Le CHU de Besançon accusé de négligences
Un collectif de patients dénonce auprès du CHU de Besançon des "faits de maltraitance" et le "non-respect de procédures" en cancérologie. Des allégations soutenues par l’ancien chef du service de dermatologie, mais contredite par le CHU. Un rapport de l'Agence Régionale de Santé (ARS) sur l’affaire doit être rendu public d’ici la fin de la semaine.
Ce 21 mars, 46 courriers ont été adressés à la direction du CHU de Besançon par d'anciens patients, pris en charge en 2014 et 2016. Cette initiative, portée à la connaissance du public par Le Parisien, vise à dénoncer des faits de nature diverses : maltraitance, patients renvoyés chez eux sans diagnostic, ou encore le non-respect de certaines procédures obligatoires concernant la prise en charge de malades du cancer.
Philippe Humbert, ancien chef du service de dermatologie du CHU de Besançon, avait démissionné en octobre 2015 après avoir reçu des plaintes "visant certains médecins et internes". Aujourd’hui, il abonde dans le sens de ces plaintes, mettant en avant des dérives dans la conduite des réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP).
Une procédure indispensable a-t-elle été contournée ?
Ces RCP regroupent des professionnels de santé de diverses disciplines, dont les compétences sont indispensables "pour prendre une décision accordant aux patients la meilleure prise en charge en fonction de l’état de la science du moment", selon la définition de la Haute autorité de santé (HAS). Pour être jugée valable, une RCP (que sa visée soit diagnostique ou thérapeutique) doit se faire en présence "d’au moins trois médecins de spécialités différentes permettant d’avoir un avis pertinent sur toutes les procédures envisagées". Toujours selon la HAS, si cette condition n’est pas respectée, "le dossier doit être représenté avec le spécialiste manquant dans les plus brefs délais."
L’objectif d’une réunion de concertation pluridisciplinaire est d’éviter que des spécialistes d’une méthode thérapeutique privilégie celle-ci par méconnaissance des autres options, et non dans le cadre d’une réflexion permettant de maximiser les chances de survie ou de rémission du patient.
Or, selon Philippe Humbert, la présence de trois spécialistes n’était pas toujours effective. "Des traitements ont été décidés, alors que le chirurgien ou le radiothérapeute n'étaient pas présents", explique-t-il aux journalistes de France Info. "Certains malades n'ont pas pu bénéficier de l'avis d'un chirurgien qui aurait pu, par exemple, procéder à l'ablation d'une métastase localisée sur un organe. À la place, ces patients ont reçu de la chimiothérapie". De son point de vue, "il y a des intérêts financiers" derrière ces choix. "L'hôpital a reçu beaucoup d'argent pour cela. On a caché la vérité aux patients. Aucun malade n'a été informé que les RCP étaient non conformes."
Le CHU se défend
Le 21 mars, le CHU de Besançon a répondu aux accusations par voie de communiqué. Il souligne qu’un rapport définitif de l’inspection diligentée par l’Agence Régionale de Santé Bourgogne Franche-Comté sur la pratique médicale et les conditions d’organisation et de fonctionnement du service "doit être remis dans la semaine" - à la suite de quoi une conférence de presse sera organisée par l’établissement.
Le CHU reste pour l’heure sur sa réserve, expliquant "[s’astreindre] à respecter […] le secret médical", obligation "qui ne lui permet malheureusement pas de répondre aussi précisément qu’il le souhaiterait à certaines allégations erronées dont il a pris connaissance dans les médias ces dernières semaines". "Que leur diffusion, à l'initiative du Professeur Philippe Humbert, intervienne alors que la publication du rapport définitif de l'ARS est imminente, n'est pas un hasard", juge le CHU. "La Direction Générale du CHU, comme le Professeur Humbert, sont en effet en possession d’un rapport provisoire. Celui-ci contredit les thèses soutenues par ce médecin".
Face "à ces mises en cause très violentes et inquiétantes pour les patients", le CHU veut "rassurer sur la qualité de la prise en charge par l’équipe du service de dermatologie", et souligne qu’une inspection de l’Agence Régionale de Santé menée en novembre 2015, "suite aux dénonciations du Professeur Philippe Humbert", qui avait conclu "que toutes les décisions médicales ont été conformes aux données actuelles de la science", et "qu’aucun patient n’a subi de préjudice".