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Femmes et enfants sans-abri : "nous sommes face à une faillite de l’hébergement d’urgence"

Le nombre de femmes et d’enfants vivant à la rue explose et les structures d’hébergement pour cette population vulnérable sont rares. Un rôle qu’endossent parfois les hôpitaux, alors qu’ils sont eux-mêmes dans une situation de crise.

La rédaction d'Allo Docteurs
Rédigé le

Que s’est-il passé à l’hôpital Trousseau le soir du 27 novembre, pour que des vigiles placés devant l’hôpital en bloquent l’accès à des familles sans-abri ? Ce jour-là, l’annonce de l’ouverture de 60 places d’hébergement gérées par le 115 au sein de l’hôpital a provoqué un "« appel d’air » et de nombreuses familles se sont présentées espérant ainsi bénéficier d’un hébergement dans l’hôpital" reconnaît la direction de la communication de l’AP-HP.

Mais "une fois la capacité maximale du centre d’accueil atteinte", l’hôpital a été "contraint" d’interdire l’accès "à une dizaine de familles […] en raison des risques posés pour les patients hospitalisés", justifie encore l’AP-HP.

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Des demandes croissantes de mises à l’abri

Derrière cet événement se cache un problème de plus grande envergure : "une faillite du secteur de l'hébergement d'urgence" quand le nombre de personnes vivant dans la rue est "grandissant", s'inquiète la docteure Houda Merimi, référente médicale pour les programmes France de Médecins du Monde.

"Les hôpitaux font office de structure d’hébergement, alors que ce n’est pas leur fonction première" note la médecin. L'hôpital Trousseau en fait partie et se retrouve confronté "de façon croissante ces dernières années et singulièrement ces derniers mois" à des "demandes de mises à l’abri" notamment de la part "de familles et de femmes enceintes sans solutions de logement " déplore l’AP-HP.

"Les hôpitaux eux-mêmes tirent une nouvelle sonnette d’alarme"

Si l’hôpital Trousseau permet "une évaluation et une orientation sociales", son hall n’a "pas les conditions requises pour être un lieu d’hébergement" insiste l’AP-HP. Conséquence : l’hôpital doit faire face à "des familles (qui) tentent régulièrement d’investir l’hôpital pédiatrique y compris des services où les enfants sont en grande fragilité immunitaire" déplore l’AP-HP, tout en assurant que "les femmes qui nécessitent des soins sont bien sûr prises en charge".

Mais les établissement restent impuissants face à l'ampleur de la demande des femmes et enfants ne nécessitant pas de soins d'urgence. "Les hôpitaux eux-mêmes tirent une nouvelle sonnette d’alarme alors qu’ils se trouvent déjà dans une situation critique" observe donc la docteur Merimi. " On ne peut pas se contenter de pointer ce qui se passe dans les hôpitaux" s’alarme la docteur Merimi.

Plus de 1.000 mineurs à la rue

Et la carence en structure d’accueil et d’hébergement ne cesse de s'aggraver puisque "la proportion de personnes à la rue, notamment des femmes et des enfants, est grandissante ces dernières années" révèle Houda Merimi. Ainsi, selon des chiffres publiés par l’Observatoire de l’accès aux droits et aux soins 2018 de Médecins du Monde, plus de 1.500 femmes ont été vues en programme mobile. "12% étaient enceintes au moment des consultations médicales" note la docteur Merimi, dont une grande part sans domicile fixe. Concernant les enfants, environ 3.750 mineurs non accompagnés ont été reçus dans les Centres d'accueil de Médecins du Monde, dont plus de 1.000 vivaient dans la rue.

De même, le 20 novembre dernier, 12 associations dont l’Unicef ou le Samusocial de Paris s’alarmaient dans un manifeste que "faute d’hébergement pérenne et d’accès au logement, 20.000 mineurs-es [étaient] actuellement hébergés à l’hôtel en Île-de-France, dans une situation de précarité extrême." Elles ajoutaient enfin que, "trop souvent, des femmes venant d’accoucher [étaient] remises à la rue avec leur nouveau-né".

Aucun hébergement pour les jeunes mères

"Certains hôpitaux font des efforts", avance à ce sujet la docteure Merimi. "Ainsi, un hôpital en Pays-de-la-Loire continue à héberger 28 jours après la naissance les mères et leur nourisson et parfois des grands frères et soeurs de deux ou trois ans" révèle-t-elle. Mais après ? "Si l’Etat ne prend pas le relai, il met à mal les structures hospitalières qui ne sont pas censées faire de l’hébergement."

Aucune véritable solution n’est prévue, si bien que "les alertes se multiplient à l’échelle nationale sur le nombre de femmes à la rue après leur accouchement" rapporte Houda Merimi.

Les femmes enceintes, premières victimes de la rue

Problème : "la vulnérabilité particulière des femmes et des enfants décuple leurs risques sanitaires quand ils sont à la rue" explique la médecin. Concrètement, ces personnes souffrent souvent de "pathologies infectieuses, notamment dermatologiques due à un accès restreint à l’hygiène et de troubles ostéo-articulaires". Les maladies chroniques comme l’hypertension artérielle ou le diabète sont souvent plus graves chez les personnes sans abri car "elles ne sont ni suivies ni traitées" poursuit la docteure Merimi. Les nouveau-nés, très fragiles, rencontrent quant à eux "des problèmes respiratoires, surtout en période hivernale".

Mais parmi les personnes pour qui la vie à la rue est la plus délétère, il y a les femmes enceintes, chez qui "tout est remis en péril". "Un retard de suivi est ainsi observé pour la moitié de ces femmes", parfois encore adolescentes puisque "les mineures enceintes vues dans les programmes de Médecins du Monde sont deux fois plus nombreuses dans la rue qu’en population générale" alerte enfin la spécialiste.

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