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Infections urinaires : aucune preuve de l’intérêt du cranberry

Le cranberry (canneberge) est "réputé" limiter les infections urinaires… mais en réalité, les nombreuses études sérieuses qui ont cherché à quantifier ces vertus peinent à identifier les bénéfices réels de ce fruit.

La rédaction d'Allo Docteurs
Rédigé le , mis à jour le
Une vertu légendaire... jamais démontrée. (cc-by-sa Mariluna)

Commercialisée en Europe sous le nom de cranberry, la canneberge se voit attribuer depuis près d’un siècle (voir encadré) la vertu de prévenir les infections récurrentes des voies urinaires. Mais au fil des décennies, les doutes se sont accumulés à l’égard des bienfaits de ce fruit. "Les résultats de nombreux essais cliniques sont contradictoires", résume dans un éditorial du JAMA le Dr Nicolle, spécialiste en médecine interne [1]. "L'efficacité, le cas échéant, demeure incertaine après près de 100 ans d’utilisation", poursuit-ele, déplorant que les travaux en faveur de la canneberge soient également ceux qui prennent le plus de liberté avec la rigueur méthodologique.

Une nouvelle étude [2], publiée dans cette revue médicale, vient enfoncer le clou, montrant qu’il n’était pas possible de distinguer la canneberge d’un placebo en terme de prévention des infections urinaires.

Les chercheurs ont suivi durant un an 185 femmes vivant en maison de soins infirmiers, qui se sont vues administrer soit des capsules de 72 mg de canneberge, soit un placebo. Les infirmiers et les patients ignoraient le contenu des capsules, afin de garantir le sérieux des conclusions de l’expérience. Résultat : la canneberge ne limite pas mieux que le faux traitement la présence de bactéries dans leur tractus urinaire au cours de l’expérimentation. Les résultats sont statistiquement indifférentiables.

"La canneberge ne devrait pas être recommandée contre les infections urinaires"

"La promotion [par la presse populaire] de la canneberge pour prévenir les infections urinaire semble incompatible avec la réalité des études", conclut le Dr Nicolle. "Toute promotion de ces produits […] outrepasse les preuves scientifiques disponibles et un raisonnement rationnel. […] Au vu des preuves accumulées, la canneberge ne devrait pas être recommandée comme une stratégie médicale contre les infections urinaires. Chacun peut, bien sûr, choisir de recourir au jus ou aux capsules de canneberge si elle ou il le souhaite. Cependant, les cliniciens ne doivent pas en faire la promotion en laissant entendre qu’un avantage est prouvé, ou même possible. Les cliniciens qui encouragent cette utilisation rendent un mauvais service à leurs patients."

Ces critiques avaient déjà été formulées en 2012 par d'autres chercheurs, membres de la très sérieuse Collaboration Cochrane, qui avaient conclut au caractère mythique des vertus de la canneberge... La plupart des titres de la presse populaire n'avaient alors pas daigné prendre en compte les acquis scientifiques, et continué à propager la légende sans grands égards pour leurs lecteurs.

 


[1] Cranberry for Prevention of Urinary Tract Infection? Time to Move On. L.E. Nicolle. JAMA, 27 oct. 2016. doi:10.1001/jama.2016.16140

[2] Effect of cranberry capsules on bacteriuria plus pyuria among older women in nursing homes: a randomized clinical trial. M. Juthani-Mehta et al. JAMA, 27 oct. 2016. doi:10.1001/jama.2016.16141

Un mythe vieux d'un siècle

La vogue de la canneberge remonte, outre-Atlantique, au début du XXème siècle. "À cette époque pré-antibiotique, l'acidification de l'urine était un traitement recommandé pour les infections urinaire", explique le Dr Nicolle, spécialiste en médecine interne, dans un éditorial du JAMA accompagnant la publication de la nouvelle étude.

"Il a été rapporté que la canneberge pouvait abaisser le pH urinaire, par la formation d'acide hippurique, suite à la métabolisation de l'acide quinique présente dans le jus de canneberge." Seulement, "des études ultérieures ont indiqué que la concentration de l'acide hippurique dans l'urine était insuffisante pour entraîner un effet antibactérien, à moins que ne soient ingérés de très gros volumes de jus de canneberge".

Par la suite, des travaux ont rapporté que certaines protéines présentes dans les canneberges pouvaient empêcher, in vitro, la fixation d'Escherichia coli à certaines cellules du tractus urinaire. Mais "il n’a pas encore été démontré que ce mécanisme fonctionnait dans les infections humaines".

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