Hémophilie : une maladie rare et héréditaire
L'hémophilie concerne près de 8 5000 personnes en France. Même s'il est actuellement impossible d'en guérir, le développement des traitements permet aux personnes concernées par ce trouble de la coagulation d'avoir un quotidien proche de la normale.
Il y a des héritages dont on se passerait bien : c'est le cas de l'hémophilie. Cette maladie hémorragique héréditaire a frappé d'illustres familles, comme la lignée de la reine d'Angleterre Victoria avec son arrière-petit-fils, le célèbre tsarévitch Alexei.
Mais celle qu'on a longtemps appelée "la maladie des rois" est restée durant des siècles bien mystérieuse. Transmise par les femmes, déclarée par les hommes, l'hémophilie pouvait réapparaître après de longues années de silence, à la deuxième, troisième génération. Ce n'est qu'au XXe siècle que l'on a enfin pu déterminer les origines de l'hémophilie.
Un dérèglement sanguin
Lorsque nous nous coupons, le corps déclenche une série de réactions pour empêcher la plaie de trop saigner. C'est ce que l'on appelle la coagulation. Dans les conditions normales, la coagulation entraîne alors la formation d'un caillot pour contrôler l'hémorragie. Plusieurs paramètres, qu'on appellent "facteurs" sont nécessaires et doivent être réunis : les plaquettes, la fibrine et treize autres, numérotés de 1 à 13. Mais en cas d'hémophilie, celle-ci ne se fait pas correctement.
Quelle est la cause de l'hémophilie ?
L'hémophilie est due à une anomalie génétique qui empêche le sang de coaguler correctement, d'où le risque hémorragique. Ce sont certaines protéines présentes dans notre plasma qui permettent au sang de former un caillot. On les appelle les facteurs de coagulation. Chez les hémophiles, un de ces facteurs n'est pas fabriqué en quantité suffisante : le facteur 8 pour l'hémophilie A, la plus fréquente et le facteur 9 pour l'hémophilie B.
Selon le degré d'activité des facteurs en question, l'hémophilie peut être mineure (chez 30 à 40% des patients d'après l'INSERM), modérée dans 10 à 20%, ou sévère (dans la moitié des cas).15 000 personnes seraient concernées en France, par un trouble de l'hémostase (hémophilie, maladie de Willebrandt,...).
8 500 personnes souffriraient d'hémophilie, dont un quart à un tiers de forme sévère. La prévalence de la maladie est d'un garçon sur 5 000 naissances pour l'hémophilie de type A, avec une carence en facteur VIII et un sur 25 000 naissances pour l'hémophilie de type B, une carence en facteur IX.
Comment se transmet l'hémophilie ?
Les parents transmettent l'anomalie génétique par les chromosomes sexuels, même si dans certains cas, le malade développe spontanément l'anomalie. Il est donc le premier d'une nouvelle lignée. C'est le chromosome sexuel X qui détermine les facteurs de coagulation. La femme a deux X, l'homme un X et un Y. Quand un homme est hémophile, il transmettra automatiquement son X malade à sa fille qui devient alors transmetteuse. À l'inverse, son fils ne pourra pas être hémophile puisqu'il lui donnera son Y.
Pour la femme, ça se complique puisqu'elle a deux chromosomes X ; le plus souvent, un seul des deux porte l'anomalie génétique. C'est la raison pour laquelle une femme ne développe que très rarement la maladie car elle doit hériter de deux X porteurs de la mutation, situation rare. La plupart du temps, une femme ne fait que la transmettre, l'X sain prenant le relais de l'X défaillant. Concernant la transmission, elle n'est donc pas automatique : elle a un risque sur deux de transmettre la maladie quel que soit le sexe de l'enfant.
Hémophilie, hémorragies et transfusion
Du fait de la coagulation anormale, une personne hémophile a tendance à avoir des hématomes très rapidement et très fréquemment sur la peau. Ils peuvent survenir dès l'âge de 3 mois et lors des premiers déplacements de l'enfant où des bleux surviendront sur les jambes.
Lorsqu'ils se situent plus profondément, ils doivent parfois être retirés chirurgicalement pour éviter la compression de nerfs ou d'autres vaisseaux. Mais la complication la plus redoutée des médecins, est la survenue d'hémarthrose, ces saignements dans les articulations qui provoquent un gonflement et une perte de souplesse de l'articulation. En cas de récidives, cela peut conduire à la detsruction de l'articulation. C'est ce que l'on appelle l'arthropathie hémophile.
Est-ce que l'hémophilie se soigne ?
Pendant longtemps, la médecine n'a su que faire devant cette anomalie génétique et les malades mouraient très jeunes de cette maladie. Les traitements se bornaient à des perfusions sanguines en cas d'accidents graves : des transfusions qui ont causé de nombreux problèmes. Trop ponctuelles, elles ne pouvaient enrayer les saignements spontanés des hémophiles qui détruisent leurs articulations : les hémarthroses.
Mais surtout, les transfusions n'ont pas toujours été sécurisées et ont véhiculé des maladies comme le sida ou les hépatites. On se rappelle notamment du scandale du sang contaminé dans les années 1980. Des générations d'hémophiles en ont payé le prix fort.
Depuis, la thérapeutique a fait beaucoup de progrès. Les transfusions apportent le facteur de coagulation qui manque, VIII ou IX, et sont désormais parfaitement sûres, sans risque de contamination (plus de détails dans le paragraphe Vivre avec une hémophilie).
Le traitement prophylactique (préventif) est indiqué en cas d'hémophilie sévère ou modérée, notamment en cas d'hématomes dans les articulations ou les muscles, ou de graves hémorragies, digestives ou dans le crâne. Ce traitement est malheureusement assez contraignant : il faut en effet, dès l'enfance et plusieurs fois par semaine, s'injecter le facteur de coagulation qui manque. Ce traitement peut être réalisé dans un hôpital ou une clinique ; Il est possible au domicile, par une infirmière, ou à partir de 4 ans par un proche, et à partir de 12 ans par l'enfant lui-même.
D'autres traitements, non spécifiques à l'hémophilie, peuvent être utilisés comme la desmopressine, qui allonge la durée de vie du facteur VIII ou l'acide tranxemanique.
Mais l'administration directement du facteur VIII peut entraîner la formation d'anticorps anti-facteur VIII, rendant le traitement inefficace.
Heureusement, des innovations thérapeutiques (source : Haute autorité de santé) voient le jour, comme les agents bypassants (complexe prothrombique activé, eptacog alpha), ou l'émicizumab, autorisé sur le marché français en 2019. Il s'agit d'un traitement de première intention de l'hémophilie A, qui apporte des concentrés de facteur VIII. Il est administré en prévention lors d'hémophilie sévère d'après la Haute Autorité de Santé. A raison d'une injection sous-cutanée maximum au lieu de perfusion, il est plus commode et nettement mieux toléré.
Des hémorragies parfois graves
Les hémophiles ne saignent pas plus que les autres, mais plus longtemps, car le caillot n'est pas assez solide. Le sang continue donc de couler. Si la blessure est sur la peau, on peut la comprimer et l'empêcher de saigner.
En revanche, le problème est sérieux lorsque l'hémorragie a lieu dans les muscles ou dans les articulations. Il faut alors vite la prendre en charge car avec l'évolution de la maladie, les hémorragies risquent de récidiver, provoquant ainsi des dégradations articulaires irréversibles. C'est ce que l'on appelle des hémarthroses.
En l'absence de traitement préventif et en cas d'incident, le patient hémophile doit s'injecter une dose de facteur de coagulation le plus rapidement possible. Il existe des stages pour apprendre à préparer l'injection soi-même et à se piquer. Le suivi par un kinésithérapeute est également très important dans le cadre de la prévention. Les patients sont suivis de préférence dans un centre spécialisé dans l'hémophilie et ils doivent porter une carte informant de la maladie afin que les professionnels de santé puissent adapter les traitements en cas d'accident.
La kinésithérapie et les sports à éviter
Les traitements actuels et la généralisation de la prophylaxie ont transformé la vie des patients et de leur famille. Il reste en revanche préférable d'éviter les sports de combat, de contact ou qui peuvent entraîner des chutes, comme le roller et le ski.
En revanche, on recommande la kinésithétapie et une activité physique douce pour entretenir la mobilité articulaire et prévenir les séquelles de hémarthroses.
La thérapie génique pour guérir l'hémophilie ?
Aujourd'hui, on ne peut guérir de l'hémophilie. Le grand espoir des malades et de leurs proches est que des avancées concrètes dans le traitement puissent voir le jour dans un avenir le plus proche possible, grâce à la recherche.
Et la recherche continue. Des patients participent à un essai clinique pour tester un produit plus actif qui permet d'espacer les injections. Et il y a toujours l'espoir d'une guérison avec la thérapie génique : trouver un "gène médicament" capable de réparer l'anomalie du chromosome X.
Plusieurs essais ont évalués positivement l'apport d'un gène médicament, codant pour le facteur IX dans l'hémophilie B : si la maladie n'a pas été guérie, sa sévérité a fortement diminuée.
De même, fin 2017, un essai clinique avait montré une efficacité de la thérapie génique chez des patients souffrant d'hémophilie A. Huit médicaments sont déjà autorisés par la Food and drug Administration, l'agence du médicament américaine et la France les autorise par le biais d'une Autorisation temporaire d'utilisation. Commercialiser à l'échelle industrielle ce type de médicaments reste une gageure d'après l'Association Française des Hémophiles mais quelques patients français en bénéficient malgré tout.
En savoir plus sur l'hémophilie
Sur Allodocteurs.fr
· Hémophilie : l'espoir de la thérapie génique
· A quoi sert le plasma humain ?
· Le patient hémophile : véritable acteur de sa maladie
· Tout savoir sur les transfusions sanguines
Ailleurs sur le web
· Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) "L'hémophilie, une maladie hémorragique héréditaire"
· Association française des hémophiles
· Société canadienne de l'hémophilie
· Fédération mondiale de l'hémophilie
· Hémophilie - Fiche Orphanet