Scandale de la viande de cheval : la France ordonne un procès
Cinq ans après le scandale de la viande de cheval vendue comme du boeuf, la justice française a demandé le procès de deux ex-dirigeants de l'entreprise responsable et deux négociants néerlandais.
L'affaire avait laissé un très mauvais goût dans la bouche à toute l'Europe. La justice française a ordonné, vendredi 2 mars 2018, l'ouverture du procès de quatre protagonistes du scandale de la viande de boeuf remplacé par de la viande de cheval.
Le juge d'instruction, en charge de l'enquête entamée début 2013, a demandé le 26 janvier que soient jugés l'ancien dirigeant de Spanghero, société française de transformation de viandes, ainsi que l'ex-directeur du site et deux négociants néerlandais, principalement pour "tromperies" et "escroquerie en bande organisée", comme l'avait requis le ministère public de Paris à l'été 2016. L'ancien dirigeant Jacques Poujol et le directeur Patrice Monguillon, en lien avec leurs intermédiaires Johannes Fasen et Hendricus Windmeijer, sont soupçonnés d'avoir trompé la société de fabrication de plats préparés Tavola, filiale du groupe Comigel, en lui vendant en 2012 et début 2013 plus de 500 tonnes de viande présentée comme du boeuf alors qu'il s'agissait de cheval. L'un d'eux a fait appel de cette ordonnance du juge et la cour d'appel de Paris devra encore valider ou non la tenue du procès.
Le scandale, parti du Royaume-Uni début 2013, s'était étendu à toute l'Europe. Il avait mis en lumière l'opacité des circuits d'approvisionnement menés par des "traders" en viande dont les affaires passaient par Chypre, les Pays-Bas ou la Roumanie, dans un contexte de guerre des prix. Si l'affaire n'avait causé aucune conséquence sanitaire, le public avait alors découvert l'existence du "minerai de viande" : un aggloméré de bas morceaux hachés, vendu le plus souvent surgelé et destiné essentiellement aux plats préparés, comme des lasagnes en barquette.
Plusieurs marques, comme Findus et Picard, avaient été touchées, dans un contexte de tromperie massive portant sur 750 tonnes de viande écoulées dans 13 pays européens, soit 4,5 millions de plats cuisinés, avait révélé l'autorité française anti-fraudes (DGCCRF). Loin d'une simple addition de négligences, l'ordonnance de renvoi de 150 pages, signée par le juge parisien Serge Tournaire et dont l'AFP a eu connaissance, est accablante pour les pratiques qui se déroulaient sur le site de Spanghero à Castelnaudary (Aude, sud).
Fraudes et négligences
La première étape a consisté en la suppression d'indications sur la marchandise envoyée à Tavola, pour faire croire que la viande était découpée et travaillée à Spanghero, alors qu'elle venait de Roumanie, de Belgique ou du Canada. Ensuite, il y a eu le retrait de toute référence à de la viande de cheval et le remplacement par des étiquettes intitulées "avant de bœuf désossé".
Jacques Poujol "apparaît impliqué au premier plan comme responsable de la fraude au sein de la société Spanghero, compte tenu notamment des relations étroites qu'il a su nouer avec Johannes Fasen", qui venait d'être condamné en 2012 aux Pays-Bas pour une autre fraude sur la viande de cheval, et "des instructions qu'il a données" aux salariés "pour mettre en oeuvre ou faciliter la fraude", écrit le juge.
"Même si sa responsabilité apparaît moins centrale", Patrice Monguillon, l'ex-directeur du site, "a contribué à la réalisation de la fraude, notamment en officialisant et en secondant les directives de Jacques Poujol". Ce dernier est aussi renvoyé devant le tribunal pour "destruction de preuves" et tous deux pour "altération de preuves".
Si elles n'ont pas été inquiétées judiciairement, Cogimel et sa filiale Tavola se voient reprocher leur négligence par le juge. "Un simple examen visuel aurait permis" de découvrir que certaines étiquettes étaient mensongères, avait relevé la DGCCRF lors de l'enquête.
La viande de cheval n'est pas la seule fraude reprochée. L'ordonnance réclame aussi de juger les deux ex-dirigeants et M. Fasen pour l'importation de 65 tonnes de viande de mouton séparée mécaniquement. Cette méthode est interdite depuis la crise de la vache folle pour éviter que des éclats d'os ou de moelle infectés se retrouvent dans l'aliment.
Spanghero, qui revendiquait 240 salariés lors du scandale, ne s'en est pas remise. En juillet 2013, son fondateur, l'ancien rugbyman Laurent Spanghero, a tenté de la relancer en vain, sous le nom de La Lauragaise. Il l'a cédée un an plus tard.