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Etudiants en médecine : méfiez-vous des labos !

Les rapports qu'entretiennent les laboratoires et les étudiants en médecine n'ont pas toujours été glorieux. Des cours et des concours dispensés et financés par des labos, des laboratoires qui tentent de séduire les médecins de demain… Des étudiants en médecine ont dénoncé ces liaisons dangereuses. Les explications avec Rudy Bancquart.

La rédaction d'Allo Docteurs
Rédigé le , mis à jour le

Les rapports qu'entretiennent les laboratoires et les étudiants en médecine n'ont pas toujours été glorieux. Notamment en ce qui concerne les prépas, qui sont des cours qui préparent les étudiants au concours d'internat. Concours qui permet au futur médecin de choisir sa spécialité, un moment décisif dans la scolarité.

Il y a encore quatre ans, la prépa Hippocrate, l'une des plus populaires, était financée par le laboratoire Servier. Le logo du labo était présent à l'entrée, dans chaque salle de conférence. Une photo du fondateur figurait aussi à l'entrée. Des cours dispensés par un laboratoire pharmaceutique, cela peut poser des questions.

Des cours et des concours financés par des laboratoires

Même chose pour le concours blanc aux épreuves d'internat. Des concours blancs étaient organisés par le laboratoire Sanofi. Comme ce concours était financé en partie par un labo, il était peu cher (65 euros dans plus de 35 facultés) et rassemblait beaucoup de monde ce qui lui donnait des airs de vrai concours. Deux tiers des étudiants y participaient. C'était le plus populaire.

Pourquoi Sanofi finançait un tel concours ? Le retour sur investissement était considérable en terme de perception positive du laboratoire. Vous ne pensez pas du mal de celui qui vous a aidé. Des associations d'étudiants en médecine ont également longtemps été financées par les labos, mais elles ont rompu depuis peu tous ces liens.

Les étudiants en médecine disent non aux influences

Mais tout cela est révolu puisque la loi sur le renforcement de la sécurité sanitaire de Xavier Bertrand a interdit aux laboratoires ces liaisons dangereuses. Depuis 2012, concours et prépas financés par les labos sont interdits. Cette décision pose d'ailleurs un problème car les facs qui ont pris le relais n'ont pas toujours les moyens.

Pour autant, cela ne signifie pas que les étudiants en médecine ne sont plus confrontés aux laboratoires pendant leurs études. C'est la raison pour laquelle un collectif d'étudiants "La troupe du rire" a créé et diffusé à 10.000 exemplaires d'un livret sous forme de guide pratique à destination des étudiants qui permet de se prémunir de l'influence des labos.

Ce livret a obtenu le prix Prescrire, du nom de la revue médicale indépendante. Ce livret est bien réalisé et plein d'humour. Ils se sont inspirés du manuel édité par l'OMS sur le même thème mais qui est illisible. Leur guide contient de nombreux conseils pratiques et n'est pas donneur de leçons. Le principe n'est pas de dire que les labos sont les méchants et les étudiants des victimes, mais de rappeler qu'il ne faut pas tomber dans le piège de "l'illusion de l'unique invulnérabilité", un phénomène bien identifié par les psychologues. Il s'agit du sentiment qui fait croire que l'on est incorruptible (contrairement aux autres).

Dans ce livret, les étudiants disent que tout commence à la fac. Selon eux, pendant leurs études, les étudiants ne sont pas formés à se prémunir contre l'influence des laboratoires pharmaceutiques. La France est dans ce domaine très en retard. Il y a bien des interventions de professeurs, mais cela reste des initiatives personnelles. Et dans la majorité des cas, les profs déclarent rarement leurs liens d'intérêts avant un cours. Mais cela devrait bientôt changer puisque le Sénat et le Conseil de l'Europe ont adopté des textes visant à ce que les enseignants les déclarent. Il faudra voir si cette décision sera suivie d'effets.

Il existe aussi de vieilles habitudes. Par exemple, il existe deux façons de parler d'un médicament : soit on parle de la marque, soit on parle du nom de la molécule. Souvent les profs parlent de la marque. Il s'agit donc d'une forme de pub déguisée. Il existe de nombreux exemples de ce type contre lesquels cette association rappelle qu'il faut être vigilant pour ne pas se faire influencer.

Petits déjeuners, stylos et cadeaux en tous genres...

Il faut aussi être vigilant à l'hôpital, un endroit où les labos sont très présents et où les étudiants se font draguer. Les professionnels parlent de "staff labos". Ce sont des petits déjeuners offerts par les labos pendant lesquels les visiteurs médicaux vantent les derniers médicaments du labo, des distributions de stylos, etc. Lorsqu'ils ont reçu le prix Prescrire, ils ont d'ailleurs fait une compilation assez amusante des situations.

Un repas, un stylo... Aux yeux de certains médecins et même du public, ces petits cadeaux peuvent paraître anecdotiques. D'ailleurs certains médecins les traitent de bolchéviques. Mais le message qu'essaient de transmettre ces étudiants est que ces petits cadeaux, ces habitudes créent un sentiment d'obligation de réciprocité. En clair, si on m'offre, je dois rendre. Et lorsqu'un labo influence un médecin, il tente surtout d'influencer sa façon de prescrire, là est le problème.

Des médecins sous influence, cela donne des scandales comme le Mediator ou le Vioxx et la mort de nombreux patients. D'où la nécessité d'être indépendant, critique… et cela s'apprend dès la fac. Ce manuel à destination des futurs médecins a donc plus que jamais son importance.

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