Imagerie médicale : trop de dépenses inutiles !
Le 11 mai 2016, la Cour des comptes a publié un rapport très sévère sur le secteur de l'imagerie médicale appelant à une vaste réorganisation. Et parmi les actions prioritaires, la Cour veut lutter contre les actes non-pertinents ce qui permettrait d'économiser quelques millions d'euros. Les explications avec Maroussia Renard, chroniqueuse spécialisée en économie.
Les actes d'imagerie médicale coûtent cher à la collectivité. Ils représentent un budget de six milliards d'euros par an pour l'Assurance-maladie, soit quasiment deux fois plus que les dépenses d'analyses de biologie. L'imagerie est une discipline structurante en médecine : des radios aux IRM en passant par les scanners et les échographies, l'imagerie médicale permet de faire du dépistage, de poser un diagnostic, de suivre l'évolution d'une maladie, d'évaluer l'efficacité d'un traitement et aussi de soigner par le biais de la radiologie interventionnelle. Mais selon la Cour des comptes, les dépenses engendrées par ces nombreux examens ne sont pas toujours justifiées. Le chiffre est d'ailleurs impressionnant : elle estime que 40% des actes d'imagerie seraient évitables.
Des examens redondants
Même s'il est difficile de donner des chiffres précis, les examens refaits plusieurs fois représentent sans doute un immense gâchis. Pourtant, aujourd'hui, il y a une traçabilité des images provenant des différents examens. Quasiment tous les cabinets de radiologie et 60% des hôpitaux sont équipés de systèmes informatiques d'archivage et de partage. C'est ce qui explique que les patients ressortent souvent sans aucun cliché "papier".
L'intérêt, c'est que chaque médecin puisse se connecter via un serveur pour pouvoir consulter les examens d'un patient mais dans les faits, ça ne marche pas vraiment. Et l'explication peut paraître assez absurde : personne n'arrive à se mettre d'accord sur un identifiant unique pour chaque patient qui pourrait être utilisé par tous les médecins à qui il peut avoir affaire. Depuis sept ans, des commissions se réunissent pour trouver une solution mais visiblement cela pose des problèmes de confidentialité très compliqués.
Des prescriptions excessives d'actes d'imagerie
Le rapport dénonce aussi des prescriptions excessives d'actes d'imagerie. Selon la Cour des comptes, les médecins prescrivent parfois des examens injustifiés parce qu'ils ne seraient pas suffisamment informés des indications de chaque modalité d'imagerie. En théorie, c'est le rôle de la Haute autorité de santé (HAS) de faire des recommandations mais pour l'imagerie, elle s'est très peu investie. Par exemple, concernant la radiographie, sur les cinquante examens qui existent, la HAS n'a fait des recommandations que pour quatre d'entre eux.
Il existe tout de même un guide du bon usage des examens d'imagerie. Tous les médecins peuvent y avoir accès sur Internet. Il suffit de donner le symptôme du patient, et en un clic, le médecin peut voir quels sont les examens indiqués. Mais dans les faits, ce guide est assez peu suivi. La Cour des comptes explique que ce guide a été élaboré par des sociétés savantes de radiologues et non par la HAS. De ce fait, il n'aurait pas la même portée que des recommandations officielles.
Des médecins qui subissent la pression des patients
Il y a aussi parfois une forme de pression de la part des patients. La force de l'image fait que beaucoup de patients insistent auprès de leur médecin pour qu'il leur prescrive une radio ou un scanner. Il y a l'idée que l'on peut à tous les coups "voir" le mal dont on souffre. Et il n'est pas toujours facile de résister à ces demandes à cause notamment du triomphe du principe de précaution et de la peur d'éventuelles poursuites judiciaires qui peut pousser à prescrire des examens simplement pour se couvrir au cas où.
Les radiologues ont aussi un rôle à jouer dans la chasse aux actes non-pertinents. Quand un patient arrive dans un cabinet de radiologie avec une ordonnance pour un examen, le radiologue est censé pouvoir refuser de le faire s'il juge qu'il n'est pas pertinent ou le remplacer par un autre plus adapté au cas du patient. Mais en pratique, cela est rarement possible. D'abord parce que bien souvent, le patient arrive avec une ordonnance et rien d'autre, ni compte-rendu, ni résumé de l'examen clinique... Or, le radiologue n'a pas le temps de refaire toute une consultation. Autre raison, le radiologue doit aussi faire tourner son cabinet. Il préfère parfois faire un examen inutile mais facturé, plutôt que de passer une heure à appeler le médecin pour expliquer pourquoi il ne va pas le faire et se justifier auprès du patient qui souvent attend ce rendez-vous depuis plusieurs semaines.
L'échographie, gros gisement d'économies
Parmi les examens excessifs, la Cour des comptes a identifié les échographies. L'échographie est le premier poste de dépenses d'imagerie en ville : 1,3 milliards d'euros par an et les dépenses ne cessent d'augmenter. On compte près d'un million d'actes supplémentaires chaque année. Et cela ne correspondrait pas à une nécessité médicale.
L'échographie est devenue le prolongement quasi-systématique de la consultation chez certains spécialistes. Une échographie sur deux est réalisée par un médecin qui n'est pas radiologue. Et selon l'Académie de médecine, ces examens se sont banalisés, sans recherche spécifique. Il existe plusieurs raisons : l'échographie est un examen simple, sans trop d'effets nocifs, les appareils sont abordables et peu encombrants et surtout, quand un médecin fait une échographie au décours d'une consultation, il peut la facturer en plus. Ce qui n'incite pas forcément à la mesure…
Améliorer la pertinence des examens
Au-delà des économies pour la Sécurité sociale, améliorer la pertinence des examens est aussi essentiel pour les patients. Il y a évidemment le problème de l'exposition aux rayons X, potentiellement nocifs. Et à force de faire des examens tout azimuts, on finit toujours par trouver des anomalies mineures qui vont entraîner une cascade d'autres examens voire des opérations évitables.
Autant de dépenses inutiles qui pourraient permettre de financer des innovations surtout en matière de radiologie interventionnelle. Aujourd'hui, on peut traiter une hémorragie cérébrale ou certaines tumeurs sans chirurgie. Cela est moins invasif pour le patient et aussi plus économique pour la Sécu puisque cela permet de réduire les dépenses d'hospitalisation.