. Quand on a perdu le goût, on parle d'agueusie.

L'agueusie est due à une altération de certains récepteurs sensoriels, notamment les papilles gustatives, et est souvent associée à une anosmie, une perte de l'odorat. La perte de goût peut être temporaire ou persistante, partielle ou totale.

La déformation ou la perte de goût est un effet secondaire connu des traitements contre le cancer. Mais les causes sont multiples. Un traumatisme, le tabagisme, la prise de certains médicaments ou une affection chronique des voies respiratoires, peuvent être à l'origine d'une perte de goût.

Si la perte de goût s'installe dans la durée, il est important de consulter pour connaître son origine exacte mais aussi pour éviter l'installation de troubles alimentaires. Quand la nourriture n'a plus de goût, elle n'a plus d'intérêt et les risques d'anorexie ou d'anémie sont augmentés. Les frustrations causées par cette perte olfactive peuvent dans certains cas conduire à la dépression.

Goût : les papilles en éveil

Les scientifiques étudient précisément le rôle de la langue dans le goût.

Le goût s'éduque et se cultive notamment pour ceux qui ont décidé d'en faire leur métier. Dans les cours de cuisine et en laboratoire, le fonctionnement des papilles gustatives est étudié de très près.

Des recherches ont montré que contrairement à une idée répandue, la langue n'a pas de zone définie pour reconnaître le sucré, le salé, l'acide ou l'amer. Le rôle de la langue dans la dégustation est donc plus complexe qu'il n'y paraît.

Umami, un goût unique

Les chercheurs japonais tentent de perçer les secrets de l'umami.

Au-delà des quatre saveurs de base, sucré-salé-acide-amer, il existe dans la cuisine japonaise une cinquième saveur très typique baptisée umami.

L'umami ne correspond à aucune des saveurs de base. Officiellement identifiée en 1908 par le Dr Kikunae Ikeda, elle reste inconnue en Occident plus d'un siècle après.

Lever les mystères du goût

Le goût est un sens compliqué à comprendre et à analyser. Pour lever ses mystères, une équipe du CNRS mène plusieurs travaux de recherche sur des volontaires.

Dans un laboratoire, le goût est étudié de près. Des séances de dégustation sont organisées pour de jeunes sujets. Devant chacun d'eux, une machine distribue deux verres : l'un contient uniquement de l'eau, l'autre de l'eau dans laquelle a été ajoutée une molécule gustative. Objectif : reconnaître l'échantillon qui contient la molécule. Et pour corser l'exercice, l'automate change les molécules et leur concentration de manière aléatoire. "Le but de l'expérience est la mesure d'un seuil de détection, c'est-à-dire la concentration pour un produit donné que le sujet va percevoir", explique Annick Faurion, chercheur en neurophysiologie de la gustation.

Lactate, acide tartrique, pipérine… Douze molécules gustatives sont testées. Et pour celles qui dégagent une odeur, pas question de tricher. Les spécialistes ont prévu un système pour que les participants ne puissent rien sentir. En deux heures, chaque participant doit goûter 260 échantillons. Un exercice pas si facile qu'il n'y paraît.

Premier résultat de cette expérience : le seuil de détection des molécules gustatives est propre à chacun. Deuxième résultat de cette recherche : il est possible de développer son goût. À force de sollicitations, les sujets parviennent à détecter des concentrations de molécules de plus en plus faibles. D'ici la fin de l'étude, les spécialistes espèrent percer de nombreux mystères sur le goût.

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