Pourquoi les violences sexuelles explosent en Nouvelle-Calédonie
La Nouvelle-Calédonie, archipel français du Pacifique, détient un triste record : celui des violences sexuelles faites aux femmes. Marine Lorphelin, médecin généraliste, explique l’importance du rôle de ces soignants.
"J’ai été sensibilisée à ce sujet en travaillant dans un centre de prévention et de gynécologie où beaucoup de jeunes hommes et femmes viennent consulter. J’ai été écœurée par le nombre d’entre eux ayant subis des violences sexuelles, harcèlement, attouchements, viols… parfois très jeunes, pendant l’enfance et au début de l’adolescence" raconte Marine Lorphelin. L’ancienne Miss France 2013 est devenue médecin généraliste en 2022 et s'est installée en Nouvelle Calédonie.
Elle ajoute : "certaines jeunes adolescentes venaient me voir accompagnées de leur mère pour débuter une contraception, à l’âge de 12 -13 ans, avant un séjour de vacances dans la tribu familiale. Elles préféraient les "protéger " de la grossesse en sachant que leurs filles avaient de gros risques de subir des attouchements ou des viols."
Un jeune sur 5 a eu un rapport sexuel non consenti
Les violences sexuelles concernent toutes les sociétés, tous les publics. Cependant, les femmes
sont plus ciblées. Malheureusement, la population Calédonienne est encore plus
touchée par la problématique des violences sexuelles, 5 fois plus qu’en France si on
rapporte à la population !
En Nouvelle Calédonie, entre 13 ans et 18 ans, un jeune sur cinq déclare avoir déjà eu un rapport sexuel non consenti.
La Nouvelle-Calédonie particulièrement touchée
De nombreux facteurs participent à ce climat de violence sexuelle : l’alcoolisme, notamment, fait des ravages et favorise grandement l’apparition de la violence dans les foyers. La combinaison de l'alcool avec du cannabis augmente aussi l'apparition de violence.
La société Mélanésienne est encore très patriarcale, la place de la femme dans la société canaque est traditionnelle. Les jeunes femmes n’osent pas prendre la parole, s’affirmer et s’émanciper.
Enfin, un manque de sensibilisation et d’éducation à la santé sexuelle auprès des jeunes est visible. "J’ai remarqué que les jeunes ne connaissent pas encore bien la notion de consentement" illustre Marine Lorphelin. "J’ai été choquée par le nombre de jeunes femmes qui m’ont expliqué avoir des rapports sexuels uniquement dans le but de faire plaisir à leur partenaire, en laissant de côté leur propre plaisir".
Quel est le rôle du médecin généraliste ?
Le rôle des médecins généralistes est primordial dans le dépistage et la prise en charge des violences sexuelles. Ces soignants sont le premier pilier du soin, souvent l’interlocuteur facilement accessible et une personne de confiance
Pour Marine Lorphelin, aborder systématiquement la question au premier
rendez-vous est primordial pour avancer sur la problématique du consentement : "avez-vous déjà subi des violences, physiques
ou psychologiques ".
Parfois, les patients ont des difficultés à parler de ce sujet avec leurs médecins généralistes. C'est pourquoi des centres de gynécologie ont "mis en place un système de questionnaire anonyme que les patients remplissent avant la consultation afin de les amener à réfléchir sur le sujet et l’aborder lors de l’entretien" décrit Marine Lorphelin.
Les médecins généralistes peuvent aussi facilement afficher des informations dans leur salle d’attente et présenter des dépliants d’associations sur leur bureau par exemple. Enfin, certains signes peuvent amener le soignant à penser aux violences sexuelles : un mal-être psychique, des troubles sexuels, et même parfois juste une gêne lors de l’examen clinique physique.
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"Faire réaliser la gravité du geste"
De plus, le médecin a un rôle dans l'accompagnement et la prise en charge de la victime de violences. "Dans ces cas-là, je discute avec la
patiente de son ressenti par rapport à cet évènement traumatique, est-ce
qu’elle a des ruminations, des blocages... Je lui propose d’en parler avec un
psychologue. Il faut aussi réussir à lui faire réaliser la gravité du geste et
si possible l’amener à déposer plainte" indique Marine Lorphelin.
Mais les victimes subissent souvent une pression familiale. Elles ont peur d’être rejetées par le clan et de se retrouver sans ressource. C’est à ce niveau que les associations d’accompagnement des victimes peuvent aider.
Si vous êtes victime de violences, tournez vous vers votre médecin qui saura vous écouter et vous orienter vers des spécialistes. Et n’hésitez pas à contacter le numéro national : 39 19.