Le Canada se penche sur la question de l'aide médicale à mourir
Au Canada, un projet de loi portant sur "l'aide médicale à mourir" a été déposé ce 14 avril. Il vise à généraliser une disposition existant dans la province du Québec, destinée aux adultes consentants et responsables, souffrant d'une maladie grave, incurable et irréversible, et dont la mort est raisonnablement prévisible.
"C'est un sujet très personnel qui nous concerne tous mais aussi nos familles", a déclaré le Premier ministre Justin Trudeau en soulignant "l'impact significatif [d'une loi] sur la vie quotidienne des Canadiens".
Sans aller jusqu'à l'euthanasie comme aux Pays-Bas, en Belgique ou au Luxembourg, et en refusant de parler comme en Suisse de "suicide médicalement assisté", le Canada ouvre donc la possibilité pour des adultes de demander à mettre fin à leurs souffrances.
L'aide médicale à mourir sera accessible aux "adultes consentants et responsables, souffrant d'une maladie grave, incurable et irréversible, et dont la mort est raisonnablement prévisible", a précisé la ministre de la Justice, Jody Wilson-Raybould. Elle souligne que la loi doit permettre à "des adultes responsables souffrant de façon intolérable du fait de leur état médical grave de choisir une mort paisible" plutôt que d'attendre la mort dans la douleur, la peur et dans des conditions indignes.
Des conditions très strictes
Le texte va moins loin que les 21 recommandations d'un comité spécial de la Chambre des communes et du Sénat qui proposait d'élargir cette aide médicale à mourir à des mineurs responsables et matures ou à des patients souffrant de troubles psychologiques.
Les conditions vont être particulièrement encadrées pour les malades. Les personnes soumettant une telle demande devront se prévaloir de "deux témoins indépendants" et obtenir l'accord de deux professionnels de santé pouvant attester qu'il s'agit "d'un choix lucide", a expliqué Mme Wilson-Raybould.
Seuls les Canadiens seront habilités à demander l'aide médicale à mourir.
"Personnellement, je crois nécessaire de fournir davantage de confort aux personnes à l'approche de la fin de leur vie, quelle que soit la forme que cela prenne", a estimé la ministre de la Justice.
Quatre mois de recul au Québec
Les débats au Parlement vont se nourrir de l'expérience québécoise où, depuis décembre, l'aide médicale à mourir est autorisée. Une vingtaine de personnes ont exercé ce droit dans la province au cours des quatre derniers mois.
L'Association médicale canadienne a accueilli "très favorablement" ce texte de loi qui souligne des principes chers aux médecins comme "l'accès à une gamme complète de soins de fin de vie" ou encore "le respect des convictions personnelles" des personnels de santé.
Pour sa part, l'Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique a déploré que le texte n'aille pas assez loin en "laissant de côté des catégories entières de Canadiens en souffrance qui devraient avoir le droit de choisir une mort assistée dans la dignité".
Un sujet très sensible
Pour la ministre de la Santé Jane Philpott, "certains groupes vont juger que nous ne sommes pas allés assez loin et d'autres nous diront au contraire que nous sommes allés trop loin". "Cela souligne à quel point cette question est personnelle et sensible pour les Canadiens", a-t-elle estimé lors d'une conférence de presse.
Le sujet est tellement sensible que le parti libéral, majoritaire à la Chambre, ne va pas donner de consigne de vote, sauf aux ministres, même si le texte a de grandes chances d'être adopté.
Le débat doit être rapide car le temps presse : la Cour suprême a donné jusqu'au 6 juin au gouvernement pour adapter le code pénal à la Charte des droits et libertés. Il y a un peu plus d'un an, la Cour suprême avait autorisé l'aide médicale à mourir pour les adultes consentants atteints de problèmes de santé graves et irrémédiables et avait donné jusqu'à la fin du printemps cette année au nouveau gouvernement libéral pour se conformer à cette décision.