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Antibiotiques : lutter contre la résistance des bactéries

"Les antibiotiques, c'est pas automatique", faut-il le rappeler ? Le niveau de consommation de la France reste l'un des plus élevés d'Europe. Devenue une question de santé publique, l'utilisation des antibiotiques en France se doit d'être raisonnée pour lutter contre l'antibiorésistance et préserver l'efficacité des antibiotiques.

La rédaction d'Allo Docteurs
Rédigé le , mis à jour le

Qu'est-ce que les antibiotiques ?

Marina Carrère d'Encausse et Michel Cymes expliquent l'utilisation des antibiotiques

Angine blanche, infection urinaire, pneumonie... Toutes ces pathologies ont un point commun : elles se soignent avec des antibiotiques. Mais jusqu'à quand ? Prescrits massivement pendant longtemps, souvent à tort, les antibiotiques ont révolutionné la médecine mais ils sont devenus au fil du temps moins efficaces. Et les conséquences sont graves. En France, chaque année, on recense près de 125.000 infections et 5.500 décès liés à l'antibiorésistance. Ses victimes sont en priorité les enfants de moins d'un an et les personnes âgées de plus de 65 ans.

Les antibiotiques sont des substances chimiques produites par des micro-organismes, le plus souvent un champignon. Il existe aussi des antibiotiques de synthèse. Tous ont la même cible : les bactéries responsables de certaines maladies. Cet ennemi microscopique nous surpasse en nombre : 7.300 espèces différentes sont présentes dans l'air, l'eau et la terre. Il faut donc un véritable arsenal pour les contrer. 

Plus de 10.000 molécules antibiotiques réparties en une dizaine de familles ont vu le jour depuis la découverte de la pénicilline par Fleming en 1929. Leur mode d'action est de bloquer ou tuer les bactéries. Par exemple, la pénicilline, comme tous les antibiotiques de la famille des bêta-lactamines, détruit les bactéries en ciblant la paroi protectrice (action bactéricide).

D'autres antibiotiques vont simplement bloquer leur multiplication (action bactériostatique). C'est le cas de la famille des macrolides (par exemple : l'érythromycine). Mais les antibiotiques peuvent avoir d'autres modes d'action.

Histoire des antibiotiques

Minute Docteur : qui était Alexander Fleming ?  —  Le Mag de la Santé - France 5

Le premier antibiotique, identifié dès la fin du XIX siècle par Ernest Duchesne, fut la pénicilline. Ses propriétés furent redécouvertes en 1918 par Sir Alexander Fleming qui s'aperçut que certaines de ses cultures bactériennes dans des boîtes oubliées avaient été contaminées par les expériences de son voisin de paillasse étudiant un champignon : le penicillium. Mais l'importance de cette découverte, ses implications et ses utilisations médicales ne furent comprises et élaborées qu'après sa redécouverte, entre les deux grandes guerres. Les antibiotiques ont augmenté l'espérance de vie d'environ 15 ans, à ceux qui y ont accès.

Au départ, les antibiotiques sont des moyens de défense pour lutter contre les bactéries. Ils n'ont donc aucun effet sur les autres germes, comme les virus, les parasites ou les champignons. Mais plus on utilise d'antibiotiques, plus les bactéries ont l'occasion de trouver un moyen de leur résister.

Pendant de nombreuses années, les progrès pharmaceutiques ont permis de contourner ces résistances, grâce à des nouvelles molécules. Mais ces dernières restent rares, la maîtrise de la résistance devient ainsi un enjeu majeur de santé publique.

Le bon usage des antibiotiques

En médecine de ville, un pneumocoque sur deux serait aujourd'hui résistant à la pénicilline, alors qu'ils y étaient largement sensibles il y a quinze ans. Il faut donc faire appel à une antibiothérapie de plus en plus lourde, notamment pour la prise en charge des infections de l'oreille moyenne chez l'enfant.

La France connaît depuis la fin des années 1970 une augmentation des staphylocoques dorés résistants à la pénicilline dans les établissements de santé. Les pouvoirs publics connaissent bien sûr l'enjeu de la lutte contre les résistances. 

L'Institut national de veille sanitaire a d'ailleurs mis en ligne, sur son site Internet, des données actualisées sur l'état des résistances. L'intérêt est d'aider les médecins à adapter leurs prescriptions et à s'orienter vers les antibiotiques les plus efficaces.

Angine : les antibiotiques pas automatiques

Les signes cliniques de l'angine ne montrant aucune différence entre une origine virale ou bactérienne, les médecins ont longtemps prescrit des antibiotiques par mesure de précaution. Cette démarche a suscité deux problèmes : des dépenses de santé élevées et non justifiées, ainsi qu'une augmentation de la résistance des bactéries aux antibiotiques. L'Assurance-maladie a donc réagi en lançant la fameuse campagne "Les antibiotiques, c'est pas automatique".

Les patients ayant bien compris qu'il ne servait à rien de demander des antibiotiques, c'est désormais aux médecins de jouer le jeu.

Pour orienter leur prescription en cas d'angine, les médecins peuvent réaliser un test de diagnostic rapide de l'angine. Très rapide, ce test permet d'établir l'origine virale ou bactérienne de l'angine et donc, d'éviter les complications graves qui peuvent en résulter. Il est remboursé par la Sécurité sociale et les médecins peuvent se le procurer facilement auprès des caisses primaires d'assurance-maladie. Mais en pratique, seul un tiers des médecins généralistes l'utilisent régulièrement. Ce test, gratuit pour les médecins, coûte 0,79 euros l'unité à l'Assurance maladie. Un temps arrêté à cause de la pandémie de civid, ce test peut à nouveau être pratiqué dans les pharmacies (depuis le 1er juillet 2021). 

Antibiotiques : quand les bactéries font de la résistance

Dans leur milieu naturel, les bactéries savent faire face aux agressions.

Au fil des divisions cellulaires et des mutations (mais aussi de certains échanges avec d'autres bactéries) sont apparus différents mécanismes de défense. Certains d'entre eux les protégent contre les antibiotiques :

1- Le mécanisme de résistance le plus efficace est la destruction, c'est-à-dire la désactivation de l'antibiotique par des enzymes produites par la bactérie.
2- Une mutation peut également avoir modifié le profil de la cible de l'antibiotique (cible moléculaire). Le médicament ne peut plus s'y fixer, et n'est donc plus inefficace.
3- La membrane de la bactérie peut être devenue moins perméable. L'antibiotique ne peut alors plus pénétrer dans cette bactérie.
4- Dernière "parade" : l'efflux. Le traitement est refoulé à l'extérieur de la bactérie grâce à un système comparable à celui d'une pompe. 

Grâce à ces stratégies, une bactérie peut même se défendre contre plusieurs antibiotiques. On dit alors que la bactérie est multirésistante. Un phénomène qui inquiète le corps médical, certaines maladies étant devenues difficiles à traiter. 

La solution pour limiter l'émergence et la dissémination de nouvelles résistances, reste de prescrire moins d'antibiotiques et de choisir les molécules les plus adaptées, car aujourd'hui la situation est alarmante. Près de 25.000 personnes décéderaient chaque année en Europe, faute d'antibiotique efficace.

Des ciseaux moléculaires pour combattre l'antibiorésistance

La résistance aux antibiotiques est devenue un enjeu majeur, sur lequel planchent les scientifiques du monde entier. Des chercheurs français explorent une piste prometteuse, celle des ciseaux moléculaires.

L'antibiorésistance est un fléau mondial. Les bactéries résistantes aux antibiotiques pourraient faire dix millions de morts par an dans le monde d'ici trente ans. Il y a donc urgence à trouver une solution. Pour combattre ce fléau, des scientifiques français sont partis d'une découverte majeure faite il y a près de dix ans : les ciseaux moléculaires. Il s'agit d'une enzyme capable de s'insérer dans le noyau d'une cellule pour découper son ADN et ainsi modifier ses gènes.

Les chercheurs ont découvert qu'ils pouvaient utiliser les ciseaux moléculaires pour éliminer les bactéries résistantes. "Une fois que l'on met en présence les bactéries avec les ciseaux moléculaires, ils rentrent à l'intérieur de la bactérie, ils scannent tout le génome de la bactérie et dès qu'ils vont rencontrer un gène de résistance aux antibiotiques, ils vont couper l'ADN et la bactérie va mourir", explique Igor Stzepourginski, chef des opérations précliniques à Eligo Bioscience.

En d'autres termes, le ciseau moléculaire cible uniquement les bactéries résistantes, ce qui présente un avantage supplémentaire par rapport aux traitements actuels. Les effets secondaires des antibiotiques comme les diarrhées et autres troubles digestifs pourraient aussi être évités. Pour le moment, ce nouveau traitement a prouvé son efficacité in vitro. Une étude de 2021 confirmait leur intérêt, concluant que des tests chez l'être humain, à plus grande échelle, étaient nécessaires.

Le recours aux phages

Contre les bactéries résistantes aux antibiotiques, une nouvelle technique est porteuse d'espoir. Celle des phages, ou bactériophages, des virus qui n'infectent que les bactéries. Ils sont naturellement présents dans notre environnement en grand nombre : ils seraient 1034 sur Terre.
Ces virus injectent leur ADN dans les bactéries pour s'y multiplier, les détruire et augmenter ainsi l'effet des antibiotiques.

En France, seuls quelques phages sont à ce jour fournis par des industriels ou certains hôpitaux. Une fois identifié comme efficace contre une bactérie en particulier, le phage peut être utilisé chez les patients seul, en association avec des antibiotiques ou d'autres phages.

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