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Les jeunes psychiatres ont une santé mentale plus fragile que les autres médecins

Une étude révèle que les internes en psychiatrie consultent plus pour anxiété et dépression que les médecins d’autres spécialités. Ils consomment aussi plus de psychotropes.

Héloïse Rambert
Rédigé le , mis à jour le

La situation peut sembler paradoxale. Les jeunes psychiatres, malgré leur spécialité médicale, ne jouissent pas d’une meilleure santé mentale que leurs confrères.  Ils seraient même sujets à une plus grande fragilité psychologique. C’est ce que laisse entendre une étude parue dans la revue médicale Journal of affective disorders.  Cette étude a recueilli les réponses de 11 000 internes, toutes spécialités confondues et issus des 35 universités françaises, à un questionnaire portant sur leur santé et leur qualité de vie.

Plus de suivis psychiatriques et de psychotropes, moins d’énergie

L’équipe de chercheurs savait déjà que les étudiants en médecine étaient une population à risque. "Une de nos précédentes études avait montré qu’un tiers des étudiants consommaient des psychotropes au sens large, même s'il s’agissait de produits en vente libre. Et 7 % d’entre eux avaient recours à des psychostimulants sur prescription, comme la Ritaline ou le Modiodal (un psychostimulant utilisé dans la narcolepsie, ndlr), explique le Dr Guillaume Fond, psychiatre à l’Hôpital de la Conception et chercheur à la faculté de la Timone (Marseille).  Avec ce nouveau travail, de plus grande ampleur, nous avons voulu savoir si certaines spécialités médicales étaient plus à risque, en terme d’anxiété ou de dépression, ou de suivi psychologique ou psychiatrique."

Les résultats surprennent. 34 % des internes en psychiatrie ont déclaré avoir un suivi psychiatrique, contre seulement 16 % pour les autres spécialités. Par ailleurs, ils disent consommer quatre fois plus d’antidépresseurs (8 contre 2 %), et plus d’anxiolytiques. Ils virent aussi en tête en ce qui concerne le tabac, l’alcool et le cannabis. "D’après les réponses recueillies, il apparaît que 40 % des internes en psychiatrie ont une consommation problématique d’alcool, contre 33 %Ils disent aussi avoir moins de vitalité que leurs confrères", ajoute le médecin.

Tout pour avoir la forme ?

L’étude s’intéresse aussi aux motifs avancés par les jeunes psychiatres pour expliquer leur consommation de psychotropes. "Il ne s’agit pas d’un effet social de groupe. Ils ne font pas non plus plus la fête que les autres. Ce qui ressort de notre travail, c’est qu’ils cherchent ainsi un effet sédatif pour diminuer leur anxiété, mais aussi un effet excitant pour se dynamiser", rapporte le Dr Fond.  

Pourquoi tant de mal-être ? Les études de médecine sont par nature longues et difficiles, avec deux concours, chose rare dans les cursus universitaires.  L’internat, période à laquelle s’est intéressé le Dr Fond et son équipe, est probablement la plus stressante pour les futurs médecins. "C’est le moment où les étudiants choisissent leur spécialité et se retrouvent face à leurs responsabilités", explique le médecin. Les chercheurs ne s’attendaient pas à ce que ce soit les psychiatres qui rencontrent le plus de difficultés en termes de santé mentale. 'Ils sont censés être mieux armés grâce à leur formation" reconnaît l’auteur de l’étude.  Par ailleurs, leurs conditions d’exercice ne sont pas les plus éprouvantes. "Leurs horaires sont moins difficiles que dans des spécialités comme la chirurgie. Ils sont aussi moins exposés à la mort et à l’annonce de la mort que certains de leurs confrères. Théoriquement, ils devraient être en meilleure santé."

Exposés à la violence des patients

Les spécificités de leurs patients pourraient expliquer leur vulnérabilité. "Les psychiatres, qui sont en majorité des femmes, sont plus exposés aux violences physiques et sexuelles que les autres médecins, avance le Dr Fond. Comme les urgentistes, ils travaillent aux urgences et doivent prendre en charge des patients agités. Et puis ce sont les seuls médecins qui peuvent priver les gens de liberté. Ils sont exposés à des situations compliquées et ne sont pas du tout formés pour y faire face."

Cette plus grande consommation de médicaments et de substances psychotropes chez les internes en psychiatrie s’explique aussi par leur capacité à s’auto-diagnostiquer et à dépister leur propre anxiété et dépression.  Par ailleurs, ils connaissent bien la pharmacologie et ne diabolisent pas  les antidépresseurs, que certains médecins persistent à dénigrer.

L’urgence de "prendre soin" des internes en psychiatrie

Et si, tout simplement, la psychiatrie attirait les étudiants les plus fragiles ? "C’est une hypothèse, admet le Dr Fond. Mais une étude anglaise de 2013 semblait dire qu’il n’y avait pas de différence psychologique et de personnalité entre les internes en psychiatrie et les autres."

Quoi qu'il en soit, pour l’auteur de l’étude, il est crucial d’offrir un suivi psychologioque à tous les internes, sans attendre qu’ils tombent malades. "Les internes qui vont mal le cachent. Ca ne se voit pas." Ces actions de prévention et de dépistage pourraient être assurés par des psychiatres partenaires de l’hôpital. Pour le Dr Fond, il revient aussi aux psychiatres séniors de prendre soin de leurs internes, souvent hyper-investis dans leur travail. "Il y a, dans les services, des chefs peu compatissants avec leurs internes, ce qui est paradoxal dans une spécialité comme la nôtre, basée sur l’écoute et la bienveillance."

 

 

 

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