Quand l'excès d'hygiène nous rend malade
Un des points communs entre les allergies alimentaires ou respiratoires et les maladies auto-immunes (diabète, sclérose en plaques...) est leur forte croissance notamment dans les pays dits développés. Par exemple, les allergies concernent près d'une personne sur cinq. Autre point commun, elles sont toutes liées à un dysfonctionnement du système immunitaire. Il est difficile d'expliquer pourquoi ces maladies augmentent autant. En France, une équipe a toutefois une hypothèse : celle de la théorie hygiéniste. Explications.
Près d'un enfant sur quatre souffre d'allergie. Une maladie qui n'a de cesse de progresser depuis vingt ans. Alimentaire, respiratoire, animale… les origines en sont presque aussi nombreuses que les symptômes. "Beaucoup de patients ont des pathologies allergiques. Beaucoup d'enfants ont des pathologies allergiques très variées qui vont des atteintes de la peau à l'asthme, à la rhinite et aux allergies alimentaires bien sûr. Mais on ne sait pas bien pourquoi il y a cette augmentation des maladies allergiques", constate le Dr Guillaume Lezmi, pédiatre allergologue.
Dans les pays développés, l'allergie est loin d'être la seule maladie qui gagne du terrain. D'autres maladies auto-immunes comme le diabète de type 1 sont elles aussi de plus en plus fréquentes sans qu'on sache pourquoi. Dans un laboratoire parisien, on a peut-être une explication. Ici, les germes, virus, parasites, bactéries ou infections ne sont pas les bienvenus.
Les précautions prises (stérilisation…) n'ont pas pour objectif de protéger les souris contre les maladies mais plutôt de les contraindre à le rester. Car quand elles vivent dans une atmosphère propre, ces souris développent spontanément un diabète de type 1 maladie sur laquelle travaille le laboratoire. Sauf qu'en 1992, un parasite s'est faufilé : "Du coup, en l'espace d'une génération, le pourcentage de diabète a diminué de 90% à 50-60% et ça continuait de diminuer. En décontaminant ces souris, en une génération uniquement, le pourcentage de diabète est revenu à 90%", raconte le Pr Lucienne Chatenoud, immunologiste.
À l'époque, c'est le professeur Jean-François Bach qui dirige le laboratoire. Il croise cet épisode malheureux avec un autre constat : "Les maladies auto-immunes et allergiques (diabète, sclérose en plaques…) ont en commun une hyperactivité du système immunitaire". Et après des années de recherche, il comprend le mécanisme : "Il y a une compétition chez l'homme entre les réponses immunitaires contre les antigènes forts que ce sont ceux des agents infectieux et les antigènes plus faibles que sont les antigènes, les molécules à l'origine des allergies et des maladies auto-immunes. Si la réponse contre les infections diminue car il y a moins d'infections, cela va faire remonter la réponse contre les allergènes et contre les auto-antigènes, c'est-à-dire la maladie allergique et auto-immune", explique-t-il.
Mais impossible d'aller se frotter à la tuberculose pour éviter de devenir allergique ou diabétique. Le Pr Lucienne Chatenoud essaie donc d'enfermer la bonne bactérie dans un médicament : "Il s'agit d'un composé de neuf souches de bactéries qui sont des bactéries qui infectent de façon habituelle le tractus respiratoire humain lorsqu'il y a des problèmes". Et quand on mélange ces bactéries à la nourriture des souris, le pourcentage de souris diabétiques chute de 80 à 20% et elles développent la maladie beaucoup plus tard. "Nous l'avons aussi utilisé dans des modèles d'allergies et ça prévient aussi de l'allergie. On pourrait si on apprenait à mieux comprendre quelle(s) est la molécule ou les molécules importantes au sein de ces extraits, les purifier, en faire de vrais médicaments qui seraient de vrais médicaments préventifs que l'on pourrait par exemple donner à tous les bébés et prévenir de manière efficace l'allergie et l'auto-immunité mais cela constitue un rêve. On n'y est pas encore", souligne le Pr Chatenoud. Un rêve qui pourrait tout de même soigner une bonne partie de l'humanité.