Urgences psychiatriques : quand faut-il hospitaliser ?
L'hospitalisation d'urgence en psychiatrie est un sujet tabou, qui effraie souvent avec la peur ensuite d'être "interné de force". Quelles sont les différentes hospitalisations en psychiatrie ? Dans quels cas faut-il hospitaliser ? Les explications du Dr Gérald Kierzek, urgentiste.
Près de 80% des hospitalisations se font librement, avec le consentement du patient. Seuls 20% des patients sont hospitalisés sans leur consentement. On parle alors d'hospitalisation sous contrainte, récemment réformée par les lois de 2011 et 2013.
Toutes les formes d'hospitalisation sous contrainte visent essentiellement à la protection du malade qui pourrait - ou aurait pu - être amené à commettre des erreurs grossières et préjudiciables dans la gestion de ses relations, de ses affaires ou de ses biens, et pour sa santé physique ou mentale… ou celles des autres.
Deux critères cumulatifs sont requis : les troubles mentaux de la personne rendent impossibles son consentement et l'état mental de la personne impose des soins immédiats assortis d'une surveillance constante. Les droits de ce patient sont respectés. Et pas question de l'interner d'office sans garde-fous.
Les soins à la demande d'un tiers
On parlait avant d'HDT (hospitalisation à la demande d'un tiers) et d'HO (hospitalisation d'office). Cela a un peu changé et il existe plusieurs mesures sous contrainte mais schématiquement, il faut qu'un tiers demande l'hospitalisation. Tous les jours, dans les services d'urgence, on hospitalise des patients pour des soins psychiatriques à la demande d'un tiers (SDT).
Le "tiers" est un membre de la famille du patient ou de son entourage proche ou une autre personne pouvant justifier de l'existence de relations antérieures à la demande de soins sans consentement lui donnant qualité pour agir dans l'intérêt du patient. On demande ensuite au tiers de remplir une demande entièrement manuscrite.
Et deux certificats médicaux sont nécessaires. Un premier certificat doit être établi par un médecin qui n'exerce pas dans l'établissement d'accueil. Le second certificat peut être établi par un médecin qui exerce dans l'établissement d'accueil sans être nécessairement un psychiatre. Ce second médecin n'est en rien lié avec les conclusions du premier certificat et rédige, après examen clinique, un certificat en toute indépendance.
En cas de péril imminent, dûment constaté par un certificat médical émanant d'un médecin n'exerçant pas dans l'établissement d'accueil, le directeur peut prononcer l'admission sans demande d'un tiers. Un seul certificat médical peut suffire.
Les cas exceptionnels d'hospitalisation d'office
Il y a aussi des cas exceptionnels d'hospitalisation d'office. On parle désormais de soins sur décision du représentant de l'Etat (SDRE) qui sont prononcés par arrêté du préfet si le patient présente des troubles mentaux qui compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l’ordre public.
Il existe aussi des particularités régionales comme à Paris avec l'Infirmerie Psychiatrique de la Préfecture de Police mais dans chaque situation, le respect des droits des patients est une priorité imposée par la loi, notamment une fois l'admission réalisée.
Que se passe-t-il une fois l'hospitalisation prononcée ?
Lorsqu'une personne est admise en soins psychiatriques à la demande d'un tiers, elle fait l'objet d'une période d'observation et de soins initiale sous la forme d'une hospitalisation complète. Dans les 24 heures suivant l'admission, un examen somatique complet de la personne est réalisé par un médecin.
Les urgences psychiatriques sont en réalité très larges et intriquées dans les urgences générales. Par exemple, avant de dire qu'il s'agit d'une urgence psychiatrique, il faut toujours un examen somatique (réalisé aux urgences) par exemple pour éliminer une pathologie mimant une pathologie psy.
Ces urgences sont souvent trompeuses. Des problèmes médicaux peuvent prendre l'allure d'une crise psychiatrique avec de l'angoisse, de l'agitation et parfois même un délire. À l'inverse, la souffrance psychique peut s'exprimer à travers le corps et prendre l'aspect d'une intense douleur abdominale ou d'une attaque de paralysie. Exemple classique : l'hypoglycémie ou une tumeur cérébrale. La collaboration étroite entre psychiatres et médecins somaticiens est toujours indispensable.
Un certificat médical constatant son état mental et confirmant ou non la nécessité de maintenir les soins psychiatriques au regard des conditions d'admission définies ci-dessus est établi par un psychiatre de l'établissement d'accueil. Celui-ci ne peut être l'auteur du certificat médical ou d'un des deux certificats médicaux sur la base desquels la décision d'admission a été prononcée.
Des procédures très strictes
Dans les 72 heures suivant l'admission, un nouveau certificat médical est établi dans les mêmes conditions que celles indiquées ci-dessus. Lorsque les deux certificats médicaux ont conclu à la nécessité de maintenir les soins psychiatriques, un psychiatre de l'établissement d'accueil propose dans un avis motivé, établi avant l'expiration du délai de 72 heures mentionné, la forme de la prise en charge (hospitalisation complète ou autre forme de prise en charge incluant des soins ambulatoires et, le cas échéant, le programme de soins). Le psychiatre qui participe à la prise en charge du patient peut proposer à tout moment de modifier la forme de la prise en charge pour tenir compte de l'évolution de l'état de la personne. Il établit en ce sens un certificat médical circonstancié.
Dans chaque situation, le respect des droits des patients est une priorité. C'est la raison pour laquelle les procédures sont très strictes : certificats médicaux, de médecins différents avec confirmation dans les 24h et 72h pour réévaluer la situation. Une nouveauté également, tous les patients admis en soins sans consentement bénéficient d'un passage devant le juge des libertés et de la détention (JLD).
Tout patient peut demander à accéder à son dossier médical auprès d'un professionnel de santé ou d'un établissement de santé. En cas d'hospitalisation d'office ou sur demande d'un tiers sous contrainte, le détenteur des informations (le psychiatre) peut estimer que la communication doit avoir lieu par l'intermédiaire d'un médecin. Dans ce cas, il doit en informer l'intéressé. Si le demandeur refuse de désigner un praticien, le détenteur des informations saisit la Commission départementale des soins psychiatriques. Il s'agit là encore d'une procédure un peu singulière.