Généralisation du tiers payant : que va devenir le reste à charge ?
Franchises médicales et participation forfaitaire sont des sommes que les patients doivent payer de leur poche. Mais comment fera-t-on avec la généralisation du tiers payant pour récupérer cet argent ? La question vire au casse-tête et relance le débat sur les restes à charge qui ne cessent d'augmenter pour les malades. Les explications avec Maroussia Renard, chroniqueuse spécialisée en économie.
On ne s'en rend pas toujours compte, mais à chaque fois que l'on se rend chez le médecin, que l'on passe une radio ou que l'on achète des médicaments, on paie quelques centimes ou quelques euros de notre poche, qui ne sont jamais remboursés ni par la Sécu, ni par les mutuelles.
Cela correspond à deux choses différentes. Tout d'abord les franchises médicales qui s'élèvent à 0,50 euro par boîte de médicaments, 0,50 euro par acte paramédical (kiné, infirmière…) et 2 euros par transport sanitaire. Les franchises sont plafonnées à 50 euros par an et par assuré. L'autre contribution est la participation forfaitaire : 1 euro de votre poche pour toutes les consultations médicales, les examens radiologiques et les analyses biologiques. Le plafond annuel est aussi fixé à 50 euros. Cela concerne tout le monde, sauf les mineurs, les femmes enceintes, et les bénéficiaires de la CMU et de l'Aide médicale d'Etat.
Franchise et participation forfaitaire vont-elles être supprimées ?
La question qui se pose aujourd'hui est de savoir ce que vont devenir ces participations puisque avec la généralisation du tiers payant, les patients n'avanceront plus les frais. Malheureusement il n'y a pas de miracle en vue, il n'est pas question de supprimer ni les franchises, ni la participation forfaitaire. Et pour cause, cela fait rentrer près de 1,5 milliard d'euros chaque année dans les caisses de la Sécurité sociale, l'Etat ne va donc pas s'en priver.
Le gouvernement a déjà fait un geste il y a quelques mois en supprimant les franchises médicales pour les bénéficiaires de l'Aide à la complémentaire santé (ACS), qui ont des revenus très modestes. En revanche, pas question d'aller plus loin. D'ailleurs une proposition de loi pour supprimer ces franchises a été déposée au Sénat en mars 2015 par une élue communiste. Et elle a été rejetée.
Comment récupérer ces participations ?
A priori, la question de la récupération de ces participations est une question technique mais cela n'a rien d'anodin parce que dans le système actuel, il n'est déjà pas évident de récupérer cet argent. Aujourd'hui, quand vous allez chez le médecin, vous avancez les frais et c'est au moment du remboursement que l'Assurance maladie retire un euro au titre de la participation forfaitaire. Cela apparaît clairement sur vos relevés de remboursement. Pour les franchises, par exemple sur les médicaments, vous ne payez rien puisque les pharmacies pratiquent déjà le tiers payant, du coup la Sécu récupère les quelques centimes ou euros de franchises sur un acte ultérieur, une consultation par exemple.
Problème, certains patients vont rarement chez le médecin ou bénéficient du tiers payant au titre d'une ALD. Dans ce cas la Sécu peut récupérer ces franchises sur d'autres prestations : indemnités journalières d'arrêt maladie, de congé maternité ou vous demander tout simplement de régler la facture au bout de quelques années, le délai de prescription étant de cinq ans. Il s'agit donc d'un système un peu compliqué qui connaît déjà de nombreux ratés. On estime que depuis 2009, 269 millions d'euros de franchises n'ont pas été récupérées…
Des participations largement contestées
Pour le moment, rien de très clair n'est prévu avec la généralisation du tiers payant. Le projet de loi santé reste assez évasif sur cette question et le ministère n'a pas tranché de manière officielle. Il y a quelques semaines, la secrétaire d'Etat chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion, Ségolène Neuville, a annoncé que les franchises et participations seraient directement prélevées sur le compte bancaire des assurés puisqu'ils ne sortiront plus leur portefeuille chez le médecin. Mais Marisol Touraine a immédiatement démenti. Il semble quand même que ce soit une des pistes à l'étude. Le problème est de savoir comment récupérer une autorisation de prélèvement de la part de chaque assuré social. Quid des interdits bancaires ? Cela ressemble un peu à une usine à gaz.
Le recouvrement semble d'autant plus compliqué que ces participations sont largement contestées. Les franchises ont été instaurées en 2008, officiellement pour financer le plan Alzheimer et aussi pour responsabiliser les patients vis-à-vis de leur consommation de médicaments. Tout d'abord, rien n'indique que cet argent est effectivement affecté à des mesures de lutte contre la maladie d'Alzheimer, la Cour des Comptes l'a même dénoncé dans un rapport récent.
Reste alors le deuxième objectif et là encore, c'est un échec. Sur le principe, cela voudrait presque dire que les patients vont chez le médecin ou achètent des médicaments prescrits par convenance. Et depuis quelques années, plusieurs études ont montré que l'instauration des franchises n'avait absolument pas fait baisser la consommation des médicaments. Seuls 12% des Français auraient modifié leur comportement notamment en décidant de n'acheter qu'une partie des médicaments prescrits. Le problème, c'est qu'il s'agit des personnes les plus modestes ou en mauvaise santé.
Des franchises injustes ?
La plupart des associations de patients réclament leur suppression depuis le départ. Pour elles, elles s'apparentent à un "impôt sur la maladie" puisque même les patients souffrant de maladies chroniques, cancer, sida ou encore diabète (ALD) et pris en charge à 100%, n'en sont pas exemptés. C'est sur eux que pèse la moitié du montant total des franchises.
Certes il existe des plafonds, mais entre les franchises et les participations, cela représente tout de même 100 euros par an, qui s'additionnent à tous les autres restes-à-charge. Pour certains malades, c'est beaucoup et ça peut constituer un facteur de mauvaise observance ou de renoncement aux soins. Ce qui est finalement assez contre-productif puisque l'argent économisé avec ces franchises, risque d'être dépensé pour prendre en charge d'éventuelles complications. La généralisation du tiers payant aurait sans doute été une bonne occasion de revoir le système.