"Ségur de la santé" : encore un plan sans réel impact sur l’hôpital ?
Le ministre de la Santé Olivier Véran a annoncé le lancement d’un "Ségur de la santé" qui portera notamment sur le temps de travail et les salaires. Mais les syndicats s’inquiètent d’un plan dépourvu de mesures concrètes.
"Augmenter les rémunérations" et créer un "cadre beaucoup plus souple" au temps de travail. Voici les grandes lignes du plan pour l’hôpital que le ministre de la Santé Olivier Véran a annoncé le 17 mai.
Il assure en effet qu’un "Ségur de la santé" sera lancé le 25 mai, avec une "grande réunion multilatérale des partenaires sociaux au ministère" afin de présenter un plan "cet été, pour traduire tout ce qui peut l'être dans le prochain budget de la sécurité sociale".
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"Quelle est la vraie volonté de négociation ?"
Mais les représentants du secteur sont d’ores et déjà inquiets et craignent un énième plan sans impact réel sur les salaires des personnels. "On se pose des questions dans la mesure où on a appris les choses par la presse" relève Thierry Amouroux, secrétaire général du Syndicat national des professionnels infirmiers invité du Magazine de la Santé le 18 mai. "Quelle est la vraie volonté de concertation, de négociation ? Est-ce que ce n’est pas simplement nous réunir dans une pièce pour nous dire « voilà ce qu’on a décidé » ?" s’interroge-t-il encore.
Pour Patrick Pelloux, président de l'Association des médecins urgentistes de France interrogé par l’AFP, ces annonces visent seulement "à calmer une contestation que le gouvernement sent monter en puissance dans les hôpitaux". Selon lui, "ils savent qu'une bombe sociale risque d'exploser dans les hôpitaux, très populaires auprès des Français".
Repenser les 35 heures à l’hôpital
Pour le moment, les détails de ce plan n’ont pas été dévoilés. En ce qui concerne le temps de travail, le ministre de la Santé a simplement annoncé vouloir repenser les 35 heures, en assurant que "la question n’(était) pas de déréglementer le temps de travail". "Il ne s'agit pas d'obliger des gens à travailler davantage, mais de créer un cadre beaucoup plus souple pour permettre à ceux qui le souhaitent de le faire, ou d'organiser leur temps de travail différemment. Sans pression", a précisé Olivier Véran.
Autrement dit, "si des salariés de l'hôpital souhaitent travailler davantage et augmenter leur rémunération, il faut que ce soit possible", estime-t-il. Problème, pour Thierry Amouroux : "on est déjà à 38 ou 37 heures pratiquement partout. Le différentiel se traduit par des jours de RTT que l’on a sur des compteurs mais que l’on ne peut pas prendre par manque de personnel. L’AP-HP, par exemple, doit plus d’un million de jours à ses 77.000 agents."
Quelle revalorisation des salaires et en combien de temps ?
Autre point à discuter : celui des revalorisations des salaires. Le syndicat national des professionnels infirmiers notamment, demandait un alignement du salaire infirmier moyen en France avec celui de l’Europe, soit "un différentiel de 300 euros par mois".
Si le ministre parle bien d’une hausse des salaires, les modalités ne sont pas encore connues. "Est-ce qu’on va aboutir à cette somme (de 300 euros, ndlr) et sur combien de temps ?" demande Thierry Amouroux. "Si on nous dit qu’on aura 15 euros de plus par mois cette année, puis 15 de plus l’an prochain, cela peut durer longtemps" commente-t-il, avant de se souvenir : "la dernière fois que nous avons été revalorisés, entre 2010 et 2020, nous avons eu 150 euros de plus sur 10 ans. Mais nous avons perdu 12% en termes de pouvoir d’achat étant donné le coût de la vie et l’augmentation des charges sociales dans le public."
Dans tous les cas, quelle que soit la somme versée, le ministre reconnaît qu’il faudra "de l'argent nouveau". "C'est nécessaire, il n'y a pas d'argent magique, il faudra donc faire des choix".
Réouverture de lits et création de postes
Dernière demande des syndicats : une réouverture des lits et une création de postes. Malheureusement, à l’heure actuelle, "il n’est pas du tout question de création de postes dans le plan" déplore Thierry Amouroux.
Quant à la réouverture de lits, "on a vu à quel point c’était important au travers de l’épisode du Covid-19 mais l’actualité de ces derniers jours inquiète", constate le secrétaire général. Au CHU de Saint-Etienne, par exemple, "les personnels ont dû se mobiliser le 14 mai pour empêcher la direction de fermer des services" raconte-t-il, avant de conclure : "la réalité sur le terrain est très dure, dès la fin de la première vague du Covid."
Une journée de mobilisation le 16 juin
"Je ne vois rien de concret dans ces annonces", résume de son côté Patrick Pelloux, appelant à "écouter les personnels, au lieu de venir comme le fait Emmanuel Macron à La Salpêtrière (lors d'une visite vendredi, ndlr) comme Louis XVI allait rencontrer la noblesse".
Mireille Stivala, secrétaire générale de la CGT Santé, attend quant à elle "une négociation avec un cadre précis et un calendrier qui permette de consulter les personnels". Elle rappelle que le ministre n'a cité que les infirmiers, alors que "les personnels administratifs, les aides-soignants, les manipulateurs radios, les agents de blanchisserie ou des repas sont tout aussi concernés et ceux-là, on n’en parle jamais".
Plusieurs syndicats et collectifs hospitaliers ont assuré le 18 mai maintenir la perspective d'une "journée de mobilisation" le 16 juin, disant vouloir "maintenir la pression" sur le gouvernement. "Il y a un début de mea culpa" mais "il ne faut pas qu'on parte dans un grand débat qui dure des mois et des mois", a d’ores et déjà prévenu Olivier Milleron, du collectif Inter-Hôpitaux, réclamant un "geste rapide" sur les salaires de "l'ensemble des personnels hospitaliers".