Mediator : publication d’un décret pour contraindre Servier à mieux indemniser les victimes
Le ministère de la Santé présente un décret obligeant le laboratoire Servier à préciser aux victimes du Mediator si les compensations financières qu'il leur propose sont à la hauteur de celles préconisées par l'Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux (Oniam). Selon de nombreux témoignages, le laboratoire présenterait systématiquement aux malades des offres au rabais.
Lorsque l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (Oniam) valide le dossier d’une victime du Mediator, le laboratoire Servier doit proposer à ce dernier une offre financière basée sur des barèmes très précis. Mais, comme le dénonçait fin février le directeur de l’Oniam, Erik Rance, dans le Canard Enchaîné, "dans certains cas, Servier n'attribue pas les heures d’aide à domicile et ne le dit pas explicitement", évoquant une différence pouvant aller jusqu'à 100.000 euros.
Plus tôt, le même mois, son organisme avait transmis aux victimes une lettre les appelant à la plus grande vigilance. Car une fois l'offre de Servier acceptée, ils ne peuvent plus faire machine arrière. En cas de contestation, l'Oniam peut réviser les calculs ; mais la démarche est, hélas, longue pour des patients parfois à bout de forces et de nerfs.
Ce 6 avril, la ministre de la Santé Marisol Touraine a annoncé par voie de communiqué avoir signé un décret imposant que les offres d’indemnisation faites par Servier "devront désormais respecter des règles strictes", afin d’être "transparentes, sans ambigüité et donc plus facilement évaluables par les victimes".
Les offres de Servier "devront désormais indiquer le montant accordé pour chaque type de préjudice et préciser explicitement si l’offre s’écarte du barème d’indemnisation de [l’Oniam]".
"Ces nouvelles règles permettront ainsi aux victimes d’apprécier en toute connaissance de cause les offres qui leur sont faites par les laboratoires Servier", poursuit le communiqué. "Concrètement, elles seront plus facilement à même de juger si une offre est trop faible, et donc le cas échéant d’activer leur droit de demander à l’Oniam de se substituer aux laboratoires (c’est à dire demander à l’Oniam de leur verser une indemnisation conforme à l’avis des experts du collège benfluorex, charge à l’Oniam de se retourner ensuite contre les laboratoires Servier)."
"Un petit jeu mesquin"
Invité sur le plateau du Magazine de la santé fin février 2016, Charles Joseph-Oudin, avocat représentant de victimes du Mediator, avait vivement dénoncé les pratiques de Servier :"Je suis désolé de redire ça, mais les laboratoires Servier ne jouent pas le jeu. Ils ne jouent pas le jeu car les délais sont extrêmement longs, on a du mal à obtenir d’eux des réponses, même si - il faut le dire - il y a des dossiers où des indemnisations ont été versées… [Mais] il y en a où ça bloque."
Sur le même plateau, en septembre 2015, Jacques-Antoine Robert, avocat des laboratoires Servier, avait affirmé qu'il n'y avait "aucune volonté [de la part de Servier] d’économiser quelque centime que ce soit"… Citant l'exemple d'une victime interviewée par les journalistes de l'émission, qui accusait Servier de jouer la montre, l'avocat affirmait qu'un courrier d'indemnisation lui avait été envoyé.
Maître Charles Joseph-Oudin confirmait fin février qu'une offre a bien été reçue par la victime, mais d'un montant "[insuffisant] au regard de la gravité des préjudices" (800.000 euros contre un million estimé par l'Oniam, NDLR). "Je ne dis pas qu’il ne paieront pas : je dis que cela prend un temps fou", s’agace l'avocat. Il dénoncait un "petit jeu mesquin" de Servier, rappelant que plusieurs de ses clients sont déjà morts sans toucher le moindre euro du labo.
l Touraine.