Steaks hachés contaminés : deux ans de prison ferme pour le producteur
EN BREF - L'ex-gérant de la société SEB, accusé d'avoir produit des steaks hachés contaminés qui avaient gravement rendu malades une quinzaine d'enfants en juin 2011, a été condamné à trois ans de prison, dont deux ferme, par le tribunal correctionnel de Douai ce 27 juin.
Guy Lamorlette, 76 ans, était accusé de négligences, les steaks produits étant porteurs d'une variante dangereuse de la bactérie E.coli. Il a été reconnu coupable de l'ensemble des délits, dont "blessures involontaires par violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité". Le parquet avait requis trois ans de prison ferme et un avec sursis. On recensait dix-huit victimes.
"Donner à manger un aliment de base à des millions de Français c'était une lourde responsabilité", avait estimé début juin le procureur Jean-Baptiste Miot au troisième et dernier jour du procès. Or l'enquête a établi plusieurs manquements aux règles de sécurité et d'hygiène de la part des deux prévenus.
"La politique de SEB, c'est d'avoir 50, 60 fournisseurs différents pour trouver la viande la moins chère à un moment donné", avait détaillé le procureur. "Ce n'est pas interdit, mais les risques sont plus importants et il faut que le plan de maîtrise sanitaire (PMS) les intègre". Ensuite, "il y a une faute beaucoup plus lourde, le changement unilatéral du Plan de Maîtrise Sanitaire (PMS). Pour la façade on a un beau plan tout neuf", avait moqué le magistrat.
Concrètement, a-t-il expliqué, le jour de la production des steaks mis en cause, "on n'a testé que trois des 13 mêlées", mélange de viande de découpe et de viande de carcasse. "Sur ces trois mêlées, une est positive avec 770 germes, au-dessus des 150 maximum demandées par le PMS et des 500 demandées par la règlementation", avait relaté le procureur. Mais "on va juste faire cinq contre-analyses en E.coli" générique et "on ne les teste pas en E.coli 015H7", la souche particulièrement dangereuse qui a provoqué le grave syndrome hémolytique et urémique (SHU) en juin 2011 chez une quinzaine d'enfants, dont l'un reste paralysé et handicapé mental.
La présence potentielle de cette souche exige normalement des analyses spécifiques - et plus coûteuses - en cas de concentration élevée en E.coli.
Problème de réglementation
Le procureur avait également fustigé chez les prévenus "les subterfuges pour échapper aux responsabilités" : "Il y en a quasiment à chaque question, on n'a cessé de tenter de se défausser".
Jean-Baptiste Miot avait également réclamé 50.000 euros d'amende contre Guy Lamorlette pour sa responsabilité particulière de gérant "influent". "Il n'y a pas de négligence volontaire, et jamais le budget de la sécurité sanitaire n'a été baissé", a plaidé son avocat Me Stanislas Louvel en fin de matinée, demandant la relaxe. "Soit on interdit la vente de steaks hachés, soit on fait une règlementation beaucoup plus stricte", a-t-il encore souligné.
Pendant le procès, la règlementation européenne est en effet apparue floue sur certains points. Mais des experts sanitaires ont fait valoir que l'obligation de coopérer constamment avec les services vétérinaires de l'Etat, bafouée, avait justement vocation à y remédier.
Me Pierre-Jean Gribouva, l'avocat du responsable qualité, avait déclaré que "Laurent Appéré était le cocu de l'histoire". "Il a bénéficié des inconvénients de la délégation de pouvoir (la responsabilité) sans les avantages (le statut, les moyens). Seulement 0,5% du budget de l'entreprise lui était attribué". Laurent Appéré avait plusieurs fois relaté des contraintes de temps et d'argent dans son travail, parlant de "camion de viande devant vite partir à la production" sous peine de "fermer l'usine", choquant les familles des victimes. Et qui faisait dire à l'UFC-Que Choisir, partie civile, que le procès était aussi celui d'une certaine filière bovine "low cost".
avec AFP