Pesticides : ils sont aussi présents dans l'air
Les pesticides sont présents partout dans notre environnement et l’air n'est pas épargné. La Fédération Atmo France mène une surveillance sur l’ensemble du territoire. Reportage.
Depuis près de 10 ans, Muriel vit au milieu des champs dans un village près de Reims. Un paysage apaisant devenu angoissant depuis que la jeune femme est exposée aux épandages de son voisin agriculteur. C'est une terrible source de conflits pour cette mère de famille.
Des riverains de plus en plus inquiets
"C’est au moment du confinement qu’on a vu les agriculteurs épandre, on s’est vraiment rendu compte qu’à chaque passage, on était gêné, au niveau des yeux, ça nous brûlait. J’ai aussi eu des difficultés à respirer, la sensation d'étouffer. Une nuit, j’ai dû me réveiller en urgence et ouvrir ma fenêtre parce que je n'arrivais plus à respirer. Je me demande si je ne vais pas développer un cancer du à ces expositions", explique Muriel.
Comme elle, de plus en plus de riverains s’inquiètent pour leur santé. À Reims, une équipe de chercheurs a décidé d’en savoir plus sur la présence des pesticides dans l’air. Chaque semaine, Yannick Lenglet, technicien à l'Atmo Grand-Est, se rend en plein centre-ville pour vérifier ses prélèvements de pesticides grâce à une station de filtrage.
"L'air rentre à l’intérieur du préleveur et les particules de gaz se retrouvent piégées dans une cartouche. Un filtre récupère les poussières et dans le corps de la cartouche, une mousse récupère tous les gaz", commente-t-il.
Le miroir des pratiques agricoles
La ville de Reims est située au milieu des champs et des vignes. Les molécules volatiles mais aussi solides des traitements phytosanitaires peuvent parfois se répandre sur plusieurs kilomètres, transportées par le vent.
En 10 ans, l’Atmo de Reims est devenu l’un des centres de références en recherche de pesticides dans l’air. Cette agence analyse une centaine de composés issus des produits phytosanitaires. L'objectif est de comprendre leur mécanismes pour informer les scientifiques et les agriculteurs.
Premier constat de l’équipe : la présence des pesticides dans l’air évolue en fonction des pratiques agricoles.
"On a commencé les investigations en 2012 avec au printemps un pic lors de l'utilisation des fongicides et puis, les années suivantes, un pic qui apparait à la période automnale, lors de l'utilisation des herbicides" explique Emanuelle Drab-Sommesous, directrice accompagnement et développement Atmo Grand Est. "C’est tout à fait cohérent avec l’évolution des pratiques qui ont été mises en œuvre car le secteur viticole a beaucoup travaillé sur une réduction de l’usage des fongicides" poursuit-elle.
BPCO, bronchite chronique et asthme
Deuxième constat : plus on s'éloigne de la source des traitements, plus les taux de pesticides dans l'air diminuent. Mais qu'en est-il de l'impact sur la santé ? "A ce stade, nous n'avons pas encore suffisamment de données sur les conséquences d’une exposition d’une population citadine aux pesticides qui pourraient être diffusés dans l’air", reconnaît le Pr Xavier Coumoul, toxicologue à l'université Paris-Descartes. Mais les données disponibles sur les populations très exposées ou moyennement exposées "laissent sous-entendre que les pesticides ont une action sur la sphère respiratoire et peuvent conduire à des pathologies chroniques", précise-t-il.
Chez les agriculteurs, trois maladies ont été mises en relation avec exposition par voie respiratoire : la BPCO, la bronchite chronique et l’asthme. Actuellement, il n'existe aucune réglementation des pesticides dans l’air.