Maisons de retraite : la réforme de leur financement inquiète
Manque de personnel, conditions de travail difficiles... Les maisons de retraite françaises sont en souffrance. Une situation qui ne va pas s'arranger en raison d'importantes réductions budgétaires à venir.
Les maisons de retraite publiques, les EHPAD (établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes) accueillent les résidents les plus dépendants, les plus malades. Un décret, pris par le gouvernement Hollande et entré en vigueur en janvier 2017, modifie le mode de tarification des EHPAD.
Les effets de cette réforme, qui ne se font sentir que maintenant, risquent d'être catastrophiques. On estime qu'avec cette nouvelle tarification, les maisons de retraite publiques vont perdre 200 millions d'euros par an. Or, la plupart d'entre elles sont déjà dans une situation financière difficile.
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La réforme tarifaire des EHPAD
Le financement d'une maison de retraite repose sur trois budgets différents. Le budget "soins" couvre toutes les prestations médicales : salaires des infirmières, les médicaments, etc. Il est entièrement financé par l'Assurance maladie. Le budget "hébergement" concerne l'hôtellerie, les repas et l'entretien. Ce budget est entièrement à la charge des résidents (60% de la note totale). Enfin, le budget "dépendance" couvre tous les frais liés à l'assistance des personnes en perte d'autonomie. Il sert à payer notamment les aides-soignantes et des psychologues. Il est majoritairement financé par les départements.
Ce budget dépendance est concerné par la réforme, dont l'objectif est de réduire les inégalités budgétaires entre les maisons de retraite. Pour ce faire, on modifie complètement le mode de calcul en passant d'un système au cas par cas à un mode de calcul automatique. Avant la réforme, l'enveloppe était négociée chaque année entre le département et chaque maison de retraite. Le budget prenait en compte évidemment le degré de dépendance des résidents mais aussi d'autres critères : profil des patients, établissement qui accueille beaucoup de malades d'Alzheimer ou de personnes handicapées vieillissantes, ce qui implique plus de besoins en terme de personnel. La vétusté ou encore le statut de l'établissement étaient également pris en compte. Le niveau des charges sociales n'étant pas le même pour les maisons de retraite publiques et privées.
Chaque établissement a des spécificités et des besoins propres et le département les prenait en compte pour déterminer le budget annuel. Avec la réforme, tout ce système est terminé. Désormais, seul le degré de dépendance des résidents est pris en compte. Pour définir le budget, les départements appliquent une formule mathématique dite objective qui est la même pour toutes les maisons de retraite, quels que soient ses particularités et son statut.
Quelles conséquences pour les résidents ?
Les maisons de retraite publiques vont être les grandes perdantes puisque historiquement, elles étaient mieux dotées que les maisons de retraite du secteur privé. La perte est estimée à environ 200 millions d'euros par an. Elles vont donc être obligées de réduire leur personnel (déjà largement insuffisant !). L'EHPAD du centre hospitalier de Bourges (Cher) a ainsi dû supprimer huit postes d'aides-soignants sur quatorze. Cette réforme va donc dégrader encore un peu plus la qualité de l'accompagnement des personnes âgées dépendantes.
Cette réforme risque aussi de faire augmenter la facture pour les résidents. Les maisons de retraite publiques n'ont pas le droit de compenser ces pertes sur le budget dépendance en augmentant le tarif hébergement. Mais certains établissements vont probablement trouver des moyens détournés pour transférer une partie des dépenses sur les résidents. Ils pourraient par exemple facturer le lavage du linge personnel (environ 100 euros par mois) alors qu'auparavant il était compris dans le tarif.
Une réforme bientôt modifiée ?
Depuis quelques semaines, cette réforme suscite une levée de boucliers. Tous les acteurs du secteur dénoncent ce nouveau mode de tarification. Dix départements refusent d'ailleurs d'appliquer la réforme. Le gouvernement a donc été dans l'obligation de réagir. Il a pour l'occasion inventé un nouveau type de mission parlementaire, une mission dite "flash". Les députés ont eu à peine un mois pour examiner la situation et rendre leurs conclusions alors qu'il faut normalement six mois.
Leur rapport a été remis mercredi 13 septembre et il donne raison à ceux qui contestent cette réforme (décidée sous le gouvernement Hollande). La députée qui a mené cette mission a expressément demandé à la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, de se préparer à modifier cette réforme. Une première réunion entre la ministre et les représentants des maisons de retraite doit avoir lieu lundi 25 septembre 2017. Affaire à suivre.