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#MeTooHopital : quand les soignantes brisent l'omerta

Suites aux accusations d’une infectiologue à propos d’un collègue pour "harcèlement sexuel et moral", de nombreuses professionnelles de la santé témoignent d'expériences similaires à travers le hashtag #MeTooHopital.

Alexis Llanos avec AFP
Rédigé le , mis à jour le
#MeTooHopital : les soignantes prennent la parole !  —  Le Mag de la Santé - France 5

L'urgentiste Patrick Pelloux a été accusé d’être un "prédateur sexuel" par l'infectiologue Karine Lacombe, selon une enquête publiée le mercredi 10 avril dans Paris Match. Depuis, les témoignages se multiplient : infirmières, aides-soignantes, médecins ou encore membres du personnel administratif de l'hôpital, elles livrent leurs expériences de harcèlement sexuel sur leur lieu de travail avec le hashtag #MeTooHopital

"Regard concupiscent, mains baladeuses"

Tout commence dans Paris Match, quand Karine Lacombe, cheffe de service hospitalier des maladies infectieuses à l’hôpital Saint-Antoine à Paris, accuse le médiatique urgentiste Patrick Pelloux de "harcèlement sexuel et moral".

En octobre dernier, elle avait déjà décrit dans un livre - à l'époque sans donner son nom - le "regard concupiscent, les mains baladeuses" et le "comportement empreint de domination" de ce médecin senior, dont la réputation était déjà "bien établie". Patrick Pelloux a lui assuré dans Paris Match n'avoir "jamais agressé personne" mais reconnu avoir été "grivois" dans le passé. 

Un afflux de témoignages

Suite à la publication de cette enquête, le syndicat des internes des hôpitaux de Paris a lancé vendredi 12 avril un appel à témoignages. Ils se multiplient déjà sur les réseaux sociaux sous le hashtag #MeTooHopital. "Depuis 48h les témoignages affluent", confirme Kahina Sadat, vice-présidente de l'Association nationale des étudiants en médecine (Anemf).

Une enquête de l'Anemf, réalisée en 2021, montrait déjà l'omniprésence de ces violences : 38,4 % des étudiantes en médecine disaient avoir subi du harcèlement sexuel pendant leurs stages hospitaliers, 49,7 % des "remarques sexistes", et 5,2 % des "gestes déplacés", entre mains aux fesses, attouchements et autres "gestes sexuels".

À lire aussi : Violences sexuelles : comment s'en remettre ?

Une élève infirmière sur six victime d’agression sexuelle

De même, une aspirante infirmière sur six assurait avoir été victime d'agression sexuelle au cours de sa formation, essentiellement à l'hôpital, selon une enquête menée en 2022 par la Fédération Nationale des Étudiant·e·s en Sciences Infirmières (Fnesi), le principal syndicat des étudiantes infirmières. Les victimes décrivaient des "mains sur la cuisse", des "massages" ou "baisers" non désirés de collègues et maîtres de stage. Parmi les témoignages reçus, quelques remarques salaces, telles que "tu t'es changée pour la salle d'opération, j'aurais préféré que tu viennes nue".

Sara, une infirmière de l’hôpital de Seine-Saint-Denis, témoigne de faits qui se sont déroulés en 2017, lorsqu'elle avait 27 ans : entre deux portes battantes, "il m’a attrapé les fesses" se souvient-elle. "Il m’a dit quelque chose du style « à la queuleuleu » pour faire passer ça pour un jeu. J'étais sidérée, je suis restée figée, je n'ai rien pu faire". L'infirmière prévient les responsables infirmiers, qui la soutiennent. Le chef de service en revanche la met en garde : "Il nous manque des médecins, ce sera ta parole contre la sienne". 

La médecine souffre d'une "culture carabine"

La plupart se taisent car "à l'hôpital, il y a une forte omerta", des équipes soudées qui parfois "exercent une forte pression pour que rien ne sorte" et "des directions qui parfois couvrent ces agissements", ajoute Mme Bourdin, représentante de la Fnesi. Étudiantes ou professionnelles craignent pour leur carrière.

La médecine souffre "d'une culture carabine" qui "banalise le sexe pendant les études" et "expose à un humour sexiste", commente Florie Sullerot, présidente de l'Intersyndicale nationale des internes de médecine générale (ISNAR- IMG). Dans certains internats, les étudiants mangent devant des fresques obscènes, pouvant représenter "jusqu'à des scènes de viol", décrit-elle. S'ajoute une "forte hiérarchie", qui place généralement le pouvoir entre les mains des hommes. L'ensemble crée "un climat favorable" aux violences, même si la féminisation de la profession "libère" progressivement la parole.  

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