Électrosensibilité : un malaise qualifié en accident du travail
Un tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) a reconnu comme "accident du travail" le malaise d’un homme précédemment "diagnostiqué électrosensible".
En novembre 2013, un technicien travaillant pour le service client d'une entreprise de télécoms a été victime d'un malaise sur son lieu de travail, entraînant des lésions. Or, cet homme avait été "diagnostiqué électro-sensible" en 2011, explique son avocat, Me Lafforgue. Par la suite, la médecine du travail avait par deux fois préconisé que l’homme soit placé sur "un poste peu exposé aux ondes électromagnétiques".
Lorsqu’un accident survient durant le temps et le lieu du travail, la loi pose une "présomption d’imputabilité" de sa cause professionnelle. En d’autres termes, si les expertises médicales n’excluent pas formellement l’éventualité d’une cause professionnelle à l’accident, celui-ci peut être qualifié d’accident du travail.
Ce dossier n’est pas anodin car, en France, "l'électro-sensibilité" n'est pas reconnue comme maladie. Les diagnostics proposés par certains médecins sont, de ce fait, extrêmement controversés. L’Organisation mondiale de la santé (OMS), tout en reconnaissant la souffrance vécue par les individus se déclarant électro-sensibles, rappelle qu’il n'existe ni critères diagnostiques clairs, ni base scientifique permettant de relier les symptômes à une exposition aux champs électromagnétiques. Les études cherchant à évaluer le ressenti de volontaires "électro-sensibles" en présence (ou en absence) d’ondes concluent à l’absence de lien.
Des conclusions différentes pour les deux expertises médicales
Dans le cas de l’employé de l’entreprise des télécoms, une expertise médicale a été ordonnée début 2017 par le TASS, qui a conclu a conclu "à l’absence de causalité" entre les faits rapportés et l’exposition à des ondes. Le médecin soulignait que le malaise était "de façon certaine" d’origine "étrangère à l’environnement électromagnétique", et estimait "qu’en l’absence de pathologie organique, la cause du malaise était d’origine psychiatrique, et donc en lien avec un trouble anxieux sans rapport avec l’environnement professionnel", comme le précise le jugement consulté par Allodocteurs.fr.
Cependant, fin septembre de la même année, une seconde expertise a été ordonnée pour "rechercher l’existence d’un état pathologique antérieur" pouvant expliquer le malaise, et "dire si tout lien de causalité entre [ce] malaise et le travail [était] exclu". Celle-ci a conclu que l’événement "n’a pas été provoqué par un fait traumatique notable", et que son origine était donc "indéterminable de façon certaine", "plusieurs origines étant possibles et aucune d’elles n’étant démontrable formellement". Le médecin conclut donc que "tout lien de causalité entre le malaise et le travail n’est pas exclu".
Selon lui, "même s’il n’est pas démontrable scientifiquement, le malaise pourrait être dû à une hypersensibilité aux ondes […] car le patient était reconnu comme un sujet hypersensible […] depuis 2011".
Le lien "entre le malaise et le travail" n’a pas pu être exclu
Une cause extra-professionnelle au malaise n’étant pas identifiée, "l'accident […] doit bénéficier de la présomption d’imputabilité" prévue dans la loi. "Il y a lieu de reconnaître le caractère professionnel de l’accident du travail", conclut le TASS des Yvelines. Ce tribunal a donc condamné la Caisse primaire d'assurance maladie à verser 1.600 euros au demandeur.
Interrogé par l’Agence France Presse, l’avocat du plaignant, Me Lafforgue a déclaré qu’il s’agissait là d’une "première judiciaire française, qui ouvre une brèche pour d'autres victimes électrosensibles". Il a assuré suivre une quinzaine de dossiers concernant des personnes électro-sensibles pour "des procédures de demande de pension d'invalidité, d'allocation adulte handicapé ou des demandes d'aménagement de poste".
la rédaction d'Allodocteurs.fr