Décubitus ventral : une technique de réanimation qui sauve des vies
Le retournement en décubitus ventral est une technique simple, peu coûteuse et efficace qui permet d'améliorer la respiration des patients en leur offrant une meilleure ventilation des poumons.
Des patients placés sur le ventre. Ce sont les images impressionnantes de la prise en charge en réanimation des formes graves de covid-19. Et c’est grâce à un réanimateur français que ce positionnement est aujourd’hui au cœur du traitement des détresses respiratoires les plus graves.
Au service de réanimation de l’hôpital Edouard Herriot à Lyon, le Pr Claude Guérin et son jeune collègue le Pr Martin Cour, gèrent des patients dont les poumons sont tellement atteints qu’ils ne peuvent plus respirer par eux-mêmes. Ils sont endormis, intubés et oxygénés par une machine. Les patients les plus gravement atteints doivent être régulièrement placés sur le ventre. Une position appelée décubitus ventral.
Rouvrir les poumons au niveau du dos
C'est une prise en charge étonnante que décrit le Pr Martin Cour, réanimateur médical : "Le patient a développé la forme la plus grave du covid-19, c’est-à-dire un syndrome de détresse respiratoire aigu." Premier intérêt, le décubitus ventral permet de "diminuer le quantité d'oxygène administrée au patient". Ici, pour atteindre une saturation en oxygène de 98%, ce patient avait besoin d'un apport d'oxygène de 60% qaund il était sur le dos. En décubitus ventral, la quantité d'oxygéne nécessaire pour atteindre la même saturation n'est plus que de 40%.
Deuxième intérêt : "réouvrir les parties des poumons qui ont pu se ratatiner au niveau du dos", poursuit le Pr Cour. L'arrière du poumon n'est en effet plus écrasé par le poids du corps et les poumons ne sont plus distendus. Les alvéoles, qui souffrent déjà à cause de la maladie, se trouvent protégées. La respiration est alors extrêmement douce et maîtrisée. Ainsi protégés, les poumons peuvent cicatriser au lieu de subir des dégâts supplémentaires.
Une technique de réanimation qui sauve
La technique du décubitus est utilisée depuis quelques années pour les épidémies de grippe. Ce geste qui sauve est donc maintenant maîtrisé d’une façon optimum.
Mais il a fallu quelques années pour arriver à ces résultats. En 1985, le Pr Claude Guérin était jeune médecin quand un de ses confrères s’est inspiré d’une publication américaine pour sauver des cas "désespérés".
En 2000, après des années d'un travail acharné avec plusieurs autres services de centres hospitaliers, il lance sa première étude scientifique. Les résultats sont négatifs, il n'y a pas de baisse de la mortalité. Il reste pourtant convaincu et comprend que les patients n’ont pas été assez longtemps laissés sur le ventre. Il réussit à convaincre ses confrères de le faire plus de 16 heures d’affilée.
Une réduction de la mortalité constatée
L'expérience réussie, les équipes ont apporté une solution qui sera adoptée pour près de 80% des patients covid en réanimation . Le bilan de cette épidémie serait sûrement bien plus lourd sans le décubitus ventral. Le Pr Guérin a d’ailleurs reçu énormément d’appels des Etats-Unis et du Canada au printemps dernier, lors de la première vague de la pandémie.
Prévention des escarres
Une inquiétude persiste : celle de la prévention des escarres au niveau du visage, dont la peau est si fragile. Pour ce faire, les soignants utilisent des pansements spéciaux posés sur le nez et le front. L’autre clé de cette protection est le changement de côté toutes les deux heures.
Toutes ces techniques ont aujourd’hui été adoptées par les services de réanimation du monde entier pour faire face au covid-19. Maintenant que le décubitus ventral a ainsi trouvé sa place, tous leurs patients en détresse respiratoire pourront en bénéficier, même quand le SARS-CoV-2 aura été vaincu.