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Les maisons de retraite en crise

Résidents maltraités, manque de personnel, bas salaires... La grève à l’Ehpad de Foucherans et les témoignages des résidents de Paimboeuf illustrent bien la sombre réalité des établissement pour retraités. Une mission parlementaire doit prochainement dresser un état des lieux de ce problème humain, dont les dessous sont avant tout financiers.

La rédaction d'Allo Docteurs
Rédigé le
Environ 12.500 personnes étaient employées en contrats aidés dans des Ehpad en 2016.  —  Fotolia : ME

La grève a pris fin le 27 juillet. Depuis 117 jours, une dizaine de salariés de l’Etablissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) des Opalines, à Foucherans, protestaient contre leurs conditions de travail. "On ne les met pas au lit, on les jette", témoignait au Monde une aide-soignante, évoquant les traitements indignes qu’elle est obligée d’infliger aux résidents de l’Ehpad, faute de temps à leur accorder. Le conflit a pris fin avec l’assurance qu’une prime de 450 euros serait versée aux salariés, reconnaissance de la dureté de leurs conditions de travail pendant la période de sous-effectif qu’a connu l’établissement.

Face à la polémique, les pouvoirs publics ont été forcés de réagir. Le jour même de la fin du conflit de Foucherans, la ministre de la Santé et des Solidarités s’affichait dans un Ehpad des Yvelines. Elle mettait en avant les bons côtés de l’établissement pour ses résidents "lieu de convivialité, de loisirs et de vie" . Avant de reconnaître que "travailler en Ehpad peut-être difficile".

La veille, le 26 juillet, Agnès Buzyn avait annoncé devant l’Assemblée qu’un "plan de prévention de la maltraitance dans les Ehpad" serait présenté "au second semestre 2018". Entretemps, une "mission-flash" sur les Ehpad a été confiée à la députée La République En Marche (LREM) Monique Iborra. Rapide, comme son nom l’indique, elle débutera par des auditions le 5 septembre et ses conclusions seront dévoilées mi-septembre devant la commission des affaires sociales.

Après Foucherans, Paimboeuf

Les parlementaires doivent "dresser un état des lieux de la situation des Ehpad". Le constat ne devrait pas être reluisant, au regard des affaires qui s’accumulent, cruelles pour le personnel soignant comme pour les résidents. Récemment, c'est l’établissement public de Paimboeuf qui s’est retrouvé à la une, après un article de Ouest-France dans lequel les résidents confiaient leur colère et leur désoeuvrement. Au moment de sa publication, le 7 août, la dernière douche d’une résidente datait de trois semaines. Patients laissés au lit toute la journée le week-end, couchés à 17 heures puis levés le matin vers 11 heures le reste de la semaine, animations plus que limitées... De leur côté, les aides-soignantes (cinq pour 58 résidents le matin), se désolaient de devoir travailler "à la chaîne".

Foucherans et Paimboeuf ne sont pas des épiphénomènes. Les résidents en Ehpad étaient 35.000 de plus en 2015 qu'en 2011, tous secteurs confondus. Surtout, les personnes âgées y entrent de plus en plus tard, à 87 ans et 5 mois en moyenne, et sont donc de plus en plus dépendantes. Le personnel, lui, n'a pas augmenté pendant cette période. Et la tendance n’est pas à la hausse, puisque la réforme sur la tarification des maisons de retraite va entraîner une baisse de 200 millions d’euros des dotations annuelles dont bénéficient les établissement publics.

"On veut simplement plus d’effectifs", assure Florence, aide-soignante dans un Ehpad psychiatrique de Bretagne. Elle a exprimé son souhait en écrivant aux députés en charge de la "mission-flash". Son quotidien, qu’elle "a choisi" et qu’elle "aime", malgré tout, est un cercle vicieux, créé par le manque de personnel. "En étant obligés d’aller plus vite, on va perdre du temps au final", affirme-t-elle, citant le cas d’une dame qu’elle est contrainte d’amener au petit-déjeuner en fauteuil roulant. Une façon de gagner du temps à court terme, mais qui entraîne la perte des capacités motrices de cette résidente à force de ne plus solliciter ses jambes, ce qui la rend encore plus dépendante.

Florence dit se sentir "mieux lotie dans le public", même si elles ne sont que deux aides-soignantes le matin, pour 26 personnes qu’il faut assister pour le lever, à 6h45, et qu’il faut accompagner jusqu’à la salle où est servie le petit-déjeuner, à 8h30. Une course contre-la-montre.

Une taxe sur les successions et les donations

"On bute sur le problème des ratios de personnel depuis longtemps", déplore le Dr Christophe Trivalle, gériatre à l’hôpital Paul-Brousse de Villejuif. En 2006, le "plan grand âge" préconisait "d’augmenter significativement le nombre de soignants auprès des personnes âgées". L’objectif n’a pas été atteint, parce que le budget nécessaire à sa réalisation n’a pas été débloqué.

Un levier existerait pourtant selon Pascal Champvert, président de l'association des directeurs au services des personnes âgées (AD-PA) : l'instauration d'une taxe sur les successions et les donations. Une mesure qu'il défendra lors de son audition devant les députés en septembre. L'idée n'est pas nouvelle : elle a été émise en 2011 par le Conseil économique, social et environnemental (CESE) et pourrait rapporter 1,5 milliards d'euros.

De quoi renforcer les effectifs et revaloriser les salaires du personnel soignant ? "Ce sont des métiers très durs, qui ne sont pas du tout reconnus financièrement et dans la société", juge le Dr Trivalle. De son côté, Florence ne considère pas son salaire comme une priorité. "Avec 200 euros de plus, je ne travaillerais pas mieux. Il faut juste plus d’effectif."

Très au fait des nouvelles méthodes pour s’occuper des personnes âgées, l’aide-soignante bretonne croit aux bénéfices d’une meilleure formation du personnel. Elle évoque la méthode de Validation ou l’approche Carpe Diem, qui consistent par exemple à "laisser la personne faire plus de choses", ce qui renforce sa motricité, ou à "prendre le temps de parler avec les résidents", un moyen "d’économiser sur les antidépresseurs". Mais les formations coûtent cher, et l’idée, aussi séduisante soit-elle, achoppe sur la rotation permanente du personnel soignant. "C’est un métier avec beaucoup de turnover", confie Florence.

Les conditions de vie indignes dans les Ehpad découlent du désintérêt de la population et des différents gouvernements pour la situation des personnes âgées dénonce Pascal Champvert : "Il y a toujours d’autres priorités, les crédits sont toujours alloués à d’autres secteurs." "Tout ce qui concerne les personnes âgées n’est jamais considéré comme grave", poursuit le président de l’AD-PA, qui pointe "l’âgisme" dont sont victimes nos aînés, dans l’indifférence générale.

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