Je n'ai pas de médecin traitant… C'est grave docteur ?
De plus en plus de médecins refusent les nouveaux patients. Quelles conséquences cela peut-il avoir sur le suivi médical, mais aussi sur les remboursements de la Sécu ? Quelles sont les solutions pour les patients ?
Trouver un médecin traitant relève de l'exploit, et ça ne concerne pas que les déserts médicaux ! L’UFC-Que Choisir a mené l’enquête le mois dernier et les chiffres sont alarmants, près d’1 généraliste sur 2 (44%) refuse de nouveaux patients en tant que médecin traitant.
S’ils refusent, c’est parce qu’ils sont débordés. Les généralistes travaillent en moyenne 54h/semaine.
Ça ne sert effectivement à rien d’accepter d’être médecin traitant quand on sait qu’on n’arrivera pas à trouver de créneaux de rendez-vous rapides pour ses nouveaux patients ou qu’on part à la retraite.
Combien de Français n’ont pas de médecin traitant déclaré ?
On estime que près d’1 assuré sur 10, presque 6 millions de personnes n'ont pas de médecin traitant déclaré. Certains assurés n’en déclarent pas parce qu’ils ne voient pas l’intérêt, comme par exemple des jeunes en bonne santé qui vont peu chez le médecin mais ce n'est pas la majorité. Les autres n’ont pas de médecin traitant parce qu’ils n’en trouvent pas. Ça ne concerne pas que les zones rurales, en ville aussi il y a des déserts médicaux. Il suffit d’aller jeter un œil sur les forums pour voir que c’est un sujet de préoccupation quelle que soit la région.
Voici quelques témoignages :
"Cela fait plus d’un an que je cherche à remplacer mon médecin qui est parti en retraite. Depuis, j’ai fait tous les médecins généralistes d’Alençon et même ses alentours" ! A chaque fois, les mêmes sempiternelles réponses "Nous ne prenons plus de nouveaux patients" (…)
"En ce moment j’ai le bras dans le plâtre avec une quadruple fracture, je dois absolument en trouver un pour ma reprise du travail".
"Ma famille et moi venons d’arriver dans une autre région pour des raisons d’emploi mais AUCUN médecin ne prend de nouveaux patients et j’ai même essuyé des refus ce matin pour mon fils malade, je vais être obligée de l’emmener aux urgences (ce qui n’est pas la vocation des urgences !). Je suis désespérée !" Des témoignages comme ceux la, il y en a des dizaines…
Quelles sont les conséquences ?
Ce sont des patients qui risquent d’être moins bien suivis… Le médecin traitant, ça n’est pas obligatoire mais c’est vraiment le référent , c’est lui qui vous connaît le mieux, il tient à jour votre dossier médical, il coordonne le parcours de soins, il vous oriente vers un spécialiste si besoin, il centralise les avis des autres soignants… Il est aussi censé assurer la prévention (tabac, alcool, vaccination…) et le dépistage (ex : cancer colorectal). Il joue un rôle clé pour les patients qui sont en ALD, c’est lui qui établit le protocole de soins. Bref ne pas avoir de médecin traitant peut avoir des conséquences non négligeables sur son état de santé.
Des conséquences aussi pour le portefeuille…
Les patients sans médecin traitant déclaré sont pénalisés sur leurs remboursements Sécu.
Concrètement, pour une consultation chez un généraliste, si vous allez voir votre médecin traitant, la consultation coûte 25€ (secteur 1) et l’Assurance maladie vous rembourse à hauteur de 70%, soit 16,50€ (-1€ de participation forfaitaire incluse). Par contre, si vous n’avez pas de médecin traitant déclaré, le remboursement tombe à 30%, c’est-à-dire 6,50€, (les mutuelles ne remboursent pas le surcoût). C’est le même problème si vous ne respectez pas le parcours de soins coordonné, c’est-à-dire si vous allez voir un spécialiste sans avoir été orienté par votre médecin traitant, vous serez remboursé à hauteur de 30% au lieu de 70%.
Il existe quelques exceptions…
Il y a certains spécialistes que vous pouvez consulter en accès direct, sans être obligé de passer par votre médecin traitant avant. C'est le cas des gynécos, ophtalmos, psychiatres (que pour les 16-25 ans) et les stomatologues. On pourrait se dire que si on n’a pas de médecin traitant, ce n'est pas grave, on peut aller voir ces médecins-là sans être pénalisé sur le remboursement. Et bien non, vous ne pouvez les consulter directement que si vous avez un médecin traitant déclaré, sinon, là encore, votre taux de remboursement passera de 70 à 30%. Or on sait très bien que l’aspect financier est le principal facteur de renoncement aux soins. Il est donc indispensable d’avoir un médecin traitant…
Que faire si on ne trouve pas de médecin traitant ?
Il faut d'abord anticiper, si votre médecin traitant vous annonce qu’il part à la retraite, n’attendez pas le dernier moment pour faire le tour des cabinets près de chez vous et n’hésitez pas à insister. Vous pouvez changer de médecin traitant à tout moment, sans aucune justification. Il faut savoir aussi que tous les médecins peuvent remplir ce rôle (s’ils acceptent) : généralistes, mais aussi spécialistes, secteur 1, secteur 2, médecins salariés d’un centre de santé ou encore hospitaliers. N’hésitez pas à consulter l’annuaire santé d’Ameli annuairesante.ameli.fr pour trouver tous les médecins qui exercent près de chez vous. Si sous souffrez d’une maladie chronique, diabète ou asthme par exemple, cela peut être judicieux de choisir votre diabétologue ou pneumologue comme médecin traitant.
Si tous les médecins refusent, quelles sont les solutions ?
Il faut saisir le médiateur de votre CPAM. Pour ça, rdv sur le site ameli.fr, il y a un modèle de document à remplir. Vous devez expliquer votre situation et indiquer le nom de tous les médecins que vous avez déjà contactés et qui ont refusé. Ensuite, il faut envoyer ce document par courrier à votre CPAM.
Le médiateur est censé vous contacter rapidement pour vous aider à trouver une solution et tant que le problème n’est pas réglé, vous pouvez consulter un autre généraliste sans être pénalisé sur le remboursement ou alors bénéficier d’une téléconsultation si c’est urgent.
Ne vous attendez pas non plus à un miracle… Le médiateur a l’avantage de connaître tous les praticiens de votre secteur (même ceux auxquels vous n’auriez pas pensé) mais il n’a absolument pas le pouvoir d’obliger un médecin à devenir votre médecin traitant. La situation n’est pas près de s’arranger : dans les 5 ans qui viennent, on devrait perdre 6.000 généralistes (retraites non compensées).