VIDEO - Première mondiale : greffe de trachée réussie pour douze patients français
Ces trachées artificielles, réalisées par le Pr Martinod de l'hôpital Avicenne (AP-HP), ont été réalisées à partir d'une aorte et d'un stent servant de tuteur.
Douze patients trachéotomisés peuvent aujourd'hui de nouveau respirer sans assistance grâce à une greffe de trachée artificielle. Cette technique inédite a été mise en place par le Pr Martinod de l'hôpital Avicenne (AP-HP). "Les organes artificiels (...) c'est vraiment ce qui va révolutionner la médecine", se réjouit ce dernier. Ces résultats ont été publié dimanche 20 mai dans le JAMA et présentés lors du congrès de la Société américaine à San Diego (États-Unis).
VIDEO - Greffe de trachée : une révolution médicale
Une trachée qui se régénère toute seule
Le choix de cette équipe a été de transformer des aortes, plus grand canal sanguin du corps humain, en trachées, un conduit du système respiratoire grâce à "l'ingénierie tissulaire". Les aortes avaient été prélevées sur des donneurs décédés, et cryogénisées (conservées à -80°C). Leur tissu a été greffé, en plus d'un "stent" (tuteur vasculaire), à la place d'une trachée préalablement retirée.
"On est allé de surprise en surprise, puisque dans un premier temps on a vu une régénération d'épithélium, qui est la couche la plus superficielle", décrit le Pr Martinod. "Et ensuite, ça, ç'a été la plus grosse surprise: (...) l'aorte s'est transformée en trachée", se mettant d'elle-même à assurer les fonctions respiratoires. "Ce n'est pas de la magie" mais "personne ne croyait vraiment à tout ça", ajoute-t-il. "Aujourd'hui la communauté scientifique pense qu'au lieu d'utiliser un bioréacteur externe [dispositif qui recrée des conditions biologiques], de faire tout en dehors du corps humain, il faut utiliser ce magnifique corps, qui est capable de réparer lui-même", relève le Pr Martinod.
Aucune complication grave à noter
L'équipe parisienne a attendu longtemps pour présenter les résultats d'opérations effectuées en 2009 et 2017. Sur 20 patients sélectionnés, atteints de cancer ou d'autres maladies, sept ont finalement bénéficié d'un traitement plus classique, sans greffe d'aorte.
Sur les 13 autres, cinq se sont vu reconstruire une trachée, sept des bronches souches (les plus proches de la trachée), et le dernier une carène trachéale (bifurcation entre bronches gauche et droite). A chaque fois à partir d'une aorte. "La mortalité à 90 jours a été de 5%. Il n'y a eu aucune complication grave liée au greffon ou au stent (...) La grande majorité des patients respire aujourd'hui à l'aide du greffon qui s'est transformé", résume l'AP-HP.
Les patients greffés se remettent au footing
Aujourd'hui, Éric Volery, 40 ans, peut témoigner de la prouesse. Greffé en 2011, il faisait partie de ces patients dits en "impasse thérapeutique". Atteint d'une sténose trachéale qui l'étouffait, il avait subi des opérations en vain, le laissant sans autre perspective que de respirer pour le restant de ses jours avec un trou sous la gorge.
"J'étais en arrêt-maladie. Je pouvais parler seulement en mettant le doigt sur la trachée", donc en apnée, se souvient-il. "Un médecin, renommé, de l'hôpital Nord [à Marseille] m'a dit, et ça m'a marqué: 'les amours et le travail, c'est fini Monsieur'".
Il avait tort. Éric Volery, lors de quatre ans de ce qu'il appelle "maintenance", a vu cette nouvelle trachée se régénérer d'elle-même. Et comme les autres patients, il a pu se faire enlever le stent. Il est en parfaite santé, appréciant par exemple de "courir 45 ou 50 minutes".