La dépression, maladie du siècle
Une personne sur cinq souffrirait d'une dépression au cours de sa vie. Quels en sont les signes et les causes ? Quelles sont les différentes formes ? Et surtout, comment en sortir et éviter les rechutes ?
Qu'est-ce que la dépression et quels sont les signes ?
Un sentiment de profonde tristesse, un manque d'envie dans les actions quotidiennes, un mal-être permanent ou encore une grande fatigue... Ces symptômes, lorsqu'ils perdurent, sont le signe d'une vraie maladie, la dépression. En France, on estime qu'une personne sur cinq ou six a souffert ou souffrira de dépression au cours de sa vie. Des chiffres qui interpellent, surtout quand on sait que seule la moitié des malades bénéficient d'un suivi spécifique.
Pour que le cerveau fonctionne correctement, des messagers chimiques permettent aux différentes parties du cerveau de communiquer entre elles. Ces messagers sont des neuromédiateurs. Ils passent d'un neurone à l'autre pour transmettre le message nerveux. Ils interviennent ainsi dans plusieurs fonctions, dont la régulation de l'humeur. Chez la personne dépressive, ce mécanisme ne fonctionne pas correctement.
Le neuromédiateur ne se fixe pas sur le neurone suivant, il est immédiatement capturé par un récepteur (une sorte de pompe qui l'aspire). Du coup, les autres neurones ne reçoivent plus le message de régulation. La zone du cerveau qui gère les émotions est perturbée, comme s'il n'y avait plus de frein pour gérer les émotions négatives.
Certains antidépresseurs, comme les "inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine", agissent en bloquant la pompe qui empêche la recapture du neuromédiateur. Le messager peut de nouveau s'accumuler dans la synapse et se fixer sur le neurone suivant. L'activité des neurones est rétablie et l'humeur est régulée.
Les différentes formes de dépression
Il existe plusieurs formes de dépression en fonction de l'évolution de la maladie.
La dépression classique, dite aiguë, fait souvent suite à un deuil ou à un stress important. Elle dure de six à huit mois au maximum et se guérit grâce à une bonne prise en charge. On parle de guérison lorsqu'il n'y a plus aucun signe dépressif pendant une durée de six mois.
Dans le cas de la dépression chronique, à l'inverse, le patient ne parvient pas à échapper réellement à la tristesse, ni aux autres signes de dépression : il fait des rechutes. Les épisodes s'enchaînent, avec plus ou moins d'amélioration entre les deux. Ce type de dépression n'est lié à aucune cause identifiable.
La dépression récurrente se définit par une répétition des épisodes dépressifs, qui sont séparés de deux mois de guérison au moins. Elle concerne surtout les hommes à l'approche de la cinquantaine.
En moyenne, il y a de quatre à six récidives en l'espace de vingt ans. Certains facteurs, comme un âge élevé, semblent augmenter les risques de rechute. Plus le premier épisode a lieu tôt ou plus il est sévère, plus le risque de répétition est élevé.
La dépression saisonnière est également un type de dépression.
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Quelles sont les causes de la dépression ?
Les causes de la dépression sont multiples : évènements douloureux de la vie, anomalie biochimique ou encore origine génétique (il n'y a pas un gène mais une prédisposition génétique).
En effet, des études menées par une équipe de l'université de Pittsburgh, en Pennsylvanie, ont trouvé chez des femmes un lien entre les dépressions chroniques et une région spécifique du chromosome 2. Cela expliquerait qu'elles soient plus sujettes aux dépressions chroniques que les hommes.
Mais il existe aussi un caractère héréditaire dans les maladies psychiatriques. On parle parfois de "familles à dépression", où l'affection se transmet de génération en génération.
L'origine biochimique est évoquée grâce à l'étude des antidépresseurs. Ils agissent, en effet, sur les messagers du système nerveux : les neurotransmetteurs. Les dépressions seraient liées à une mauvaise transmission de la sérotonine, la dopamine et la noradrénaline. D'où l'efficacité de certains antidépresseurs modulant la quantité de ces neurotransmetteurs. Cette anomalie biochimique est toutefois remise en question au profit d'autres pistes.
La dépression fait intervenir d'autres neuromédiateurs que la sérotonine comme la noradrénaline et la dopamine, mais aussi des phénomènes d'inflammation et de plasticité cérébrale, ainsi que des récepteurs comme le récepteur NMDA et le GABA.
L'environnement, par le biais des facteurs de stress (comme dans un chômage ou une séparation), intervient également, en sachant que nous n'avons pas tous la même capacité à les gérer.
Comment soigne-t-on la dépression ?
Le traitement comporte deux volets : médicamenteux et psychologique. Il doit être suffisamment long et être poursuivi, même après les premiers signes d'amélioration.
La psychothérapie est indiquée seule dans les dépressions légères et en association avec un médicament dans les dépressions sévères. Il peut s'agir d'une thérapie cognitive et comportementale ou d'une thérapie d'inspiration analytique. Une bonne hygiène de vie est incontournable, avec la pratique d'une activité physique régulière. Il peut s'agir d'une activité physique adaptée, APA, prescrite par le médecin.
La prescription d'un antidépresseur doit être très encadrée. En parallèle, il est essentiel que le dépressif soit vu très régulièrement par un professionnel. L'effet de l'anti-dépresseur commence entre deux et six semaines. Il est parfois nécessaire d'ajouter dans ce laps de temps un anxiolytique d'action plus rapide, qui sera arrêté lorsque l'antidépresseur fera effet.
À l'hôpital Saint-Antoine (Paris), un protocole de recherche tente d'évaluer l'effet des antidépresseurs sur le cerveau avec une ancienne technique, l'électroencéphalogramme. Il permettrait de visualiser rapidement si un malade réagit positivement à un traitement, avant même que son état ne s'améliore. Un gain de temps essentiel dans le traitement de la dépression.
De nombreuses études ont confirmé l'efficacité pour 70 % des malades de l'association médicaments-psychothérapie. Mais parfois, il faut passer par l'hospitalisation. Mais devant l'inefficacité de certains patients, de nouvelles techniques son développées, telles que la kétamine.
Un traitement en prévention des récidives fait également l'objet de recherches. Il serait prescrit en dehors des épisodes dépressifs. En attendant, on recommande aux personnes ayant eu plus de trois dépressions de poursuivre les médicaments antidépresseurs.
Sismothérapie : le traitement de choc
En cas d'échec des traitements de première intention pour soigner une dépression sévère, des séances de sismothérapie ou électro-convulsivo-thérapie peuvent être proposées à certains patients.
Mieux connue sous le nom d'électrochocs, cette thérapie a beaucoup évolué et permet aujourd'hui d'obtenir des résultats très satisfaisants. Il s'agit d'envoyer un courant électrique dans le cerveau pour enrayer les mécanismes de la dépression. "La sismothérapie consiste, en passant un courant électrique à travers la cerveau, à déclencher artificiellement une crise d'épilepsie. Car on s'est aperçu de façon fortuite que les personnes qui étaient épileptiques arrivaient à améliorer leurs symptômes dépressifs", explique le Dr Philippe Martin, psychiatre.
Pendant la crise, des neurotransmetteurs comme la dopamine et la noradrénaline sont libérés en masse dans le cerveau. Les symptômes dépressifs vont alors diminuer. La sismothérapie donne d'excellents résultats dans le traitement de la dépression et de la mélancolie délirante. Elle est néanmoins réservée aux cas les plus sévères.
Dépression : la piste inflammatoire confirmée
On sait depuis une vingtaine d'années que l'inflammation agit sur le fonctionnement des neurones de la souris. Mais on ne savait pas encore comment le cerveau humain réagissait à l'inflammation. Et surtout s'il y avait un lien avec la dépression. L'inflammation à l'origine de certaines dépressions est une piste explorée par des chercheurs de l'université de Bordeaux.
Un patient sur deux traités par cytokine, un médicament utilisé contre le cancer et les hépatites, sombre rapidement dans une dépression sévère. Un constat surprenant qu'un laboratoire de neurologie tente de comprendre. La cytokine stimule les défenses immunitaires de l'organisme et produit une inflammation des tissus. Mais ce que les chercheurs ont découvert, c'est qu'il produisait aussi une réaction au niveau des cellules du cerveau comme l'explique Sophie Layé, neurobiologiste : "On a pu mettre en évidence que l'inflammation dans le cerveau change le fonctionnement des neurones et provoque des altérations comportementales".
D'autres travaux ont montré que la présence de protéine C réactive, qui traduit une inflammation, était un marqueur précoce d'un épisode dépressif (source : INSERM).
Pour prouver l'influence de l'inflammation sur ces changements de comportement, les chercheurs ont développé un modèle animal pouvant mimer certains symptômes de la dépression chez l'homme. "Les expériences ont été réalisées de très nombreuses fois et systématiquement on a observé des changements de type dépressif chez les animaux inflammés. Et ceci prouve complètement que l'inflammation est responsable de la dépression", note Sophie Layé.
En démontrant l'importance de la composante inflammatoire des personnes déprimées, ces recherches permettront d'améliorer l'effet des traitements.
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Dépression : les vertus du sport
Marcher, courir, se dépenser... La pratique sportive présente d'énormes avantages pour notre santé physique et mentale. Une étude publiée dans The American Journal of Psychiatry montre que le sport pratiqué une heure par semaine aide à prévenir le risque de dépression.
Une fois la maladie installée, une pratique sportive peut également aider le patient. Bien-être physique, mental, lien social... le sport contribue en effet à une meilleure image de soi.
Un centre des Yvelines propose une prise en charge sportive pour ses patients dépressifs hospitalisés. L'idée est de bénéficier du sport mais aussi de retrouver du lien social. Pour avoir un effet positif sur les patients, l'activité physique doit être pratiquée de manière soutenue et régulière.
La dépression chez les personnes âgées
En France, on estime qu'une personne sur cinq a souffert ou souffrira de dépression au cours de sa vie. Et les personnes âgées ne sont pas épargnées.
Lorsque les personnes âgées n'ont plus goût d'entreprendre et que toutes les tâches quotidiennes deviennent des épreuves, une hospitalisation peut être nécessaire. Et si chez certains patients, la dépression est facilement diagnostiquée, cela n'est pas toujours le cas. La multiplication des pathologies peut masquer la présence d'une dépression chez la personne âgée.
"La moitié des dépressions chez la personne âgée ne sont pas soignées correctement. Or, quand on fait une dépression, le cerveau est fragilisé et si on ne traite pas correctement, le cerveau reste fragile et cela favorisera d'autres dépressions par la suite", explique le Pr Christophe Bouché de l'unité de psychiatrie de la personne âgée de l'hôpital Charles Foix – Jean Rostand.
Lorsque les traitements médicamenteux n'apportent pas de bons résultats, une autre solution thérapeutique peut être proposée : la stimulation magnétique transcrânienne. Un dispositif particulièrement intéressant pour traiter les personnes âgées car il est non invasif, indolore et surtout non chimique.
L'objectif de la stimulation magnétique transcrânienne est de stimuler certaines zones du cerveau grâce aux champs magnétiques. Concrètement, une bobine est placée sur la tête du patient pour envoyer un champ magnétique sur la zone du cerveau à traiter. L'impulsion électrique stimule alors le cortex qui libère des neurotransmetteurs.
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