Hospitalisation de Kanye West : qu'est ce qu'une crise psychotique ?
Lundi dernier, le rappeur américain a été hospitalisé à Los Angeles pour un épisode psychotique aigu. Provoquant des bouffées délirantes et des hallucinations, ce trouble psychiatrique est en général plutôt observé chez le jeune adulte.
Mégalomanie, comparaisons divines et paranoïa. Kanye West est depuis quelques années la cible des railleries, à cause de son comportement fantasque. Et si ces signes cachaient en réalité un réel trouble psychiatrique ? Le 21 novembre dernier, le rappeur américain, âgé de 39 ans, a été admis à l’hôpital de Los Angeles pour une crise psychotique. Après avoir parlé d’épuisement, puis annulé sa tournée, Kanye a affirmé se sentir "attaqué spirituellement".
"Comme un coup de tonnerre"
Ce qu'on désigne communément comme une "crise psychotique" est en réalité un épisode psychotique aigu, qui survient le plus souvent "comme un coup de tonnerre dans un ciel serein", nous décrit le Dr Guillaume Fond, psychiatre à la clinique Jeanne d’Arc-hôpital privé Parisien à Saint-Mandé et enseignant à l’université Paris-Est. Ces épisodes psychotiques sont caractérisés par des bouffées délirantes. "C’est une perte de contact avec le réel", explique-t-il. "Le patient a une sensation de persécution, parfois un sentiment de grandeur, d’avoir un pouvoir exceptionnel, de connaître la vérité cachée sur les choses…". Ces signes peuvent être accompagnés par des hallucinations sensorielles, le plus souvent auditives.
Quelques jours avant son hospitalisation, lors d'un concert, Kanye West avait ainsi déclaré : "J'ai été envoyé ici pour vous donner ma vérité, même si c'est prendre un risque pour ma vie, même si c'est un risque pour mon succès, ma propre carrière". Une déclaration qui donne le ton… Dans la plupart des cas, la crise psychotique est précédée par ce genre de signes avant-coureurs. "Mais on n’y pense qu’a posteriori, car ce sont des indices peu spécifiques, comme une irritabilité, des discours étranges", ajoute le psychiatre. L'entourage du rappeur l'avait défini comme "erratique", avant sa prise en charge.
Attention à la consommation régulière de cannabis
S’il est difficile de repérer les prémices d’une crise psychotique, il existe de nombreux facteurs aggravants, à commencer par la consommation de produits psychoactifs. "La consommation régulière de cannabis, avant 21 ans notamment, favorise le déclenchement d’un épisode", précise le Dr Fond.
Plus généralement, les stress environnementaux, biologiques et psychologiques, comme le fait de vivre en milieu urbain par exemple, augmentent les risques. Et bien souvent, la fin de l’adolescence est un moment déterminant. Les crises se présentent le plus souvent entre 18 et 25 ans, typiquement au moment de la première année d’études supérieures. "L’ado est moins encadré, il peut déménager, quitter sa vie d'avant… Tout ce stress fait le lit de la crise psychotique", indique Guillaume Fond, qui précise que "tous les toxiques, comme le tabac, l’alcool, ou les drogues, peuvent favoriser la survenue de ces épisodes".
Après une crise, l'idéal est donc d’arrêter la consommation de ces substances. Le patient se verra également prescrire un traitement antipsychotique.
Traiter en urgence et éviter de stigmatiser
Généralement, les signes régressent en quelques semaines. Mais parfois, si la crise dure depuis plusieurs mois, le traitement sera plus long et complexe. "Il y a vraiment urgence à traiter, car plus on attend, moins on répondra aux traitements", met en garde le Dr Fond.
Si le rappeur s'est rendu de lui même à l'hôpital, la plupart du temps, un épisode psychotique conduit parfois à une hospitalisation d’urgence par la famille. "Mais c’est quelque chose qu’on essaye d’éviter au maximum, en faisant de la prévention et en évitant de stigmatiser les patient", précise le psychiatre. Parfois, la bouffée délirante peut être le signe d’une pathologie sous-jacente, comme une schizophrénie ou une bipolarité. Mais ce n'est pas automatique ! La crise psychotique reste un trouble rare. En France, elle touche 1% de la population, mais plus de 8% ont présenté des symptômes psychotiques au moins une fois dans leur vie, comme le fait d’entendre des voix.
La privation de sommeil : un facteur aggravant ?
Lors de son hospitalisation, Kanye West s’est déclaré épuisé. Le manque de sommeil peut-il être un facteur déclenchant de la crise psychotique ? Pas directement, selon le Dr Fond : "en réalité, la privation de sommeil entraîne une inflammation qui va perturber le fonctionnement du cerveau et donc favoriser la crise". Dans les années 1960, il a été montré qu’une privation de sommeil pendant une dizaine de jours augmentait le risque d'apparition de symptomes psychotiques. Plus généralement, l’inflammation semblerait être l’une des clés d’explication de la survenue de bouffées délirantes. Une hypothèse qui convint le psychiatre. Il rappelle ainsi que l’épisode psychotique aigu a toujours une base biologique, mais les causes de son déclenchement sont diversifiées et font l’objet d’une recherche intense en psychiatrie.