Perfusionniste au bloc opératoire : "On a la vie du patient entre nos mains "
Les perfusionnistes sont les spécialistes de la circulation extra-corporelle. Sans eux, pas de chirurgie cardiaque possible. Mais ces professionnels sont méconnus et leur savoir-faire mal valorisé. Immersion au bloc de chirurgie cardiaque.
Derrière cette énorme machine, Pierre-Marie est à peine visible. Pourtant, il joue un rôle indispensable dans ce bloc de chirurgie cardiaque. La machine s'appelle la CEC pour circulation extra-corporelle. Elle est très perfectionnée, faite de tuyaux et de pompes et permet de jouer le rôle du cœur et des poumons, le temps d’une opération.
Arrêter le coeur du patient
Pierre-Marie est seul aux commandes de la circulation extra-corporelle. Il est perfusionniste et sa première mission est d’arrêter le cœur du patient. En trois minutes à peine, la fréquence cardiaque ralentit, puis le cœur cesse de battre. L’opération peut alors commencer. Ce patient va bénéficier d’un remplacement de la valve aortique et de plusieurs pontages.
"La CEC nous permet vraiment de remplacer le cœur le temps qu’il est arrêté. Nous pouvons alors opérer les artères coronaires. C'est quelque chose de très précis, c’est de la microchirurgie. Il est indispensable que le coeur soit arrêté", explique le Pr Guillaume Lebreton, chirurgien thoracique et cardio-vasculaire au groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière.
Entre les écrans, les tuyaux et les réservoirs, le perfusionniste est à l’affût de la moindre anomalie. "On surveille le débit artériel, les différents paramètres des gaz du sang, on doit être alerte s’il y a quoi que ce soit sur la machine, ça peut tomber en panne", commente Pierre-Marie Jego, perfusionniste au groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière.
"Pas de perfusionniste, pas de chirurgie cardiaque"
Pour limiter le risque d’erreur humaine, chaque consigne est répétée, comme dans le cockpit d’un avion."C’est sûr que c’est un métier qui demande une grande expertise, une grosse responsabilité, on a vraiment conscience qu’on a la vie du patient entre nos mains pendant ce temps-là", confie Pierre-Marie Jego.
"C’est un trio entre le chirurgien, l’anesthésiste et le perfusionniste. Les trois sont indissociables. On connaît le chirurgien, on connaît l’anesthésiste, mais rarement le perfusionniste, les trois sont pourtant indispensables. Pas de perfusionniste, pas de chirurgie cardiaque", précise Pr Guillaume Lebreton.
Une spécialité qui peine à recruter
C'est un métier à haute responsabilité, mais sans existence officielle. Les perfusionnistes n’ont pas de statut, pas de formation obligatoire, ni de cadre juridique. Comme Pierre-Marie, ils sont pour la plupart infirmiers et ont un salaire qui ne reflète en rien leur expertise. C'est une spécialité qui peine à recruter.
"C’est pire qu’une pénurie. On est en grande difficulté… L’été dernier et celui d’avant, post-covid, il y a des centres qui ont crié alerte, car on s’est retrouvé dans une situation où on se demandait si on allait pouvoir continuer la chirurgie cardiaque dans certains centres par manque de perfusionnistes", alarme Cyril Moulin, vice-président de la société française de circulation extra-corporelle SFACCEC.
La France compte 300 perfusionnistes et environ 50 postes vacants. Cette situation pourrait entraîner une perte de chance pour les patients qui nécessitent une chirurgie cardiaque.