Non, l'homéopathie ne vous sera d'aucune utilité contre la grippe

Il est présent partout en pharmacie et sans ordonnance, le "médicament homéopathique" anti-grippe est vendu pour ses supposées vertus contre les états grippaux. Mais tout d'abord, que contient-il vraiment ?

Des médicaments à base d'organes d'animaux ?

Lorsque l'on se penche sur la composition de ce produit homéopathique, on trouve un ingrédient intriguant : "extrait de foie et cœur d'Anas barbariae". Ce nom latin désigne en fait une espèce d'oiseau, le canard de Barbarie. Ce médicament est donc fabriqué à partir d’abats de canards. Mais pourquoi et comment des organes de canards pourraient traiter les états grippaux ? Et bien, il n'y a pas vraiment d'explication.

L'inventeur de ce médicament est Joseph Roy, un médecin militaire et homéopathe qui exerçait pendant la Première Guerre mondiale. À l’époque, les épidémies de grippe faisaient des ravages. Roy pensait avoir découvert, dans le sang des malades, de minuscules microbes qu’il avait alors appelés "oscillocoques". En réalité, personne d'autre que lui ne les a jamais vus : la grippe est causée par le virus influenza, invisible au microscope. Mais parce qu’il est homéopathe, il veut soigner le mal par le mal, à très petite dose : c’est l’un des piliers de l’homéopathie.

Il veut donc fabriquer un remède à base de microbes imaginaires… et c’est comme cela qu’il a choisi, sans s’expliquer, le foie et le cœur de canard. On peut émettre l'hypothèse que c'est parce que ces oiseaux peuvent aussi attraper des formes de grippe, la grippe aviaire, mais rien n'est sûr.  

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Comment sont fabriquées les granules d'homéopathie ?

Pour autant, ces granules ne contiennent pas vraiment de canard. On retrouve au dos des boites une inscription peu claire : "Extrait (...) de foie et de cœur d'Anas barbariae dynamisé à la 200^e K”. La "200^e K" est une dilution dite Korsakovienne. Le procédé consiste à prendre une goutte du broyat de canard, à la diluer dans 99 gouttes de liquide, comme de l'eau ou de l'alcool, puis de mélanger : c'est l'étape de "dynamisation" en homéopathie. On va ensuite vider le flacon, le rincer, ce qui fait une dilution 1 K. On remplit de nouveau le flacon, on le mélange et on le vide... On atteint une dilution 2 K. Le processus sera répété 200 fois pour atteindre le 200^e K. Après toutes ces étapes, une goutte est prélevée et imprégnée sur des petites billes de sucre.

Cette dilution extrême est le deuxième principe de base de tous les produits homéopathiques. On ne trouve pas forcément la mention de 200K, mais de CH qui repose sur le même principe. Avec des dilutions au centième au lieu de vider le flacon, on prend une goutte qu’on va diluer dans 99 gouttes. Par exemple 5 CH, c'est l’équivalent d’une goutte de principe actif dans une piscine olympique. À 11 CH, c’est une goutte dans la mer Méditerranée, et 23 CH, c’est 1 goutte dans tous les océans de la planète. Les dilutions sont donc si extrêmes que le produit final ne contient plus aucun principe actif.

Que dit la recherche sur l'homéopathie ?

Il existe des études qui tentent de prouver l'efficacité de l'homéopathie, mais elles sont de mauvaise qualité, et souvent financées par le laboratoire pharmaceutique qui commercialise le produit. Des chercheurs indépendants ont réalisé une revue de la littérature, en prenant donc toutes les études, et en regardant la méthodologie et les résultats pour déterminer l’efficacité de cette préparation homéopathique. Ils en ont conclu qu'il n'y avait pas suffisamment d'éléments probants pour tirer des conclusions solides sur ces méthodes. Sans exclure la possibilité d'une efficacité de ces produits, la piètre qualité des études, elle, rend les preuves peu convaincantes.

Si certaines personnes se sentent effectivement mieux après la prise de traitements homéopathiques, il s'agit uniquement d'un effet placebo. Et on le rappelle, l'effet placebo n’est pas un gros mot ! C’est un formidable outil du corps qui permet de se sentir mieux et d’avoir moins mal, et nous y sommes tous et toutes sensibles. La seule chose à savoir, c’est que cet effet n’est pas illimité. Si vous avez des douleurs qui ne passent pas, une grippe qui s’éternise, une fièvre persistante, il faut arrêter l’automédication en homéopathie et aller consulter un médecin.