Guerre 14-18 : Nicole Girard-Mangin, première femme médecin sur le front
"J'avais demandé le renfort d'un médecin, pas d'une midinette !" C'est par ces mots que Nicole Mangin est accueillie par un médecin capitaine lors de la Première Guerre mondiale. Pourtant, Nicole Mangin est bien médecin, elle est même la seule femme médecin de l'armée française à exercer dans les hôpitaux d'urgence du front. Elle affronte l'horreur de la guerre et le scepticisme de sa hiérarchie. Portrait.
Une plaque offerte par des Poilus en 1916 comme seul hommage officiel. Depuis, Nicole Girard-Mangin a été oubliée par l'Histoire. Pourtant elle est la seule femme médecin à exercer sur le front à Verdun pendant la Grande Guerre. Même si à l'origine, elle est mobilisée par l'armée en 1914 suite à un malentendu comme le souligne Catherine Le Quellenec, auteure de "Docteure à Verdun : Nicole Mangin" : "Son nom de jeune fille, c'est Nicole Mangin. Mais quand elle a épousé son mari, son nom est devenu Nicole Girard-Mangin. Il y aurait eu une erreur, les médecins militaires ont pensé qu'il s'agissait du Dr Gérard Mangin, donc que c'était un homme". Mais face aux médecins militaires, Nicole Mangin ne se dérobe pas.
Nicole Mangin est une femme de caractère. Mère d'un petit garçon, elle divorce et décide de reprendre ses études de médecine. Une fois diplômée, à l'hôpital Beaujon, elle se consacre à la recherche sur la tuberculose et le cancer. Et en 1916, le docteur Nicole Mangin a du pain sur la planche. On l'envoie dans un endroit tranquille lui dit-on, ce sera Verdun où le conflit va s'enliser. Dans les hôpitaux militaires, on ne s'attend pas alors à voir débarquer une femme médecin.
Mais Nicole Mangin n'a que faire du regard parfois sceptique de ses collègues. D'abord cantonnée aux soins légers et au tri des blessés, elle va très vite montrer l'étendue de ses compétences et gagner ses galons comme le rappelle Catherine Le Quellenec : "Elle a assisté des médecins, des docteurs puis des chirurgiens. Et ensuite elle est devenue complètement autonome au niveau de la chirurgie. Elle avait même deux ou trois médecins sous ses ordres et des infirmières".
Les chirurgies sont lourdes : éclats d'obus en plein visage, amputations des bras, des jambes… Les médecins doivent s'adapter à ces nouvelles blessures de guerre. Nicole Mangin assure sa mission. Avec son ambulance, elle brave même les pluies des mitraillettes et se rend au plus près des blessés qui voient en elle un peu plus qu'un médecin.
Elle finit par quitter la Meuse en 1916 avec son chien Dun, en référence à Verdun, qui l'a accompagné pendant les deux années passées au front. De retour à Paris, elle dirige alors l'hôpital Edith Cavell où elle forme des infirmières. Mais après la guerre, en 1919, alors qu'elle doit donner une série de conférences à l'étranger, on la retrouve morte dans son appartement parisien. Elle a absorbé une forte dose de médicaments. "Le fait qu'on l'ait oubliée est une injustice extraordinaire. C'est même assez honteux et ce n'est pas juste", confie Catherine Le Quellenec.