Le succès du diesel, l'oeuvre des lobbies
Pendant des années, la France s'est entichée du diesel. Mais depuis le début de l'année 2018, les derniers chiffres d'achats de voitures neuves montrent que la tendance commence à s'inverser.
Dans les années 80, l'achat de voitures diesel est en pleine croissance. Il atteint un pic en 2008 et depuis 2013, on constate un recul. En 2017, il passe sous la barre des 50%. D'un point de vue de la santé publique, il s'agit d'une bonne nouvelle.
Les dangers du diesel sur la santé
Le diesel est dangereux pour la santé. Et si aujourd'hui cela ne fait plus aucun doute, il a fallu du temps pour le démontrer. En 1997, une quarantaine de chercheurs du CNRS tirent la sonnette d'alarme sur la dangerosité du diesel dans un rapport de 245 pages. Ils démontrent un risque accru de cancer du poumon chez les personnes exposées aux fumées du diesel. Mais cette expertise n'a jamais été publiée.
Selon Pierre Tambourin, à l'époque directeur du département des sciences de la vie au CNRS, "au sein du comite de direction du CNRS, (…) certains ont vu ce rapport comme une menace pour notre industrie automobile". Le ministère de la Recherche alors dirigé par Claude Allègre, lui, ne donne aucune suite.
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Mais en 2012, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) classe les rejets des véhicules diesel "cancérigènes certains". Et aujourd'hui, il existe plusieurs raisons pour considérer le diesel comme dangereux pour la santé. Les véhicules diesel relâchent du CO2 qui participe au réchauffement climatique (autant que l'essence). Ils émettent aussi des particules fines en grande quantité, responsables de pathologies cardiovasculaires (infarctus, accidents vasculaires cérébraux). Enfin, ils émettent des NOx/dioxyde et monoxyde d'azote (cinq fois plus qu'une voiture essence), des gaz irritants pour l'appareil respiratoire.
Le poids des lobbies
Après le choc pétrolier dans les années 70, les constructeurs de voitures sont accablés par la crise économique, notamment le groupe PSA. Le fleuron français a alors recours au chômage technique. Pour éviter que l'industrie ne périclite, l'Etat suggère de développer le diesel. Le carburant est moins taxé donc les constructeurs vendront plus de voitures, et ils pourront maintenir l'emploi dans la filière. Renault suivra le mouvement et les ventes de voitures diesel en France s'envoleront dans les années 80.
Problème, la crise s'installe en France et le chômage ne cesse de croître. Pour maintenir l'emploi, les lobbyistes réclament plus, et obtiennent des avantages. Par exemple, pour les utilitaires, une déduction de 100% de la TVA sur le carburant. Résultat : les Français achètent des voitures diesel. Grâce à cette stratégie, des dizaines de milliers de postes sont sauvés.
L'Etat et les lobbies sont donc responsables de cette France qui roule au diesel. Quand éclate l'affaire Volkswagen, les responsables politiques qui connaissent la dangerosité du diesel sur la santé sautent sur l'occasion pour dénoncer les manoeuvres des lobbies qu'ils ont, eux-mêmes, entretenues.
Demain, la fin du diesel ?
Anne Hidalgo, maire de Paris, dénonce les lobbies du diesel. Elle souhaite interdire le diesel en 2024 dans la capitale au nom de la santé publique. Selon elle, sa mesure suscite de vives réactions, notamment chez Carlos Tavares, actuel président de PSA, acteur principal de la filière du diesel en France.
Mais la mairie de Paris n'est plus la seule à ne plus vouloir du diesel. Dans le budget 2018, le gouvernement a fait voter une augmentation de la fiscalité sur le diesel pour inciter les consommateurs à s'en détourner. À la fin du quinquennat d'Emmanuel Macron, le prix du diesel devrait normalement rejoindre celui de l'essence. L'Etat semble donc changer de stratégie, la santé publique semble primer sur les emplois. Mais des députés s'insurgent à l'image de Christian Jacob (Les Républicains) pour qui cette mesure va pénaliser les territoires ruraux. Des dizaines d'amendements ont été déposés contre cette mesure.
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Aujourd'hui, la filière française du diesel se porte mal. Des sites industriels et de nombreux sous-traitants sont aux abois. Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a reçu tous les acteurs du secteur en décembre 2017 pour les inciter à les reconvertir. Le gouvernement va-t-il tenir bon ? Réponse dans quatre ans...