Mediator : la justice rejette les derniers recours de Servier
La cour d'appel de Paris a rejeté ce 24 mai les derniers recours déposés par les laboratoires Servier qui avaient notamment demandé l'annulation de leur mise en examen pour "escroquerie" et "tromperie aggravée" dans le scandale du Mediator.
Consommé pendant plus de 30 ans par cinq millions de personnes en France, le Mediator est un antidiabétique largement détourné comme coupe-faim qui a été retiré du marché en novembre 2009. Il pourrait être responsable à long terme de 500 à 2.100 décès, selon différentes études. La Cour d'appel de Paris a rejetté les recours du laboratoire Servier concernant l'escroquerie et la tromperie aggravée. Leur avocat a immédiatement annoncé que le groupe pharmaceutique allait former un pourvoi en cassation, qui n'est toutefois pas suspensif et n'empêcherait pas le parquet de Paris de prendre ses réquisitions.
"Enfin, le procès va avoir lieu", a réagi Me Charles Joseph-Oudin, avocat de parties civiles, rappelant que "la première plainte a été déposée en décembre 2010 par une victime aujourd'hui décédée des suites de sa valvulopathie imputable au Mediator". Outre l'annulation de sa mise en examen, Servier avait aussi demandé, lors de l'audience du 24 mai 2017 devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, qu'une clé USB, en partie illisible et qui selon lui contient plusieurs milliers de documents liés au Mediator, soit expertisée.
Le parquet général avait requis le rejet des requêtes, relevant que le groupe avait pendant de nombreuses années "dissimulé le caractère anorexigène (coupe faim) du médicament" et n'avait "pas signalé les risques d'hypertension artérielle pulmonaire", une pathologie rare incurable, et "de graves lésions des valves cardiaques" (valvulopathies) imputables au médicament.
"Nous avons été convoqués cinq jours avant l'audience du 24 mai devant la chambre de l'instruction alors que les parties civiles ont reçu leur convocation un mois et demi plus tôt. Il y a manifestement une rupture dans l'égalité des armes", a réagi auprès de l'AFP l'un des avocats des laboratoires, Me François de Castro, pour justifier le pourvoi en cassation.
Une attitude dilatoire
Nullités d'actes d'enquête, de mises en examen, demandes d'auditions : Servier se livre depuis le début de l'enquête à un bras de fer avec la justice, une attitude qualifiée de "manifestement dilatoire" par les juges d'instruction parisiens qui enquêtent depuis février 2011 sur ce scandale sanitaire.
Sur six ans d'instruction, trois ont été "exclusivement consacrés à la procédure à la suite de multiples demandes et recours faits par la défense des mis en cause", avait déploré en janvier 2017 le procureur de la République de Paris, François Molins. S'il a lieu, le procès se tiendra en l'absence du principal protagoniste, Jacques Servier, fondateur du groupe, décédé en 2014 à 92 ans.
Dans cette information judiciaire pour "tromperie, escroquerie, prise illégale d'intérêt" ou encore "trafic d'influence", 26 personnes sont mises en examen: des sociétés de la galaxie Servier, des dirigeants du groupe, des fonctionnaires, des médecins ou encore une ex-sénatrice, soupçonnée d'avoir été en lien avec la société.
Une seconde information judiciaire pour "homicides et blessures involontaires" est toujours en cours. Cette enquête devrait mettre beaucoup plus longtemps à aboutir car les juges doivent établir un lien entre la prise de Mediator et les dommages physiques subis par chaque victime. Dans ce volet, les laboratoires sont mis en examen, ainsi que l'agence du médicament (ANSM), soupçonnée d'avoir négligé les alertes sur la dangerosité du produit de 1995 à 2009.