Histoire de la médecine : les progrès de l'anesthésie
Imaginez : vous n'êtes pas conscient, vous ne pouvez plus bouger, vous ne sentez plus rien... Pourtant vous ne dormez pas et vous n'êtes pas mort. Vous êtes sous anesthésie générale. Le chirurgien s'occupe de vous, mais vous ne souffrez pas. Malheureusement cela n'a pas toujours été le cas. Il fut un temps où les opérations pouvaient être un vrai supplice. Retour sur l'histoire de l'anesthésie.
Aujourd'hui, l'anesthésie générale est une combinaison précise de produits élaborés et surtout bien dosés. C'est aussi tout un arsenal d'appareils de surveillance de haute technologie mis au service du patient. "L'anesthésie est adaptée au cas de chaque patient en permanence, chaque minute, en fonction des gestes opératoires faits par les chirurgiens", explique le Dr Sophie Di Maria, médecin anesthésiste.
Sécurité, confort et surtout zéro douleur... Des conditions optimales qui n'ont pas toujours existé. Dans l'Antiquité, pour soulager un patient lors d'une chirurgie, on utilise surtout des plantes : pavot, mandragore, cannabis… Présentées sous forme de décoction, leur efficacité est très relative et les accidents nombreux.
Autre méthode plus radicale pratiquée par certains médecins : l'étranglement. "On retrouve des techniques pour faire les circoncisions où on comprimait les carotides. Et en comprimant la carotide, on coupe l'afflux de sang dans le cerveau, et cela entraîne une perte de connaissance. On peut alors réaliser la circoncision qui est un geste extrêmement bref", raconte le Dr Jean-Bernard Cazalaà, président du Club français de l'histoire de l'anesthésie réanimation.
Au XVIe siècle, la lèpre ou les blessures de guerre obligent les chirurgiens à amputer certains patients. L'opération est un supplice. C'est alors qu'un anatomiste français, Ambroise Paré, met au point la méthode de la compression : "À la racine des membres, il comprime les vaisseaux et les nerfs. Et il faisait des amputations de cuisses, de jambes ou de bras par cette méthode. Mais cette méthode marchait extrêmement mal", précise le Dr Jean-Bernard Cazalaà.
Ce n'est qu'à partir du XIXe siècle que des substances efficaces sont enfin découvertes. En 1846, Morton, un dentiste américain, décide d'utiliser l'éther pour l'ablation d'une tumeur dans le cou d'un jeune patient. Et les résultats sont remarquables. Ether, protoxyde d'azote, chloroforme... pour se servir de ces nouvelles substances, on utilise alors des compresses imbibées ou des masques de plus en plus perfectionnés comme l'Ombrédane. Mais les produits sont encore mal dosés, et dans certains cas ils provoquent la mort.
À partir de la Seconde guerre mondiale, l'anesthésie connaît un nouveau tournant comme l'explique le Dr Cazalaà : "De nouveaux médicaments comme les barbituriques apparaissent. Des médicaments que l'on va employer pendant trente ans. Et en 1942, il y a la première utilisation en clinique du curare". Le curare provoque un relâchement musculaire de tout le corps. Il permet au chirurgien d'opérer plus facilement. Problème : les poumons, eux aussi, s'arrêtent de fonctionner. Il faut donc ventiler. D'abord manuellement, puis progressivement des machines de plus en plus sophistiquées prennent le relais notamment le célèbre appareil d'Engstroem.
Avec cette machine apparaissent les appareils de surveillance. Et pendant cinquante ans, ils se perfectionnent. Aujourd'hui tout est contrôlé : tension, température, rythme cardiaque, activité cérébrale… Le risque de décès dû à une anesthésie est désormais quasiment nul.