Incendie à Paris : la question des antécédents psychiatriques de la principale suspecte
Après l'incendie d’un immeuble parisien, mardi dernier, les probables antécédents judiciaires et psychiatriques de la femme soupçonnée d'en être à l'origine soulèvent un certain nombre de questions.
La femme d’une quarantaine d’années, soupçonnée d’être à l’origine de l’incendie survenu dans la nuit de lundi à mardi dernier dans un immeuble parisien du XVIème arrondissement qui a fait 10 morts et 32 blessés, a été placée en garde à vue puis conduite à l’infirmerie psychiatrique de la préfecture de police de Paris. Cette femme, qui habitait l’immeuble incendié et s’était visiblement violemment disputée avec un voisin, avait été "arrêtée en état d'alcoolémie alors qu'elle tentait de mettre le feu à une voiture" la nuit du drame, d’après une source policière citée par l’AFP.
Antécédents psychiatriques
Présentant "des antécédents psychiatriques", selon les termes du procureur de la République de Paris, Rémy Heitz, elle avait déjà fait l’objet de deux plaintes dont une pour "vol précédé de dégradations", des dégradations qui auraient été liées à un départ de feu, selon une source proche du dossier citée par l’AFP. Ces plaintes avaient été classées sans suite. Elle avait également été plusieurs fois internée et était sortie depuis quelques jours de l’hôpital psychiatrique Sainte Anne, à Paris.
Interrogé ce matin sur France info sur un éventuel lien entre l’état mental de cette femme et le classement sans suite des plaintes, le Dr Pierre Lamothe, psychiatre et expert auprès des tribunaux, a rappelé : "le classement sans suite, cela veut dire qu’il n’y a pas eu matière à poursuivre ; ça n’est pas une décision d’irresponsabilité pénale". La responsabilité pénale est, elle, déclarée uniquement après expertise psychiatrique et, surtout, elle comprend "toute une série de mesures qui permettent d’assurer, d’une part, un suivi juridique, et d’autre part, de ne pas libérer la personne sans des garanties très solides dont, entre autres, une double expertise qui permet de s’assurer de son état actuel, quelques fois des années après le crime initial", souligne le psychiatre.
Décision médicale et judiciaire
En ce qui concerne les hospitalisations sans consentement en psychiatrie, la loi du 27 septembre 2013 prévoit que tout patient hospitalisé dans ces circonstances doit être présentés à un juge des libertés et de la détention avant 12 jours après son hospitalisation, puis tous les six mois si nécessaire. Avant cette loi, seule le psychiatre se prononçait sur le maintien ou non en structure de soins. "C’est un juge qui contrôle non seulement la forme mais également le fond de la décision des psychiatres et qui veille au respect des libertés", souligne le Dr Lamothe, tout en rappelant que "le problème est toujours dans cette balance liberté-contrainte".
Une responsabilité délicate
Dans le cas de la principale suspecte de l’incendie à Paris "il a probablement été estimé, à ce moment-là, qu’elle n’était pas dangereuse", ajoute le médecin. Pour autant, "les incendiaires récidivent très souvent et je pense que l’on a probablement sous-estimé sa dangerosité, peut-être aussi parce qu’elle apparaît avoir été liée à l’alcool à certains moments", ajoute-t-il. La suspecte était, d’ailleurs, sous l’emprise de l’alcool lors de son interpellation. Or, regrette le psychiatre "on a toujours tendance à croire que c’est à l’ivresse et non à la maladie mentale qu’il faut attribuer le geste."
Pour autant, tout en déclarant sa profession "solidaire de la difficulté à prendre ce genre de décision [de sortie de l’hôpital psychiatrique, NDLR]", le Dr Lamothe souligne : "nous [les psychiatres, NDLR] avons une responsabilité collective parce que nos outils d’évaluation ne pourront jamais être absolument fiables pour prévoir l’avenir."