Maltraitance des personnes âgées : lever le tabou
La maltraitance des personnes âgées englobe la maltraitance physique mais aussi psychologique : manque de soins et de communication, dévalorisation, humiliation, abus d'autorité… Des attitudes qui se retrouvent tant en institution qu'à domicile.
En 2020, la "Fédération 3977 contre la maltraitance", qui gère le numéro d'appel national 3977 où peuvent être signalées les maltraitances à l'égard des personnes âgées ou handicapées (voir plus bas), a reçu 25 457 appels.
Le lieu de maltraitance le plus fréquent est le domicile (à 75% pour les personnes âgées), selon ses chiffres. Dans 52% des cas, la maltraitance est commise par l'entourage familial, et dans 32% des cas par l'entourage professionnel.
Les cas de maltraitances les plus fréquemment rapportés sont psychologiques, suivis des maltraitances physiques et financières et de la négligence passive.
En France, la maltraitance toucherait 5% des personnes de plus de 65 ans et 15% des plus de 75 ans, soit 600 000 personnes selon les estimations de l'association Alma France.
Formation à la bientraitance
D'après l'Organisation mondiale de la santé, une personne âgée sur dix serait chaque mois confrontée à la maltraitance. Une maltraitance physique mais aussi psychologique. La maltraitance des personnes âgées s'observe aussi bien en institution qu'à domicile.
Pour lutter contre la maltraitance des personnes âgées, des formations sont proposées aux soignants. Le but : leur apprendre les gestes et les attitudes qui conduisent à la "bientraitance". Ces formations sont basées sur une philosophie respectueuse de l'individu et sont composées de 150 techniques du "prendre soin".
Cette formation baptisée Humanitude a pour objectif de donner au personnel soignant des outils de soins et de communication basés sur le respect : "La bientraitance, ce sont des actions au quotidien que va mener le personnel. Tout le monde veut être bientraitant mais la question est de savoir s'il n'y a pas parfois un delta entre ce dont on a envie et ce que l'on fait. L'objectif est donc de fournir aux soignants un outillage adapté pour répondre aux situations quotidiennes qu'ils rencontrent en maisons de retraite et qui sont parfois difficiles", explique Emmanuelle Lacroix, formatrice "Humanitude". L'écoute, le regard, le toucher… sont autant d'outils qui permettent de lutter contre des comportements agressifs liés à la maladie.
La bientraitance, c'est aussi laisser le temps à la personne âgée de faire ce qu'elle peut encore faire : "Expliquer, solliciter la participation et surtout valoriser la personne. On sait très bien que quand on valorise quelqu'un, on arrivera beaucoup mieux à faire certaines actions", note Emmanuelle Lacroix, "ensuite, on a des outils très pratiques pour aider quelqu'un à s'asseoir au bord du lit, pour l'aider à marcher… car ce qui nous intéresse aussi, c'est de travailler sur cette notion de verticalité, vivre et mourir debout, puisque l'individu est fabriqué pour vivre debout".
Depuis une dizaine d'années, près de 800 établissements ont bénéficié de cette formation. Mais la formation et l'accompagnement ne sont pas uniquement réservés aux professionnels. Rosette Marescotti et Yves Gineste, fondateurs de l'Humanitude®, ont également sorti un DVD destiné aux aidants familiaux, intitulé "Maladie d'Alzheimer. Comprendre pour aider au quotidien". Ce DVD est disponible en grandes surfaces et sur le site de l'association Agevillage.
Un numéro contre la maltraitance des personnes âgées
La prise de conscience de la maltraitance des personnes âgées a débouché sur plusieurs initiatives, et notamment en 2008, par la mise en place d'un numéro national : le 3977.
3977, c'est le numéro de la Fédération contre la maltraitance des personnes âgées et des adultes handicapés. Chaque jour, 70 à 80 appels téléphoniques arrivent à la permanence téléphonique. Ils parlent de maltraitance physique mais surtout psychologique et financière comme le confie Guenaël Gouez, écoutant médico-social de la Fédération 3977 contre la maltraitance : "On nous appelle pour des situations très diverses. Il peut s'agir de situations de maltraitance à domicile, de violences conjugales, de difficultés avec des enfants qui bien souvent sont au chômage, sont sans revenus donc sont obligés de revenir habiter avec leurs parents… ce qui pose de gros problèmes car chacun ayant ses habitudes de vie, évidemment ces habitudes se télescopent et cela crée potentiellement des situations de maltraitance".
Tous les écoutants du 3977 sont psychologues. Leur rôle est d'avoir une écoute bienveillante et toujours diriger les personnes vers une association qui les prendra en charge près de chez eux. Et quand c'est la personne âgée, elle-même, qui appelle, une réelle écoute est nécessaire. "Une écoute, c'est recueillir la souffrance de la personne, ne pas la juger, contenir l'angoisse et la préparer à la résolution du problème. C'est ne jamais perdre de vue que l'appel est quelque chose de ponctuel et qu'après, on va laisser la personne seule. Et l'attention particulière qui va être portée par les écoutants par rapport à cette personne âgée, ce sera avant de raccrocher de s'assurer qu'elle va bien, de s'assurer qu'elle ne regrette pas d'avoir dit certaines choses, de s'assurer qu'elle est en bon état émotionnel, en bon état psychologique", explique Sandra Sapio, responsable écoute et qualité de la Fédération 3977 contre la maltraitance.
Le numéro 3977 contre la maltraitance est accessible du lundi au vendredi de 9h à 19h.