Pénuries de médicaments: Agnès Buzyn propose plus d'information et de coordination
La ministre de la Santé a dévoilé lundi 8 juillet ses pistes pour lutter contre la pénurie de médicaments. Elle entend mobiliser tous les acteurs de la chaîne du médicament.
Line, 81 ans, atteinte de la maladie de Parkinson depuis 23 ans, prend du Sinemet depuis une dizaine d'années. La pénurie qui a touché le médicament antiparkinsonien pendant des mois, avant que son site de production ne soit changé, l’a plongée dans l’angoisse. "On est complètement dans l’ignorance de ce qui se passe. Ce médicament, on en a besoin. Si on n'en a pas, on ne peut qu'attendre la mort et puis c'est tout, témoignait-elle en novembre dernier dans le Magazine de la Santé. Parce qu'il nous aide à ce que la maladie se développe moins vite. Moi, ma hantise c'est de me retrouver dans un fauteuil roulant." Le Sinemet corrige les principaux symptômes des malades parkinsoniens et constitue un médicament essentiel dans la maladie.
"Meilleure gestion du circuit du médicament"
Devant le préjudice causé aux malades par la multiplication des pénuries ces dernières mois, les autorités réagissent. La ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a dévoilé lundi 8 juillet les grandes orientations qu’elle compte donner à la lutte contre la pénurie de médicaments.
Elles reposent sur un meilleur partage de l'information et une meilleure gestion du "circuit du médicament", du fabricant jusqu'à à la pharmacie. Ces grandes orientations constituent "un point de départ" et seront enrichies des propositions des acteurs concernés, pour aboutir à un plan définitif en septembre, précise Agnès Buzyn dans le document présentant cette feuille de route.
"Plus d'un Français sur quatre affirme aujourd'hui avoir été en difficulté pour acheter un médicament courant. Entre 2008 et 2018, c'est près de vingt fois plus de pénuries signalées", avait souligné la ministre de la Santé fin mai.
Transparence et information
Le premier axe de ce plan provisoire vise à "promouvoir la transparence et la qualité de l'information", en généralisant par exemple la plateforme qui permet aux pharmaciens de signaler les ruptures d'approvisionnement au laboratoire concerné.
La feuille de route propose aussi "des actions ciblées et adaptées à chacun des acteurs du circuit du médicament", telle que la possibilité donnée par la loi Santé au pharmacien de "remplacer le médicament indisponible initialement prescrit par un autre médicament", lorsque la pénurie concerne un "médicament d'intérêt thérapeutique majeur".
Elle prône également davantage de "coopération européenne", en poursuivant "les discussions sur l'achat groupé notamment de vaccins essentiels au niveau européen" et un "partage d'information concernant les situations et les causes des pénuries à l'échelle de l'Europe".
Autre annonce : un comité de pilotage sera créé pour assurer la mise en oeuvre de ces mesures, associant l'Agence du médicament (ANSM) et "l'ensemble des acteurs concernés" (laboratoires pharmaceutiques, grossistes, associations de patients, etc.)
Les bonnes intentions des industriels du médicament
En février, le secteur pharmaceutique a publié un "plan d'actions" pour tenter de trouver des solutions à ce problème qui ternit son image. Présenté par le Leem, la fédération française des industriels du médicament, ce plan propose notamment de définir un ensemble de "médicaments d'intérêt sanitaire et stratégique" pour lesquels des mesures de gestion de pénurie (stocks de sécurité mobilisables, suivi plus précoce des stocks, etc.) devraient être renforcées.
Cette recommandation figurait également dans un rapport du Sénat sur le sujet, publié en octobre.
Des recommandations ambitieuses déjà émises par le Sénat
Ce rapport avançait 30 propositions pour prévenir les pénuries. Parmi elles, une semble retenue par le gouvernement : créer un programme public de production et de distribution de médicaments "essentiels" ou grouper des achats de vaccins au niveau européen.
Mais le rapport du Sénat préconisait également de renforcer les moyens financiers de la pharmacie centrale des armées et de l'agence générale des équipements et produits de santé (Ageps), des structures publiques capables de produire des médicaments indispensables voués à un retrait du marché ou régulièrement exposés à des tensions. Autre piste évoquée par les sénateurs : aider financièrement les entreprises pharmaceutiques qui s'engageraient à fabriquer en France des substances actives essentielles, et de rendre leurs sanctions publiques quand celles-ci gèrent mal les pénuries.
Des pénuries qui s’aggravent
Le problème des ruptures de stock prend de l'ampleur. En 2017, 538 signalements de rupture ou tensions d'approvisionnement ont été recensés en France par l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), un record en France, contre seulement 44 en 2008. Le sujet est devenu très médiatisé, en raison de ruptures de stock portant sur des produits d'utilisation courante ou de première importance, comme des antibiotiques, des vaccins ou des anticancéreux. Ces dernières semaines, ce sont des difficultés d'approvisionnement concernant les corticoïdes qui ont provoqué l'inquiétude de médecins et de patients.