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Donner son corps à la science

Chaque année en France, entre 2.500 et 3.000 personnes font don de leur corps à la science, des corps indispensables pour la recherche et la formation des médecins.

La rédaction d'Allo Docteurs
Rédigé le , mis à jour le

Don du corps : comment fonctionne la conservation ?

Processus d'embaumement au laboratoire d’anatomie de Lille

En 2017, 3 400 personnes ont décidé d’offrir leur corps à la science, dont une centaine au laboratoire d’anatomie de Lille. Le processus de conservation commence dès l'arrivée du donateur dans la salle d'embaumement.

Différentes méthodes de conservation

Le sang est remplacé par un liquide chimique qui permettra de conserver le corps pendant plusieurs mois. Le médecin grave ensuite une plaque de métal pour identifier le donateur, un numéro est affecté à l’entrée et il suit le patient jusqu’à la sortie. Une fois embaumé, le corps est conduit dans une chambre froide où près de 40 de cadavres sont maintenus entre 0 et 4 degrés. Les numéros se retrouvent d’ailleurs sur chacune des housses, mais aussi sur des seaux blancs.
«  Si on est amené à disséquer certaines parties du corps et pour des raisons de manipulations, on ne peut pas les disséquer avec le corps entiers, à ce moment là la traçabilité est maintenue. On a toujours le numéro du corps qui accompagne la partie concernée jusqu’au bout du parcours. » explique Antoine Drizenko, professeur d'anatomie.

Mais la chambre froide n’est pas la seule option. Certains travaux de recherches nécessitent des méthodes de conservation différentes tel que l'embaumement à base de formaldéhyde, une substance qui va par exemple fixer le cerveau, le durcir afin de faciliter la dissection. Dans ces cas là, les corps sont immergés dans un bain qui comprend de l’eau, de l’alcool et un peu de formaldéhyde.

Respecter l'esprit du don

En plus de servir à la formation des étudiants, ces corps permettent aux médecins d’approfondir leurs connaissances  et aux chercheurs d’expérimenter de nouvelles techniques. Le tout pour apporter le meilleur soin possible aux patients. Un noble cadeau, que respectent les professionnels de santé.
« L’idée est de respecter bien évidemment à chaque étape l’esprit du don, c’est-à-dire de conserver présent à l’esprit qu’il s’agit de quelque qui a été vivant, qui nous fait don de son corps et pour lequel on doit avoir le même respect que pour un patient. »

Une fois les recherches et travaux terminés, la famille est prévenue et le corps incinéré. À Lille, le don est entièrement gratuit mais certains centres font payer des frais administratifs aux donateurs et des frais de transport aux familles. Les montants peuvent atteindre plusieurs centaines d’euros.

Don du corps : scandale à Paris Descartes

Depuis 70 ans, des médecins dissèquent des cadavres de donateurs. Ils se forment et se perfectionnent au centre du don des corps de l’université Paris-Descartes. Mais en novembre dernier, le journal l’Express révèle l’impensable. Les conditions de conservation des corps y seraient dignes du Moyen-Âge.

« Des cadavres par dizaines, au milieu d’un fatras indescriptible. Ici, un bras pend, décomposé. Là, un autre est abîmé, noirci, troué après avoir été grignoté par les souris. » 

"Certains sont pourris. Ça pue"

La journaliste cite un témoin : « Les cadavres sont conservés dans des conditions déplorables, il fait une chaleur épouvantable, certains sont pourris. Ça pue. On a le sentiment d’être au XIXe siècle. » 

Dans les chambres froides, inchangées depuis les années 50, les températures peuvent même atteindre 17 °C . 

Les personnes qui se retrouvent aujourd'hui ne se connaissaient pas, mais tous ont maintenant un triste point commun. Un père ou une mère ayant fait don de son corps à la science. Un corps certainement souillé au sein de l’université. Aujourd’hui, les mots de la journaliste continuent de les hanter. 

Les alertes ont été nombreuses

À Paris-Descartes pourtant, les alertes ont été nombreuses. En 2013, le directeur du Centre du don des corps a même réuni un comité d’éthique pour améliorer la situation. Le Pr Brigitte Mauroy en était la présidente : « On a travaillé au comité d’éthique pour établir un projet chiffré des locaux, des moyens indispensables… On a remis la totalité du projet au président Dardel dans le courant de l’année 2016 et puis après il ne s’est plus rien passé ! » 

Un an passe. Face à l’inertie de l’administration et sans réponse du président de l’université, Frédéric Dardel, tous les membres du comité d’éthique démissionnent.  

"C’est vrai que nous avons échoué"

« Moi ce qui me navre c’est que quelque part j’ai l’anatomie dans les gènes, et pour moi Descartes c’est toujours… ça devrait être ce qu’il y a de mieux pour l’anatomie en France et c’est vrai que nous avons échoué" », s’indigne Brigitte Mauroy. 

Des 28 centres français, celui de Paris-Descartes est le plus grand et le plus prestigieux. D’importantes innovations médicales y ont vu le jour. Le Pr Lantieri s’est notamment préparé, dans les années 2000, à réaliser les premières greffes du visage. Peu de temps avant les révélations de l’Express, le Pr Lantieri demande à l’université de réaliser de nouvelles dissections. Surprise, il doit désormais payer. Pourtant selon le droit français, le corps humain ne peut être monnayé.   

« On m’a demandé 950 hors taxe pour l’accès aux locaux pour faire la dissection + 900 euros par cadavre. Je suis carrément tombé de ma chaise. De recevoir un document dans lequel j’avais même un RIB pour pouvoir payer me paraissait sidérant. Donc je l’ai signalé, j’ai dit je ne paierai pas pour avoir accès au corps. Ca me paraît tout à fait inadapté. Il s’agit d’un corps humain, on leur doit le respect. Ces gens l’ont donné gratuitement, il n’y a pas de raison de faire de commerce dessus », s’indigne le Pr Laurent Lantieri, chirurgien plastique reconstructeur, à l’hôpital européen Georges-Pompidou, à Paris. 

24 familles ont porté plainte

Depuis la révélation de l’affaire, une enquête préliminaire a été ouverte pour atteinte à l’intégrité d’un cadavre. Un délit passible d’un an de prison et de 15000 euros d’amende. 24 familles ont porté plainte pour « atteinte au respect dû aux morts » et 8 autres familles déposeront plainte mi-mars. Tous, attendent une chose. 

« Que les personnes responsables soient condamnés déjà. Il faut qu’une Justice soit rendue à nos proches… Et ensuite oui, que ça ne se reproduise plus. Qu’une loi encadre le don des corps”, explique Christine Letellier, proche d’un défunt. 

L’université a présenté ses excuses aux familles et le centre du don des corps a été provisoirement fermé.

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