Lymphome : "Ce sont mes cellules qui ont appris à se défendre contre le cancer !"
TÉMOIGNAGE - Marie, atteinte d'un lymphome, fait partie des premiers patients français à avoir bénéficié d'une révolution thérapeutique. Un traitement qui consiste à modifier génétiquement leurs cellules immunitaires pour combattre la maladie.
"Là je me sens bien, donc ça me donne confiance, raconte Marie, mais c'est dur de se dire « on a gagné ! », j'ai eu tellement de douches froides à chaque récidive...". Atteinte d'un lymphome depuis 2016, Marie, 41 ans, peine encore à croire aux résultats du traitement innovant dont elle a bénéficié. Une immunothérapie mise au point aux Etats-Unis pour traiter les patients atteints, comme elle, de cancers très résistants.
"Je devais faire une greffe de moelle avec mon frère comme donneur quand tout à coup, ils m'ont parlé des CAR-T cells (cellules ndlr) : l'autorisation venait d'arriver", se souvient la patiente désormais loin de la chambre d'hôpital où elle avait rencontré les équipes du Magazine de la santé au début de cette aventure.
Reportage diffusé le 8 mai 2018
Démasquer et détruire les cellules cancéreuses
Que sont les cellules CAR-T ? T comme lymphocytes T, une famille de globules blancs, et CAR pour Chimeric Antigen Receptor – récepteur antigénique chimérique. C'est-à-dire des lymphocytes T génétiquement modifiés pour lutter contre le cancer. Schématiquement, on ajoute à leur surface des détecteurs justement créés pour démasquer les cellules cancéreuses et les détruire. "On m'a prélevé mes lymphocytes pendant cinq heures et une fois modifiés, un mois plus tard, on a procédé à la réinjection de CAR-T cells qui a pris cinq minutes !, raconte Marie. Au bout de trois jours, la tension a chuté et la fièvre est apparue. Ils m'ont transférée en réanimation car cela peut entraîner un coma".
En quoi consiste le traitement ? Les explications en vidéo
En effet, ce traitement comporte des risques et l'équipe médicale ne l'avait pas caché à la patiente. La manipulation des défenses immunitaires peut entraîner des atteintes neurologiques ou une réaction inflammatoire massive, dangereuse pour des organes comme les reins, le coeur ou les poumons. "J'ai bien compris, poursuit la « pionnière », mais l'alternative c'était l'allogreffe (de donneur ndlr) dans laquelle les dangers sont aussi très importants. Alors j'ai dit oui." Et tout s'est bien passé, quinze jours après l'injection ultra-rapide, Marie rentrait chez elle.
Des effets secondaires neurologiques
Un mois plus tard, les résultats de l'imagerie étaient bons. "L'équipe était très contente... et moi aussi, sourit la patiente. Mais j'appréhende encore les prochains contrôles : avec moi, à chaque fois au début, la chimiothérapie fonctionne, les résultats sont bons... et après, des cellules cancéreuses réapparaissent partout...". En janvier, après plusieurs chimiothérapies et une autogreffe de moelle, la maladie était ainsi repartie encore plus fort que lors des premières récidives avec des atteintes au niveau du coeur et des poumons.
"Mais cette fois, c'est différent, explique-t-elle. La chimiothérapie agit seulement pendant quelques heures. Là, les cellules qui ont appris à se défendre contre le cancer restent des mois dans le corps et apprendraient même aux autres à se défendre !". Tout n'est pas parfait pour autant, Marie semble avoir des effets secondaires neurologiques de son immunothérapie. De légers troubles de l'équilibre la font tituber lorsqu'elle se remet à marcher par exemple.
Bientôt l'autorisation de mise sur le marché
"Ce n'est pas grave. Je suis là, j’ai profité de mes filles de 7 et 12 ans pendant les vacances, confie l'ancienne patiente qui a passé des mois dans les hôpitaux. C'est surtout pour elles que je me suis accrochée... Je remercie mes proches et toutes les équipes soignantes sans lesquelles je n'aurais jamais tenu jusqu'à l'arrivée des CAR-T".
Face à des cancers aussi agressifs, le facteur temps est essentiel. Davantage de patients devraient bientôt pouvoir bénéficier de ce traitement dans les prochains mois grâce à l'autorisation de mise sur le marché au niveau européen. En attendant, l'Agence du médicament française (Ansm) vient de simplifier l'accès temporaire pour les malades français.