Cancer : des soins de support bientôt remboursés?
Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, adopté aujourd’hui par les députés, prévoit la création d’un forfait de soins post-cancer remboursé par la Sécu. De quoi s’agit-il exactement ? Qui cela va-t-il concerner ? Notre spécialiste nous éclaire.
Le forfait de soins post-cancer concerne tous les malades du cancer qui sortent d’une chimiothérapie, d’une radiothérapie ou d’une chirurgie. C’est-à-dire environ 3 millions de personnes. On sait très bien que la prise en charge d’un cancer ne s’arrête pas aux traitements. Dans une enquête menée par la Ligue, 8 patients sur 10 disent qu’ils présentent encore des séquelles physiques et psychologiques 5 ans après la fin des traitements… L’idée de ce texte de loi, c’est donc de mieux accompagner les malades en facilitant l’accès aux soins de support. En tout cas, les 3 principaux : le soutien psychologique, le suivi nutritionnel et l’activité physique adaptée. Aujourd’hui, les études scientifiques sont formelles : non seulement ces soins améliorent la qualité de vie des patients mais en plus ils limitent les risques de rechute.
Peu de patients ont accès à ces soins de support
L’exemple le plus parlant, c’est sans doute celui du suivi psychologique. Evidemment après un cancer il y a de l’anxiété, une angoisse de la récidive, une dégradation de l’image de soi…voire une dépression. Or, on estime que près de la moitié des patients qui ont ressenti le besoin d’un soutien psychologique n’en n’ont jamais bénéficié, principalement pour des raisons financières. Quand vous êtes traité dans un service de cancérologie, vous pouvez consulter un psychologue gratuitement, mais une fois que la chimio est terminée, et que vous ne venez plus à l’hôpital, si vous voulez continuer à être suivi, c’est à vous de payer. Les consultations chez le psy en cabinet ne sont pas prises en charge par la Sécu or cela coûte en moyenne entre 50 et 70€ la séance. Si c’est 1 fois/semaine, cela représente vite un gros budget.
Qu'en est-il du suivi nutritionnel et de l’activité physique ?
Les hôpitaux ont fait beaucoup de progrès pour proposer aux malades du cancer des ateliers de diététique parce que souvent après les traitements, il y a des problèmes de prise de poids ou de dénutrition, de troubles du transit etc. La reprise de l’activité physique est aussi indispensable pour le bien-être des malades. On ne cesse de vanter les bienfaits des séances de sport proposées dans certains services de cancérologie (pas tous). Là encore, le problème c’est que quand les traitements sont terminés, les patients ne vont pas faire 150 kilomètres pour revenir à l’hôpital pour un atelier de diététique ou un cours de karaté. Or, ni les consultations de diététique, ni les séances de sport adapté ne sont remboursées par la Sécurité sociale. Certaines mutuelles proposent une prise en charge mais généralement c’est assez faible.
Le texte de loi va-t-il permettre de résoudre le problème ?
C’est l’ambition en tout cas et cela fait 10 ans que les associations de malades se battent pour une meilleure prise en charge de ces soins de support.
Ce texte de loi est donc bien sûr une avancée, le problème, c’est qu’en attendant les décrets d’application, c’est très flou, voire décevant. On ne sait pas exactement ce qu’il y aura dans ce forfait remboursé par la Sécurité sociale. Le texte mentionne des "consultations de suivi psychologique et nutritionnel", mais on ne sait pas ni combien, ni pendant combien de temps. Pour l’activité physique, c’est pire puisque cet article prévoit de prendre en charge "un bilan d’activité physique", en gros une consultation pour évaluer la condition physique du patient et envisager avec lui quel sport serait le plus adapté.
Cet article ne prévoit absolument pas de prendre en charge les séances elles-mêmes. Le patient sera très content de savoir qu’il peut faire de l’aviron par exemple, mais si c’est à lui de payer entièrement les séances, cela risque de le démotiver...
Autre sujet d'inquiétude : le financement de ce plan
Le projet de loi prévoit une enveloppe de 10 millions d'euros, or que ce soit les spécialistes ou les associations, tout le monde est d’accord pour dire que c’est clairement insuffisant. Une chercheuse de l’université Paris XIII s’est livrée à un calcul très pertinent, elle dit que si seulement 1/3 des 3 millions de malades du cancer bénéficient de ce forfait de soins, cela représentera entre 1 et 5€/patient… autant dire qu’on ne va aller très loin. Cela va être compliqué de trouver un psy à ce tarif-là ! Même son de cloche du côté des associations. La Ligue contre le cancer dit qu’en gros il faudrait un budget 10 fois plus important, et elle sait de quoi elle parle puisque cette association propose déjà gratuitement des soins de support à 40.000 patients chaque année. Il faut attendre les décrets d’application mais le risque de cette mesure c’est de se limiter à un effet d’annonce, sans solutions concrètes…
Quelles solutions pour les patients qui ont besoin de ces soins ?
Il faut commencer par se renseigner auprès de l’établissement où l'on est traité, le problème c’est que tous ne proposent pas ces soins de support (même des grands CHU) ou en tout cas uniquement certains. Les soins de support, c’est aussi la prise en charge de la douleur, de la fatigue, des problèmes sexuels, ou encore la socio-esthétique, qui peut être utile pour retrouver l’estime de soi. Vous pouvez aussi en parler à votre médecin traitant et contacter les associations de malades. Il y a un site très bien fait qui recense toutes les structures qui proposent des soins de support près de chez vous. Il suffit de renseigner votre adresse et vous aurez une liste exhaustive, ce site c’est : la vie autour.