Quand des malades psychiques redonnent vie à un village
Depuis plus de vingt ans, à Mézin, commune rurale du Lot-et-Garonne, un établissement de service et d'aide par le travail (ESAT) accueille exclusivement des personnes souffrant de schizophrénie, d'autisme, de lourdes dépressions et autres troubles du comportement. Une réinsertion sociale et professionnelle qui a permis de relancer l'économie du village.
À Mézin, calme village du Lot-et-Garonne, des travailleurs s'activent. Une centaine de salariés parmi les 1.500 âmes de cette commune rurale, ont un point commun : la maladie mentale. Des horaires allégés leur permettent de travailler malgré la fatigue, l'humeur variable et les crises d'angoisse. "Il s'agit d'un milieu professionnel adapté qui permet de leur donner un rythme de travail avec des heures d'embauche, des heures de débauche, des week-ends. Ce sont des repères pour eux", explique Gérald Teyssou, moniteur d'atelier de l'ESAT "L'Essor".
À Mézin, l'arrivée de ces 110 nouveaux habitants a aussi permis de redonner vie au village qui se dépeuplait, année après année. Pour Alain-Paul Perrou, directeur et fondateur de l'ESAT, l'idée était de "relancer l'économie du village à partir de personnes en situation de handicap psychique". Et pour ce faire, il s'agissait de "remplacer les commerces qui avaient pu disparaître ou de l'artisanat pour rendre service à la population".
Petit à petit, grâce aux résidents de l'ESAT, Mézin a vu rouvrir sa cordonnerie, sa station service ou encore sa blanchisserie, où sont lavés, séchés et repassés plus de 600 kilos de linge par jour. Aujourd'hui, tout le monde y trouve son compte y compris les commerçants du village. Mais quand l'ESAT a ouvert ses portes en 1993 avec seulement trois malades, l'accueil n'a pas été si chaleureux comme le confie Jacques Lambert, maire de Mézin : "Au début, il y a eu quelques petits graffitis, les habitants se demandaient comme ça allait se passer… Mais ça n'a pas duré. L'ESAT a tout de même rapidement été accepté".
Intégrés, ces nouveaux habitants restent des malades psychiques, suivis par des psychiatres. Mais en cas de crise, ils peuvent trouver refuge dans un sas de décompression au cœur du village : la brocante. Et la méthode a fait ses preuves : "Nous nous sommes rendus compte au cours du temps que la brocante était un moyen efficace pour éviter l'hospitalisation. Et l'ensemble de la structure a permis à des personnes de baisser les traitements", souligne le directeur de l'ESAT. Et si travailler à Mézin ne guérit pas, cette expérience redonne aux malades une confiance en l'avenir.