Greffe de moelle osseuse : un traitement pour éviter le rejet
Dans le domaine de la greffe, la menace du rejet par l'organisme du receveur de l'organe du donneur est bien connue. Mais lorsqu'une moelle osseuse est greffée, dans le cadre d'un cancer du sang, le risque est inversé. Ce sont les cellules sanguines et immunitaires du donneur qui peuvent agresser leur nouveau corps. Il s'agit de la maladie du greffon contre l'hôte. À Dijon, une équipe de chercheurs espère avoir trouvé une solution pour la contrôler.
La greffe de moelle osseuse s'est imposée pour Frédéric lorsque sa leucémie a rechuté en 2007. Faute de donneur parfaitement compatible, Frédéric a reçu du sang de cordon ombilical. Pour le guérir, cette greffe a tout changé : "Le groupe sanguin change, il y a tout qui change après. On n'est plus tout à fait la même personne. Avant j'étais A+, maintenant je suis O+. C'est la moelle, ça reconstruit… Ca repart de zéro de toute façon. Le fait d'être passé sous chimio, sous rayons, c'est vraiment pour détruire la moelle et repartir sur des nouvelles bases", confie-t-il.
Mais avec le sang de cordon ombilical, cette métamorphose immunitaire est plus complexe qu'avec une greffe classique. Depuis bientôt dix ans, Frédéric et son équipe médicale tentent de trouver le meilleur équilibre possible à l'aide de traitements anti-rejet : "Le patient va adopter grâce à des immunosuppresseurs un système immunitaire compétent qui va lutter contre sa leucémie. Mais c'est un peu complexe, il faut garder cette activité anti-leucémique et essayer de calmer le greffon, de le rendre tolérant, pour qu'il puisse produire tous les éléments du sang (plaquettes, globules rouges et système immunitaire) pour se défendre contre les infections", explique le Dr Fabrice Larosa, hématologue.
Mais malgré les traitements, le greffon s'est un jour retourné contre le corps de Frédéric. Et surtout contre les cellules de sa peau qu'il s'est mis à détruire. "Les organes les plus touchés initialement par cette réaction sont essentiellement la peau, le tube digestif et parfois un peu le foie dans les premières semaines de la greffe. On peut avoir des réactions très minimes qui nécessitent juste un peu de cortisone par la bouche, et puis parfois des réactions un plus agressives. Dans ce cas, on a besoin de fortes doses de corticoïdes et des modifications des traitements immunosuppresseurs pour ne pas mettre le patient en danger".
Les complications les plus menaçantes sont digestives avec des risques de déshydratation. L'espoir d'une solution viendrait de souris. Grâce à un nouveau traitement préventif de sept jours, leur greffe de moelle osseuse n'a pas abîmé leurs intestins, elles n'ont pas perdu de poids. "Ces souris ont eu une greffe de moelle. On les a traitées pendant sept jours en commençant le jour même, juste avant de faire la greffe. Et elles n'ont eu aucun rejet intestinal. Deux mois après, elles se portent bien", constate le Dr Carmen Garrido, directeur de recherche.
Cet espoir est issu d'une découverte réalisée un peu par hasard au cours de travaux sur une molécule de chimiothérapie. Les chercheurs ont constaté qu'à très faibles doses, elle provoquait une réaction de protection des cellules de la paroi de l'intestin. Elles créent une sorte de bouclier et peuvent donc se défendre si le greffon les attaque.
Des études sont actuellement en cours sur des biopsies de côlon pour déterminer la dose nécessaire chez l'homme. Un essai clinique de phase I pourrait bientôt commencer avec des patients greffés car cette molécule a déjà été validée à des dosages beaucoup plus élevés pour des chimiothérapies.