Candida auris : un champignon résistant menace la santé mondiale
Le champignon Candida auris, résistant aux médicaments antifongiques, se propage dans les hôpitaux du monde entier depuis dix ans. Si rien n'est fait, il pourrait faire plus de morts que le cancer.
Elle est présente sur tous les continents et résiste aux principaux antifongiques. La levure Candida auris, une forme de champignon constitué d'une seule cellule, est un nouvel exemple d’un problème de santé publique grandissant : celui des germes résistants aux médicaments. Ainsi, après les bactéries résistantes aux antibiotiques, le temps des champignons résistants aux antifongiques est arrivé.
"Candida auris s'est propagé à un rythme alarmant"
Le 20 mars 2023, les autorités sanitaires américaines lancent l'alerte. "Candida auris, un champignon émergent considéré comme une menace urgente de résistance aux antimicrobiens, s'est propagé à un rythme alarmant dans les établissements de santé américains en 2020-2021" écrivent les Centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC) américains dans un communiqué.
Mais l'alerte ne concerne pas que les Etats-Unis. Selon la revue Eurosurveillance, 327 patients ont été touchés par Candida auris entre 2019 et 2021 dans cinq pays européens, dont la France.
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"Menace urgente" pour la santé
Candida auris a initialement été découvert au Japon, en 2009, dans l’oreille d’une femme de 70 ans. Il semblait alors inoffensif. Puis, il a peu à peu été observé de façon indépendante dans différents endroits du monde.
Dans un article publié le 6 avril 2019, déjà, le New York Times rapportait que le Candida auris avait récemment atteint la ville de New York, le New Jersey, et l’Illinois. Par conséquent, les CDC l’avaient ajouté à la liste des germes constituant une "menace urgente" pour la santé.
Et en mai 2018, un homme de 90 ans était décédé d’une infection à ce champignon - ou mycose - au Mount Sinai Hospital de New York. Le champignon s’était, le temps du passage du malade, propagé à tous les éléments de la chambre. "Tout était positif à Candida auris : les murs, le lit, les portes, les rideaux, les téléphones, le lavabo, le tableau blanc, le matelas, le cadre du lit, les stores, le plafond…" énumère dans le New York Times le docteur Scott Lorin, directeur de l’hôpital. Et, au-delà de ce constat, la crainte palpable est celle d’une infection nosocomiale, d’autant que ce champignon est capable de survivre plusieurs semaines sur les surfaces inertes.
Les personnes déjà malades en première ligne
Problème : selon les CDC, 90% des infections à Candida auris sont résistantes à au moins un médicament, 30% sont résistantes à au moins deux médicaments et près de la moitié des patients qui ont jusqu’ici contracté une mycose à Candida auris sont morts dans les 90 jours, selon les CDC. Les symptômes d’une infection à Candida auris sont peu spécifiques et peuvent donc retarder le diagnostic : de la fièvre, des douleurs et une importante fatigue.
Les principales victimes de ce champignon sont les personnes déjà malades ou qui possèdent un système immunitaire immature ou affaibli : les nouveau-nés, les personnes âgées, les fumeurs, les diabétiques ou encore les personnes qui souffrent de troubles immunitaires. Mais selon les experts des CDC, à moins que de nouveaux traitements plus efficaces ne soient développés et que l’usage non indispensable des médicaments antimicrobiens ne soient sévèrement limités, le risque va s’étendre aux personnes en bonne santé.
C'est pourquoi, si rien n’est fait, 10 millions de personnes pourraient mourir à travers le monde à cause des infections résistantes en 2050, soit davantage que les huit millions de morts annuels du cancer selon le rapport britannique Review on Antimicrobial Resistance (Revue de la Résistance Antimicrobienne en français) publié en mai 2016 et piloté par l’économiste Jim O’Neill.
Usage effréné des antifongiques et résistance
Comment expliquer de tels chiffres ? A l’image de la résistance des bactéries aux antibiotiques favorisée par un mésusage de ces substances, la résistance des champignons est très probablement due à un usage déraisonné des antifongiques notamment dans les hôpitaux, les cliniques et les exploitations agricoles, principalement pour empêcher les cultures de pourrir. L’origine précise des souches résistantes de Candida auris et la façon dont elles se sont propagées à travers le monde sont encore peu claires.
Mais l’hypothèse la plus probable actuellement est que ce champignon existe depuis des milliers d’années, qu’il est resté méconnu jusqu’aux années 2000 car il s’agit d’un germe peu agressif, mais que les antifongiques utilisés en agriculture au cours du siècle dernier aient commencé à détruire des champignons plus connus, offrant une opportunité à Candida auris de gagner du terrain et de développer des résistances.
Les souches possédant un gène de résistance aux antifongiques ont donc été sélectionnées et se sont développées au détriment des autres champignons sensibles aux antifongiques.
Mesures d'hygiène et de prudence
En France, l’origine du premier cas d'infection à Candida auris a eu lieu en 2015. Son origine reste inconnue. Le deuxième cas, survenu en 2017, a probablement été importé d’un pays étranger, selon le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC). Pour maîtriser ce champignon et limiter sa propagation, les scientifiques devront répondre à trois questions, rapportent les CDC : pourquoi Candida auris est-il résistant aux antifongiques ; pourquoi les infections à Candida auris n’ont-elles débuté que depuis quelques années ; et pourquoi a-t-il fait une apparition simultanée à divers endroits du globe ?
En attendant, des mesures d’hygiène et de prudence (le port de gants, la déclaration des cas, le lavage des mains…) sont les seules précautions à adopter pour tenter de réduire les risques de contamination.