Mourir "noyé" plusieurs jours après avoir bu la tasse : la "noyade sèche" existe-t-elle ?
Tout est parti d'un drame aux Etats-Unis : un enfant de 4 ans décède en 2017 à Houston d’une noyade... huit jours après avoir bu la tasse. L’accident décrit correspond à un phénomène parfois improprement désigné sous le nom de "noyade sèche". Explications.
Avec les beaux jours, les enfants sont comme des poissons dans l’eau. Mais, en quelques secondes à peine, un accident peut arriver : la noyade. L’eau pénètre dans les poumons et traverse la paroi des alvéoles. Ces petits sacs sécrètent un liquide, le surfactant pulmonaire, qui les maintient gonflées en permanence, et empêche le plasma sanguin de pénétrer dans les poumons.
Perte de connaissance, arrêt respiratoire et décès
Or, comme nous l’explique le Pr Denis Safran, ancien chef de service anesthésie-réanimation à l’hôpital Georges-Pompidou (Paris), "lorsque du liquide entre dans l’alvéole, il va « laver » ce surfactant, le dissoudre. Il n’y a plus de protection. L'alvéole va s'affaisser, en l'absence de ce liquide tensioactif - c’est comme une bulle de savon qui se rétrécirait - et le liquide du plasma va venir inonder les alvéoles. Les échanges gazeux ne vont plus pouvoir se faire, […] et les organes ne seront plus correctement alimentés en oxygène". Ceci peut entraîner une perte de connaissance, un arrêt respiratoire, et la mort.
Dans de très rares cas, la noyade est en quelque sorte retardée. La persistance de l’eau dans une zone des poumons peut entraîner l’apparition des symptômes de la noyade plusieurs heures, voire plusieurs jours, après avoir bu la tasse. Le cas décrit en juin 2017 par le site Eyewitness News (site de la chaîne de télévision texane ABC 13) apparaît exceptionnel de par le délai entre l’immersion et le décès.
Ce type d'évènement toucherait surtout les enfants car la surface alvéolaire est plus petite et plus fragile chez eux.
Un terme impropre
Alors si un enfant boit la tasse, il faut le surveiller. En cas de changement de comportement, de pâleur, de fièvre, de gêne respiratoire, il faut impérativement le conduire aux Urgences. La meilleure prévention reste encore de ne jamais laisser un enfant seul au bord de l’eau, même quelques secondes.
Parfois employé dans la presse, le terme "noyade sèche" ou "noyade secondaire" est impropre, et d'un usage découragé par de nombreuses institutions. Le phénomène décrit renvoie plus prosaïquement aux conséquences d'un oedème pulmonaire engendré par une noyade — étant entendu que toute noyade n'est pas nécessairement mortelle.
Les victimes secourues d'une noyade "doivent être averties que, bien qu'il s'agisse d'une affection rare, si elles développent une toux, un essoufflement ou tout autre symptôme inquiétant dans les 8 heures suivant leur submersion, elles doivent immédiatement consulter un médecin" notait un article de 2018 publié dans le Cleveland Clinic Journal of Medicine intitulé "Noyade sèche et autres mythes". Au-delà de 8 heures, si aucun symptôme ne survient après une submersion, il n'est généralement pas nécessaire de consulter.
Pour en savoir plus : "Se noyer dans une mer de désinformation: noyade sèche et noyade secondaire" sur le site Emergency Medicine News (en anglais).